Il séduit par son franc-parler et son assurance à toute épreuve, qui dit à quel point son chemin a été semé d’embûches. Après une lente traversée du désert à accumuler les petits rôles en tant qu’acteur, Brady Corbet a tout abandonné voilà dix ans pour se consacrer à la mise en scène. Une initiative pleine de sagesse qui lui réussit, car il est aujourd’hui la sensation d’Hollywood.
La success story a commencé en septembre à la Mostra de Venise avec le Lion d’argent du meilleur réalisateur (bientôt suivi du Golden Globe) pour son très impressionnant The Brutalist. « Je n’ai aucune attente et je n’anticipe jamais les réactions des gens, sinon cela force à prendre une série de décisions pour se faire aimer, lance-t-il d’emblée. Les plus grandes œuvres divisent le public, provoquent des débats et des controverses. Je trouve cela immédiatement suspect d’obtenir l’unanimité. »
Son film est l’expression sans compromis de son point de vue. « Pardon, mais j’écris tout seul, poursuit-il. Je me méfie si sur la couverture d’un livre sont mentionnés plusieurs auteurs. Un suffit. Au cinéma, c’est pareil. » Brady Corbet explique qu’il accueille les idées et les suggestions de ses collaborateurs durant la préproduction, « une période pour rêver et résoudre les problèmes », mais une fois qu’il crie moteur, il se replie sur lui-même. En particulier quand le tournage dure seulement trente-trois jours pour un projet si ambitieux, en 35 millimètres, avec un budget limité de 10 millions de dollars. Un progrès quand son premier long métrage, L’Enfance d’un chef (2015), aussi primé à Venise dans la section Orizzonti, n’en avait coûté que trois !
À 36 ans, l’Américain suit les traces de Paul Thomas Anderson et a appris avec les plus grands auteurs au cours de sa carrière de comédien : Michael Haneke (Funny Games U.S.), Lars von Trier (Melancholia), Bertrand Bonello (Saint Laurent), Ruben Östlund (Snow Therapy)… « J’étais sur un plateau dès l’âge de 7 ans, rappelle-t-il. Alors bien sûr que toutes ces personnes m’ont éduqué et façonné. J’ai observé la manière dont elles se battaient pour défendre et monter leurs projets. Cela m’a donné confiance en moi car on est souvent rejeté ou déçu dans ce métier. »
Notamment quand on lui a affirmé qu’une saga de trois heures et demie sur l’architecture brutaliste ferait un flop. « Les spectateurs sont intelligents et fatigués de voir toujours la même chose. » Pour lui, certains studios les sous-estiment et les discréditent alors qu’ils ont un appétit de propositions originales, pleines d’audace et de vivacité. « Ras-le-bol des guignols avec une cape et des collants ! Vous savez, ce putain d’algorithme dont tout le monde s’entiche n’aurait jamais pu prévoir le travail de David Lynch, David Cronenberg ou Claire Denis, que j’admire tant. Je refuse d’entrer dans une case. »
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