«C’est sympathique de voir des jeunes, ça change des petits vieux ! » À 88 ans, Renaud est toujours alerte et plein d’esprit. Prononcée sciemment à voix haute au milieu du salon, la remarque de cet ancien pilote de chasse provoque les sourires des autres pensionnaires du Logis, la résidence senior de l’espace Saint-Julien situé en plein cœur de Laval. Ouvert en 2022, ce lieu de vie intergénérationnel posé dans un parc de deux hectares abrite également une maison médicale, une résidence étudiante, un café solidaire, une micro-crèche, un patronage et, à partir de septembre prochain, un internat pour collégiens et lycéens.
Une formule atypique d’inspiration chrétienne imaginée par une poignée de bénévoles désireux de remédier à la solitude des aînés, de tisser des liens entre les générations et d’aider les parents dans leur mission d’éducateurs. En 2017, grâce à des fonds privés, ils ont acquis puis rénové l’ancien hôpital de Laval, redonnant à cet édifice millénaire, autrefois géré par les Religieuses hospitalières de Saint-Joseph, sa mission première d’accueil et de soin pour les plus vulnérables. « Ce qui m’a attirée ici, c’est la perspective de cohabiter avec des jeunes et de leur être utile. Leur rendre service me revitalise et me donne le sentiment d’être pleinement engagée dans la vie », confie Marie-Claire, 85 ans, qui encadre notamment l’aide aux devoirs trois jours par semaine au sein de la Cabane, le patronage installé dans un coin du parc.
Une dimension éducative et spirituelle
Ce centre de loisirs chrétien accueille une centaine d’enfants de 6 à 11 ans les mardis et jeudis après l’école, de 15 h 30 à 18 h 30, et toute la journée du mercredi. « Le patronage est un relais des parents, nous sommes là pour rendre service aux familles. À Laval, avec une semaine scolaire de cinq jours, les cours se terminent à 15 h 30, ce qui peut être compliqué pour les parents qui travaillent. Les bénévoles du patronage récupèrent les enfants à la sortie des classes dans une dizaine d’écoles publiques et privées de la ville et les accompagnent jusqu’à nos locaux », explique don Augustin, jeune prêtre de la communauté Saint-Martin et aumônier de cette structure qui reçoit une centaine d’enfants issus de milieux sociaux très divers.
« De nombreux parents souhaitent que leurs enfants soient encadrés après l’école, observe Cécile, la directrice du patronage. À tel point qu’après le Covid, certaines familles envisageant de s’installer à Laval ont pris contact avec nous pour s’assurer que nous pourrions accueillir leurs enfants avant de prendre la décision de déménager ! Ils sont attirés à la fois par la dimension éducative et la proposition spirituelle du patronage. » Au programme : jeux au grand air, travaux manuels, catéchisme et aide personnalisée aux devoirs, dans une ambiance bienveillante. « Nous sommes ouvertement chrétiens et ouverts à tous, ajoute don Augustin, debout devant un portrait de saint Jean Bosco et d’une représentation de la Vierge de Pontmain. Les parents inscrivent leurs enfants en connaissance de cause. Si la majorité des enfants fréquentent les paroisses locales, certains sont non-croyants. »
Il est presque 16 heures lorsque les élèves, cartable au dos, arrivent par petits groupes. Devant le local, ils se rangent en file indienne pour saluer « Dame Cécile », la directrice qui les appelle chaleureusement par leur prénom. Rapidement débarrassés de leur sac, certains se dirigent vers le coin lecture pour se plonger dans des bandes dessinées, tandis que d’autres prennent d’assaut la table de ping-pong dans le jardin. Victoria, 7 ans, s’installe machinalement devant un échiquier pour débuter une partie avec don Augustin. Après la distribution du goûter, l’abbé, cloche en main, rassemble les enfants pour une courte leçon de catéchisme suivie d’un topo sur l’attention aux autres, en guise d’introduction au grand jeu à venir. « Le patronage est un lieu d’éducation intégrale, sans écran ni téléphone, où les enfants apprennent à être bienveillants, autonomes et serviables, souligne le prêtre. Loin des distractions numériques de la maison, ils cultivent leur imagination et développent de véritables relations à travers les jeux collectifs. Ces activités leur apprennent à respecter des règles, à accepter ceux qui courent moins vite dans leur équipe et à donner le meilleur d’eux-mêmes. »
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Nous sommes ouvertement chrétiens et ouverts à tous
Don Augustin-Aumônier de l’espace Saint-Julien
Complémentarité entre les générations
Alors que le grand jeu s’achève, le petit groupe de seniors sort de la résidence et se dirige vers les locaux de la Cabane. Ils sont rapidement rejoints par les enfants. Dans une atmosphère tranquille, chacun trouve sa place autour des tables du local, transformé en salle d’étude silencieuse. Renaud s’installe près de Romaric, 8 ans. « Je ne me suis pas beaucoup occupé des devoirs de mes enfants alors je me rattrape », confie l’octogénaire en invitant le jeune garçon à sortir ses affaires de classe. « Il a une sacoche qui pèse le poids d’un âne mort, mais il lui manque toujours quelque chose ! » le plaint-il avant d’ajouter en chuchotant : « Ce qu’ils doivent apprendre en classe aujourd’hui me désespère un peu. Les programmes n’insistent pas assez sur l’orthographe. Les mathématiques ont beaucoup changé, j’ai tout juste le niveau ! Mais je ne dois pas me débrouiller si mal que ça car l’année dernière, les mères des deux enfants dont je m’occupais m’ont assuré qu’ils avaient fait de gros progrès. »
Dans la pièce voisine, Berthe, 88 ans, discute à voix basse avec sa petite élève qui a déjà terminé ses leçons. « C’est une boule d’énergie, très intelligente. Elle a besoin d’énormément d’attention parce que sa maman travaille beaucoup et rentre tard. Les enfants d’aujourd’hui ont besoin de s’exprimer. Nous sommes là aussi pour les écouter et être présents, car leurs parents sont très occupés », analyse-t-elle. « Nous redécouvrons ici la complémentarité entre les générations, conclut Cécile. Entre elles se forgent des liens solides de confiance et d’amitié. Les jeunes profitent de la disponibilité et de la sérénité des aînés, qui éprouvent une grande satisfaction à se rendre utiles. »
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