Le rendez-vous est fixé au Minim’s, le petit dernier du groupe Paris Society. Laurent de Gourcuff, maître des lieux, est là, heureux de ce nouveau bébé : « C’est mon premier bistrot ! » Son enthousiasme est communicatif. L’empire qu’il a construit ne s’est pas fait par hasard : ce Parisien de 48 ans est animé par une passion depuis l’âge de 16 ans. « J’aimais organiser des fêtes le samedi soir dans des salles que je louais avec des copains, se rappelle-t-il. Je faisais la promotion de ces soirées avec des flyers devant les écoles. Si on remplissait les lieux, on gagnait des sous. Et si on ne les remplissait pas, on en perdait. C’était aussi simple que ça ! »
Aussi simple que de racheter, lorsqu’il avait 22 ans, la boîte de nuit Les Planches. « J’étais à l’European Business School, mais étudier n’était pas ma priorité. J’avais l’idée de construire une aventure. Je voulais être indépendant. J’avais amassé assez d’économies. » À 16 ans, Laurent n’habite déjà plus chez ses parents. « Je louais un petit truc à côté de chez eux. J’ai acheté Les Planches avec un apport et un crédit vendeur. Deux ans après, j’ai acheté Régine et après j’ai acheté Le Milliardaire – et ainsi de suite. J’avais différents associés, mais j’étais toujours majoritaire. »
Se réinventer fait partie de son ADN
Le monde de la nuit a vite été son terrain de jeux. Comme les fêtes se concentrent surtout sur la fin de semaine, il décide de louer ses lieux pour de l’événementiel en début de semaine. Se réinventer fait partie de son ADN. « D’abord, j’ai géré les boîtes de nuit, raconte l’entrepreneur à succès, puis j’ai créé des lieux événementiels. Enfin, ma troisième activité, c’est la restauration : j’ai ouvert Monsieur Bleu il y a douze ans. C’était en 2013, grâce à la confiance de Jean de Loisy, un homme extraordinaire. Il était le président du Palais de Tokyo. »
Parce que les musées ont cruellement besoin d’argent, Laurent obtient des lieux extraordinaires. Il propose de verser 10 % du chiffre d’affaires des restaurants. La première année, il fait 12 millions de chiffre d’affaires, bien plus que ce qu’il avait envisagé. Pour l’épauler dans cette aventure, il fait appel à Gilles Malafosse, un ami d’enfance. « Gilles m’a aidé à bâtir le pôle restauration de Paris Society qui, à l’époque, s’appelait Noctis. » Cette réussite attire forcément les autres cafés de musée. « J’ai tout de suite eu l’idée de rassembler le maximum de spots parisiens, avec un critère prédominant : de grandes terrasses sur de bons emplacements avec, si possible, de belles vues. » Après Monsieur Bleu, il ouvre avec Gilles Malafosse Loulou, au musée des Arts déco. Puis ça continue : Girafe, Mun, Coco, Perruche, Gigi, Bonnie, Dar Mima, Laurent ou encore Baronne et aujourd’hui Minim’s. « Depuis toujours, j’ai une liste de vingt lieux où je rêvais d’ouvrir des restaurants, confie-t-il. J’en ai ouvert 16 sur 20 ! » Ses restaurants deviennent vite des marques et ont aussi cette particularité de plaire aussi bien aux Parisiens qu’aux touristes.
