Le rêve est américain. Le romantisme du Nouveau Monde : I have a dream. Si l’on rêve assez fort, ils se réalisent. Martin Luther King et Walt Disney l’ont promis. Donald Trump tient le pari : il rêve éveillé devant les ruines de Gaza. Il veut vider le chantier. Aplanir le parking. Reconstruire. « En faire une nouvelle Côte d’Azur ! » On imagine un décor provençal comme un lotissement en Californie. « Quelque chose de vraiment spectaculaire ! » dit le président. En option, le feu de bois factice dans la cheminée.
Le monde arabe reste interloqué. Un tabou vient de sauter. Le peuple palestinien, la nation palestinienne, l’État palestinien s’évanouissent. C’étaient de mauvais rêves, des cauchemars !
Sidération générale
Le promoteur en chef devenu président fait de la diplomatie à la dynamite et au marteau-piqueur. Il déroule le programme : les Émirats financeront la reconstruction et aussi l’exode d’un million et demi d’habitants de l’enclave. Depuis trois générations, ils se croyaient réfugiés : ils étaient juste SDF. Fin du droit au retour, fin de l’histoire tragique. Bienvenue dans la modernité ! L’Amérique va les reloger chez les voisins. Ils vivront en paix. Donald Trump conduira le chantier. Déploiera des troupes au sol : il faut de bons gardiens dans une Riviera. « J’envisage un statut de possession à long terme ». Gaza, 51e État de l’Union, à titre provisoire ?
Aux côtés de Donald Trump pendant cette conférence de presse inouïe, Benyamin Netanyahou sourit, indécis. Qui aurait imaginé cela ? La sidération est générale. Il n’aurait jamais avoué ainsi, mais la vision de Donald Trump rejoint la sienne. Faire partager son rêve est la meilleure façon de le réaliser.
Le printemps persan
Sur les bords de Seine aussi, on voudrait un happy end au Moyen-Orient. À l’invitation de la revue Politique Internationale que dirige Patrick Wajsman, Reza Pahlavi fait face à plusieurs centaines d’invités venus prendre leur petit-déjeuner dans un palace en se demandant si l’histoire repasse les plats. Tous rêvent d’un printemps persan. L’héritier du trône du Paon répond avec une simplicité de grand seigneur, en français. Les cheveux du prince ont blanchi. Son visage rappelle singulièrement son père qui avait quatre ans de moins à sa mort. Des shahs siamois ? Non, car le discours de Reza II s’éloigne chaque année un peu plus de celui qu’aurait tenu Reza Ier. Plus ils se ressemblent, moins il lui ressemble ! Il prône la démocratie, la non-discrimination, le désarmement nucléaire, le renforcement des sanctions…
La suite après cette publicité
Reza Shah croit le régime des mollahs à bout de souffle. Cela fait longtemps qu’il le dit, cela n’a jamais été aussi vrai
La première fois que Patrick Wajsman l’a interviewé, c’était dans son exil au Maroc, il y a 42 ans. Il était un prétendant, ce destin si ingrat. Déjà, il se disait partisan d’une monarchie mais constitutionnelle. Il vit depuis en Amérique. Ne prétend plus qu’à jouer un « rôle de médiateur dans la transition démocratique » si les Iraniens le réclament. Une vision apaisée d’Occidental, à des années-lumière de la violence des chefs de guerre du Moyen-Orient.
Le Shah sur ses pattes
Reza Shah croit le régime des mollahs à bout de souffle. Cela fait longtemps qu’il le dit, cela n’a jamais été aussi vrai. Il a gagné en maturité, sa sincérité est intacte. Il ne s’agit plus de retrouver sa chambre dans le palais de son enfance sur les pentes de l’Elbrouz. Mais de jouer le rôle qu’il a médité toute sa vie : servir un peuple libéré. Par qui ? Comment éviter le bain de sang ?
Donald Trump et Benyamin Netanyahou détiennent la réponse. Peut-être que Gaza sera une nouvelle Riviera et l’Iran une autre Californie. Alors le petit Shah retombera sur ses pattes, comme dans un rêve.
Source : Lire Plus