Cet après-midi de janvier, il fait un temps de Toussaint, pas vraiment froid mais bruineux et cafardeux, un temps évoquant ce jour de début novembre où l’on rend hommage aux indispensables qui résident tous au même endroit : boulevard des allongés. Cela tombe bien si l’on ose dire : il sera beaucoup question de la mort, lors de notre entretien avec Marilyne Canto. Pas à cause de la météo bien sûr, mais parce que la comédienne défend dans un café du XIIe arrondissement, non loin de chez elle, le nouveau film de Costa-Gavras inspiré du Dernier souffle, accompagner la fin de vie, le livre de Régis Debray et Claude Grange, médecin spécialiste des soins palliatifs ayant accompagné des milliers de patients vers leur dernier sommeil. À l’image du long métrage, la conversation sera émouvante mais sans pathos, tout sauf sinistre surtout, on rira même de bon cœur çà et là.
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La lumineuse brune de 61 ans (on lui en donnerait dix de moins) y incarne la compagne du philosophe rebaptisé Fabrice Toussaint et incarné par Denis Podalydès. « Ce n’est pas seulement une femme de, souligne-t-elle, c’est elle qui donne l’idée aux personnages principaux de faire de leur discussion un livre par exemple. J’ai beaucoup pensé à Michèle Ray-Gavras qui produit les films de Costa, à la façon qu’ils ont de travailler ensemble. » C’est d’ailleurs celle-ci, avec laquelle une complicité s’est tissée quand elles étaient membres de la commission de l’avance sur recettes, qui a joué les intermédiaires entre Marilyne Canto et le cinéaste il y a deux ans. Devant un café, tous deux ont discuté de la Grèce, de l’actualité et forcément de Thanatos. « Mais pas du film dans l’immédiat, précise-t-elle. Nous avons d’abord eu une discussion philosophique et assez personnelle pendant laquelle chacun s’est livré. »
Nous-même nous aventurerons sur le glissant terrain de l’intime. D’abord parce que le sujet du Dernier souffle indirectement s’y prête ; ensuite parce que l’actrice-réalisatrice a puisé dans sa tragédie personnelle, la disparition brutale, en 1994, à seulement 40 ans, de son premier mari, l’acteur Benoît Régent, dans son second court métrage Fais de beaux rêves, césarisé en 2007, ainsi que dans son émouvant premier long métrage Le Sens de l’humour (2013) où elle donnait la réplique au deuxième homme de sa vie, Antoine Chappey. Un film pour transcender l’injustice, pour « faire d’une catastrophe quelque chose de beau tout en racontant le deuil autrement qu’à travers le regard d’une veuve éplorée ». Sur le difficile et culpabilisant chemin du droit d’aimer à nouveau, « un pas en avant, un pas en arrière », son double en colère contre la vie laissait entrevoir un tempérament éloigné de l’image que peut renvoyer son physique de joli passereau.
« Il faudrait essayer d’être heureux rien que pour l’exemple »
De nature discrète mais déterminée, ainsi va Marilyne Canto. Le drame vécu quand elle avait 30 ans a sans doute influencé cet allant. « Ce qui est sûr, c’est qu’on s’embarrasse moins dans les relations, on a un rapport aux autres et à la vérité plus sain et direct : on sait qu’on meurt demain », reconnaît celle qui ne craint ni la vieillesse ni sa propre fin. Mais « une vie insuffisante » serait « quelque chose de grave, bien plus que la mort ». Peu avant la fin de l’entretien, s’invitera un citation de Jacques Prévert : « Il faudrait essayer d’être heureux, ne serait-ce que pour montrer l’exemple. »
L’actrice, qu’on verra bientôt dans une très libre adaptation sérielle, par Noé Debré (Parlement), de Vivre avec nos morts du rabbin Delphine Horvilleur, travaille au scénario de sa deuxième réalisation, cette fois centrée sur le rapport mère-fille (elle qui a deux grands garçons !) Elle n’a visiblement pas besoin de s’y évertuer pour être heureuse.
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