Tout est possible pour Laurent. Un vrai personnage de roman
Il y a deux ans, Laurent a vendu Paris Society au groupe Accor qui était entré au capital il y a six ans : « C’était surtout un mariage entre Sébastien Bazin et moi-même, plutôt qu’entre Accor et Paris Society, précise Laurent. L’incroyable résultat du groupe pendant ces dernières années, c’est beaucoup grâce à lui qui a cru en nous, qui nous a aidés, et pas uniquement financièrement. Il s’est beaucoup impliqué dans la transformation du groupe. Il est certes un patron du Cac 40, mais il est aussi un entrepreneur incroyable, qui a une vision et le sens de l’hospitalité. Il nous a dit, durant le Covid : “On passe la seconde !” L’avenir lui a donné raison. On a même signé l’abbaye des Vaux de Cernay pendant que tout le monde était confiné. Ma présence dans Paris Society est très liée à celle de Sébastien Bazin. »
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Depuis qu’Accor est dans le jeu, quel est le job de Laurent ? « Faire en sorte que nos marques continuent à être désirables », répond le passionné qui parle de ses restaurants avec amour. Tout comme de ses équipes : « Paris Society est un petit peu une famille. Tout le monde se mêle de tout. Alexandra de La Brosse, qui dirige la communication, est là depuis dix ans, elle a son mot à dire sur tout, elle tourne pour vérifier les lieux et voir ce qui ne va pas. De toute façon, je ne prends jamais une décision seul. Je suis très collégial : tu as quand même plus de chances de te tromper seul qu’à plusieurs ! »
Alexandra de La Brosse rappelle que Laurent a tout de même changé la notion de l’hospitalité : « Il y a vingt ans, tu allais au restaurant pour te sustenter. Tu venais, tu mangeais ton steak frites et tu repartais. Je pense qu’avec Paris Society, on a réinventé une manière de venir au restaurant à travers des expériences à 360 degrés. On a ramené de la poésie dans la restauration, à travers une direction artistique et une programmation musicale incroyables. »
Laurent ne s’arrête pas aux restaurants : il propose aussi de l’hôtellerie, avec la magnifique abbaye des Vaux de Cernay qui se veut comme une maison à la campagne à une heure de Paris. « C’est la vision de tout ce qu’on a voulu pour un hôtel de campagne, raconte-t-il. Il fallait que ce soit à la fois très grand et très chaleureux avec un immense parc et un point d’eau. On vient d’ajouter une ferme d’une cinquantaine de chambres. » La Villa M, qui a un toit-terrasse dans le 15e à Paris, et Le Refuge de Solaise, dans les Alpes, font aussi partie du groupe.
Des projets à la minute
Un secret pour durer dans ce métier ? « Il faut vraiment savoir s’entourer, répond Laurent de Gourcuff. Il faut savoir payer les gens aussi. Et leur dire merci. Moi, je ne dis pas assez merci. » Le petit truc en plus de ce restaurateur à succès ? Laurent ne boit jamais d’alcool. Il est loin des vices qui accompagnent la nuit. Ce qu’il aime avant tout ? Se retrouver avec sa femme et leurs trois enfants dans leur maison de campagne proche de Paris. Son autre passion : la brocante. Depuis ses 15 ans, il chine. Du distributeur de bonbons à tête de Titi (il en a 80 exemplaires) qu’il transforme en lampes au tank militaire en passant par l’aéroglisseur, tout est possible. On dirait vraiment un personnage de roman.
Comme il est une figure de la scène parisienne, certains touristes sont ravis quand ils le voient dans ses restaurants. « Je tourne dans les lieux cinq soirs par semaine parce qu’il n’y a que comme ça que tu peux te rendre compte de ce qui ne va pas. » Est-il sensible aux critiques ? « Bien sûr, j’adore que les gens me disent ce qui ne va pas. Si c’est pour me dire que tout était excellent, cela ne m’intéresse pas. Le souci dans mon métier est que tous les matins, on repart de zéro. » Il a des projets à la minute et les ouvertures à l’étranger s’accélèrent. C’est déjà un gros succès à Dubaï avec Maison Revka et Gigi. Istanbul verra l’ouverture de Mondaine et de Gigi. Les États-Unis sont bien sûr au programme avec Miami et New York, mais aussi l’Angleterre avec Londres, et encore l’Italie. C’est en tout une cinquantaine d’ouvertures prévues à l’étranger dans les années qui viennent.
En attendant, Laurent prend parfois des vacances. Cette année, en février, sa femme a trouvé une petite station de ski loin de tout où il ne sera pas tenté d’aller contrôler ce qui se passe dans les lieux qu’il dirige. Vu l’affection de Laurent pour son travail, il sera peut-être capable de bouger des montagnes pour voir ce qui se passe dans ses restaurants des stations voisines…
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