Ademe, OFB, ARS, HAS… autant d’acronymes que d’entités administratives à éradiquer selon certains. Gérald Darmanin a proposé ce dimanche de supprimer la Comex, une commission composée de magistrats, qui rend des avis consultatifs sur l’expulsion des personnes étrangères. Autrement dit, qui n’a pas de pouvoir concret et qui ralentit les procédures, a expliqué le garde des Sceaux au micro de BFMTV. Le vent de débureaucratisation qui souffle outre-Atlantique – Elon Musk dégraisse les agences fédérales américaines tandis que le président argentin compte se débarrasser de 60 % des organismes publics – semble avoir atteint l’Hexagone.
Chez les Républicains, Valérie Pécresse a proposé la suppression de l’Agence de la transition écologique (Ademe), tandis que Laurent Wauquiez s’en est pris à l’Office français de la biodiversité (OFB). Leur ancien chef, Éric Ciotti, rêve d’importer la méthode « afuera » (« ça dégage ») de Javier Milei en France. Le président de l’UDR a dévoilé fin janvier dans les pages du JDNews son plan radical de simplification administrative, incluant notamment la suppression du Conseil économique, social et environnemental (Cese).
Même le RN, pourtant réputé étatiste, voudrait se séparer de 80 agences, dont le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, la Commission de régulation de l’énergie, la Commission nationale du débat public, l’Agence française de lutte contre le dopage. À la clé : huit milliards d’euros d’économie immédiate, affirme le parti dans son contre-budget.
La droite pourrait bientôt voir ses vœux exaucés. En 2019 déjà, Emmanuel Macron déclarait vouloir « supprimer nombre d’organismes inutiles ». Une volonté réaffirmée par le Premier ministre François Bayrou lors de son discours de politique générale en janvier. Par où le gouvernement pourrait-il commencer son « puissant mouvement de débureaucratisation » ?
« Une véritable pieuvre technocratique »
S’il y a un secteur particulièrement concerné par la bureaucratie, c’est bien celui de la santé. Entre les ARS (Agences régionales de santé), la Haute autorité de santé (HAS), l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM), le Haut conseil pour l’Avenir de l’Assurance maladie (HCAAM), le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) et Santé publique France, difficile de s’y retrouver.
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La crise sanitaire du Covid-19 a particulièrement mis en lumière le rôle des ARS, chargées de l’organisation des soins et des actions de dépistage dans les régions. En juin 2021, un rapport parlementaire dressait un bilan en demi-teinte de leur action, les qualifiant de « mastodontes technocratiques » éloignés du terrain. Un constat partagé par Frédéric Bizard, professeur d’économie à l’École Supérieure de Commerce de Paris (ESCP), qui suggère de remplacer les 17 ARS par des services de santé publique dans les préfectures afin de réduire le personnel administratif : « Les ARS ne sont pas que dans les régions. Elles ont aussi des délégations départementales. C’est une véritable pieuvre technocratique ! Et au-delà du fait que ça coûte cher, c’est très inefficace. »
À l’échelle nationale, le mille-feuille administratif sanitaire est tout aussi croustillant. « La santé publique en France s’est organisée à la suite des crises sanitaires des années 80, notamment avec le sida. On a créé tout un tas d’agences les unes après les autres. Et tout ça n’a plus aucun sens aujourd’hui, abonde Frédéric Bizard, en citant comme exemples le HCAAM et le HCSP, qui semblent se chevaucher dans leurs missions sans une grande coordination.
Un « énorme travail »
Si le constat paraît unanime dans la classe politique, du centre jusqu’au RN, reste la question du comment. Débureaucratiser, que ce soit la santé, la justice ou l’environnement, n’est pas encore gagné. « D’ailleurs on ne sait même pas le nombre d’organismes concernés. Ça varie en gros de 400 à 1500, chiffre Jean-Philippe Feldman, agrégé des facultés de droit et chercheur à l’Iref (Institut de recherches économiques et fiscales). Il ne suffit pas de faire des annonces. »
En 2003, Jacques Chirac dénonçait déjà les
« archaïsmes, les contraintes, les rigidités et les lenteurs de l’administration »
D’après le professeur, mettre en place une autorité administrative indépendante est un processus complexe, mais la supprimer est encore plus difficile : « Comme son nom l’indique, elle jouit d’une indépendance, et la supprimer relève donc d’un enjeu politique majeur. » Dans le cas du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, que le RN souhaite abolir, la situation est d’autant plus délicate. Mis en place par une loi après la ratification d’un protocole des Nations unies, cet organe chargé de contrôler le respect des droits fondamentaux des personnes que l’autorité publique a décidé d’isoler, ne peut être supprimé qu’en revenant sur cette ratification.
La débureaucratisation est-elle un leurre ? En 2003 déjà, Jacques Chirac dénonçait les « archaïsmes, les contraintes, les rigidités et les lenteurs de l’administration ». Depuis, les responsables politiques qui se sont succédé n’ont pas réussi à endiguer le phénomène. Peut-être l’intelligence artificielle, à qui Jean-Philippe Feldman suggère de confier cet « énorme travail », y parviendra-t-elle ?
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