Depuis plusieurs mois, nos débats économiques sont centrés exclusivement sur le feuilleton budgétaire. La question politique du moment se résume globalement à : comment financer un système public à bout de souffle en évitant la censure du Parlement et des marchés financiers ? Comme d’habitude, la solution se trouve dans des hausses de taxes, suffisamment fortes pour renflouer temporairement les caisses, mais suffisamment faibles pour ne pas susciter de trop grandes colères parmi les contribuables.
Nous attendions la baisse des dépenses publiques comme la majorité des Français. Nous attendions de la simplification et de la stabilité fiscale. Nous aurons donc des hausses de taxes et un ministre de l’Économie qui nous enjoint d’accepter la baisse de rentabilité de nos entreprises pour nous conformer aux nouvelles règles environnementales. Nous allons payer et continuer de nous confronter aux freins et aux blocages administratifs du quotidien : règles d’urbanisme et autorisations toujours plus complexes, règles sociales illisibles et parfois contradictoires, interprétations des lois et règlements variables ou absurdes en fonction des administrations.
Mais le problème auquel nous faisons face est plus profond. Nous constatons que le principe même de croissance de nos entreprises est au mieux oublié par nos élus, au pire méprisé. Pour certains, rechercher la croissance serait devenu une forme d’hubris, une quête déraisonnable qui ne témoignerait que d’une tendance maladive à l’accumulation. Nous avons tant détaillé l’impact irréversible de notre croissance sur les écosystèmes et sur les personnes que plus personne ne souhaite désormais grandir pour ne pas nourrir le monstre irascible qui détruira les gens et la planète. Alors, nous sanctionnons méthodiquement les trois facteurs de croissance : le capital est surtaxé, le coût du travail augmente et le progrès technique est entravé par la réglementation.
Pourtant, nos attentes de services, de consommation et de confort sont en forte croissance : hausse des besoins de solidarité pour répondre au défi du vieillissement, hausse des attentes à l’égard du service public, hausse réclamée du pouvoir d’achat, volonté de produire chez nous les technologies stratégiques.
Pour certains, viser la croissance serait une forme d’hubris.
Le fruit de ce décalage entre nos attentes toujours croissantes et nos capacités décroissantes a un nom : le déficit. Le déficit public d’abord, qui continuera à augmenter si nous n’augmentons pas la croissance dans notre pays ou si nous ne baissons pas nos attentes à l’égard de la puissance publique. Le déficit commercial enfin, car nous consommons de plus en plus et produisons de moins en moins. Conséquence : les importations représentaient 13,1 % de la demande intérieure en 1960 ; en 2021, 31 % de nos consommations venaient de l’étranger.
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Si nous poursuivons cette trajectoire déraisonnable de refus de la croissance et de hausse de nos attentes, nous finirons par disparaître collectivement. Dans les faits, ce phénomène a déjà commencé. La France représentait 3,5 % des exportations mondiales en 2010. En 2022, cette part était de 2,3 %. Quant au déficit public et à la dette, la situation est tellement connue qu’elle ne mérite plus d’être rappelée. Alors, plutôt que d’adopter des politiques qui vont à l’encontre des stratégies de croissance de nos entreprises, nous enjoignons les pouvoirs publics à adopter la démarche inverse et à libérer les facteurs de production : capital, travail et progrès technique. Sans quoi, nous devrons assumer les conséquences de nos choix : la décroissance de notre confort, de nos services et de nos solidarités publiques.
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