Le JDNews. Comment se porte votre réseau aujourd’hui ?
Yann Jéhanno. Nous pensons qu’à l’image du secteur, le plus dur est derrière nous. Nous ne sommes peut-être pas encore sortis du tunnel, mais l’issue se dessine, ce qui nous rend optimistes. Pour rappel, nous sortons d’une année 2023 très difficile, et 2024 a commencé sur le même pied avec un premier trimestre compliqué. À partir d’avril, nous avons vu les Français revenir sur le marché avec des projets immobiliers. Ils ne sont pas revenus par hasard, mais parce qu’ils ont bénéficié d’un cocktail composé de baisse des taux, de recul des prix et d’acceptation de la négociation par les vendeurs.
Sauf qu’il y a eu la dissolution…
Oui et à partir de là, nos concitoyens ne savaient plus trop sur quel pied danser. D’un côté, on disait aux primo accédants qu’ils n’allaient plus payer de frais de notaire, d’un autre, que le DPE allait n’être qu’indicatif et puis encore d’un autre, que l’encadrement des loyers deviendrait obligatoire. Les Français qui avaient des projets d’achat ou de vente se sont dit qu’il était urgent d’attendre.
Mais l’activité du marché immobilier a quand même repris ?
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À partir de la mi-août, oui, nous avons vu le marché immobilier reprendre crescendo ce qui a entraîné une hausse de 7 % des compromis de vente signés dans le réseau sur l’année 2024.
Comment vos effectifs ont évolué dans ces circonstances ?
Au premier semestre 2024, ils ont baissé de 10 %, principalement en raison de postes non remplacés ou de créations gelées. Sur les derniers mois de l’année, nous avons reconstitué nos effectifs avec près de 7 % de hausse. Nous sommes actuellement en phase de redressement, ce qui implique de recruter pour les postes non pourvus. Par ailleurs, nous avons battu notre record de locations et diversifié nos activités avec la gestion locative et le syndic de copropriété depuis trois ans. Cela justifie le recrutement de conseillers location, gestionnaires et comptables. En outre, nous prévoyons cette année le recrutement de 70 à 80 nouveaux franchisés pour accompagner le développement du réseau.
C’est l’instabilité politique qui empêche une reprise franche ?
Oui, la première motivation d’un projet immobilier, c’est la confiance en l’avenir. Aujourd’hui, les voies d’accès au logement sont encombrées. Les primo-accédants représentaient plus d’un achat sur deux en 2019. Ce n’est plus qu’un sur trois. Les investisseurs locatifs, c’était un peu plus d’un achat sur quatre en 2019. Désormais, c’est 16 %. Pourquoi ? Parce que ça fait maintenant un peu plus de sept ans qu’on leur sert un discours décourageant, en multipliant les obstacles. Dans les faits, cela se traduit par une explosion de la taxe foncière, le gel de l’indice de révision des loyers, l’extension de l’encadrement des loyers, ainsi que l’obligation de rénovation énergétique imposée par la loi climat et résilience.
Ce sont donc les propriétaires qui vendent et rachètent qui font tourner le marché ?
Oui, c’est 53 % des acquisitions l’année dernière au sein du réseau Laforêt. Mais les nouvelles ne sont pas encourageantes, puisque le gouvernement a ouvert aux départements la possibilité d’augmenter les droits de mutation, exclusivement pour l’immobilier ancien, ce qui affectera directement les secundo-accédants et les investisseurs.
Certains ont alerté sur des taux d’emprunt qui remontaient dernièrement, c’est le cas ?
Nous ne l’avons pas constaté. Il ne faut pas oublier que les banques, qui s’étaient mises à l’écart de l’immobilier pendant quelques années, sont redevenues offensives et cherchent à conquérir de nouveaux clients. En ce début d’année, le crédit immobilier reste leur principal levier de conquête. Toutefois, les établissements bancaires sont exigeants, et la réglementation entraîne une sélection de plus en plus stricte des candidats au financement.
Il y a aujourd’hui davantage de place pour la négociation ?
Complètement et c’est que ce qui a réellement débloqué le marché. En 2022, au sein du réseau Laforêt, la négociation concernait 60 % des ventes. Aujourd’hui, on est à 90 %. La très grande majorité des propriétaires a accepté de négocier, même si certaines zones restent atones. C’est le cas, par exemple, sur les côtes bretonnes ou normandes où de nombreux vendeurs restent ancrés dans les prix d’après-covid, quand les Franciliens achetaient à des tarifs très élevés. Depuis, la réalité a changé. Malgré cela, une grande partie des propriétaires de résidences secondaires refusent toute concession, ce qui bloque les transactions. Et ces marchés représentent un potentiel important pour augmenter le volume de transactions.
Certains disent que la crise de l’immobilier est passée mais que la crise du logement reste devant nous. Vous êtes d’accord ?
Nous le disons depuis longtemps : nous traversons une véritable crise de l’accès au logement. Les trois voies principales – location, primo-accession, parc social – sont bloquées. Depuis plusieurs années, nous tirons la sonnette d’alarme, mettant en garde contre les conséquences graves d’une politique du logement inadaptée, qui nous mène tout droit dans l’impasse.
« La très grande majorité des propriétaires acceptent aujourd’hui de négocier »
Est-ce que c’est la faute du politique qui a tendance à verser dans l’anti-immobilier ?
Je ne dirais pas ça, car je rencontre régulièrement des élus et des décideurs politiques, et il ne me semble pas qu’ils soient contre l’immobilier. Il n’y a pas si longtemps, lors d’une rencontre avec un élu qui occupe désormais des fonctions importantes au sein du gouvernement, nous avons échangé sur la loi climat et résilience, notamment sur l’obligation de rénovation énergétique. Il m’a alors dit, avec une grande lucidité : « Entre avoir un toit sur la tête, même énergivore, et ne pas en avoir, la décision est rapidement prise. »
Quel message souhaiteriez-vous transmettre à la ministre chargée du Logement ?
Nous ne demandons pas de subventions, mais des mesures durables pour soutenir les primo-accédants et relancer l’investissement locatif, avec lisibilité et visibilité. Nous avons la chance d’avoir une ministre connaissant bien le secteur, un véritable acquis de confiance.
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