Il m’est souvent arrivé d’offrir à un camarade qui allait devenir un ami, Le camp des saints, de Jean Raspail, à la manière d’un samizdat. C’était ma manière de lui dire : je sais que tu sais et tu sais que je sais que notre peuple et notre civilisation seront bientôt noyés démographiquement. Ce roman prophétique décrivait non seulement la fin de l’Europe mais aussi le consentement de ses élites à cette extinction. Il fut un temps où il ne nous était pas permis de le dire publiquement. La doxa disait : l’immigration massive est une chance et n’existe pas, tout à la fois !
Les temps changent. François Bayrou parle désormais de « submersion », trente ans après que Valéry Giscard d’Estaing a parlé d’immigration « invasion ». C’est qu’entretemps, le « grand remplacement » est passé par là. La formule de Renaud Camus entendait à l’origine décrire la mise en minorité par vagues migratoires successives du peuple historique d’un pays par une population nouvelle. Qui trop reçoit n’assimile pas. Elle se voulait d’abord descriptive et n’était associée à aucun complot. La gauche est parvenue à détourner le sens de l’expression : ainsi naissait la « théorie du grand remplacement », conspirationniste et raciste.
Mélenchon, héraut du grand remplacement
Les spécialistes patentés de « l’extrême droite » prétendirent même y reconnaître des origines nazies. Si vous redoutez de devenir minoritaire dans votre propre pays, vous êtes apparenté au IIIe Reich. Il y aurait une forme de continuum entre le refus de l’immigration massive et l’horreur absolue que fut la Shoah. On comprendra ce mécanisme de censure en lisant Les habits neufs du terrorisme intellectuel, de Jean Sévillia. Les démographes lyssenkistes parachèvent ce déni de réel. Les meilleurs mensonges se nomment statistiques. La formule est devenue inutilisable, car confuse et trop chargée.
Jean-Luc Mélenchon revendique désormais la « théorie du grand remplacement »
Mais voilà que Jean-Luc Mélenchon la revendique, désormais, la transforme en arme de guerre et se fait applaudir. Citons-le : « Oui, il y a un grand remplacement », permettant la « créolisation » du pays, c’est-à-dire l’assimilation des Français de souche par les nouveaux arrivés qui n’ont pas, ajoute Éric Coquerel, à s’assimiler. « Il n’y a pas de mode de vie du pays hérité […] on n’est pas Français parce qu’on aurait une culture issue de plusieurs centaines d’années ». Exit la transmission culturelle. La France s’épuiserait dans l’idée républicaine et ses valeurs – la gauche radicale et l’extrême centre ont ici la même vision du monde.
Dissolution du Français de souche
On comprend mieux pourquoi Mélenchon vomissait, l’an dernier, sur « ceux qui s’appellent Français de souche [et] qui posent un sérieux problème de cohésion à la société ». C’est le Français de souche qu’on doit dissoudre et rééduquer pour qu’advienne une nouvelle France. Sans surprise, on l’a d’abord nié, avant de reconnaître son existence pour mieux le détruire. On doit au dissident Pierre Sautarel d’avoir gardé vivante une référence positive au Français de souche avec son site internet Fdesouche, toujours pillée, jamais citée.
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Qu’en penserait de Gaulle ? Tout le monde connaît sa définition du peuple français rapportée par Peyrefitte dans C’était de Gaulle et ce qu’il disait de l’huile et du vinaigre. Allons plus loin et relisons ses discours de 1967 au Québec. Il disait alors aux Québécois : « Vous êtes un morceau du peuple français. » Il parlait aussi des « Français de part et d’autre de l’Atlantique ». Autrement dit, malgré le passage des siècles et même s’ils avaient juridiquement une autre nationalité, ils étaient du même peuple.
De Gaulle n’adhérait pas à une définition strictement « civique » de la nation
De Gaulle n’adhérait manifestement pas à une définition strictement « civique » de la nation. Dans cet esprit, certains diront qu’il ne suffit pas aujourd’hui d’un coup de baguette laïque pour assimiler culturellement à la France des millions de personnes issues d’une civilisation étrangère. Telle était la conception de la nation sur laquelle fut construite la Ve République. Je ne veux pas faire parler les morts, mais je crois que lui aussi, dans la France actuelle, se sentirait submergé.
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