Il en a un peu ras la casquette, Éric Roy, même s’il la porte très bien. Juste après la qualification de son équipe pour les quarts de finale de la Coupe de France (victoire à Troyes 2-1 mardi), l’entraîneur breton imaginait déjà la suite : « Au prochain tour, jouer Paris à Paris, ce sera compliqué. C’est écrit. » Grand fan du PSG et préposé au tirage au sort, Richard Gasquet en a pourtant décidé autrement, offrant aux « Ty Zefs » la réception de Dunkerque. Bien joué, l’exorciste !
Il n’y aura donc pas – pour l’instant – de PSG-Brest supplémentaire au programme, mais les deux qui s’avancent (match aller du barrage de Ligue des champions mardi à Guingamp, retour huit jours plus tard au Parc des Princes, les deux rencontres sur Canal+ à 21 h) suffisent déjà à hanter les nuits finistériennes. Comment inverser le sort d’une confrontation déjà pliée en apparence ? Comment oublier le cinglant 5-2 en Ligue 1 la semaine passée à Francis-Le-Blé alors que les partenaires de Ludovic Ajorque ont tiré (14 fois) et cadré (7 fois) autant que ceux de Marquinhos ? Comment gommer les quarante interminables années d’insuccès (dernière victoire en janvier 1985) et le bilan décourageant des quinze dernières (2 nuls et 16 défaites) face au géant de la capitale ?
« La façon la plus rassurante d’aborder l’événement est de se dire qu’il commence à l’instant T, analyse Denis Troch, ancien adjoint d’Artur Jorge au PSG (1991-1994) devenu une référence de la préparation mentale. Pour l’instant, le score est de 0-0. Au-delà des résultats immédiats, les joueurs ont intégré le paramètre d’investissement total. On l’a encore vu cette semaine en Coupe avec ces surprises qui font le charme du football. C’est comme en boxe : si vous craignez le KO, vous ne montez pas sur le ring. Ils vont y aller, sûrs de leurs forces et de leurs valeurs. » Pas d’état d’âme à craindre, donc, ni de découragement anticipé au sein d’un groupe qui multiplie les exploits depuis l’automne et a bouclé la phase de groupe de la Ligue des champions avec le même nombre de points (13) que les stars parisiennes.
Le « point de bascule » que les Brestois devront mieux négocier
Entraîneur national à la DTN, Jacky Bonnevay se rend régulièrement à Brest pour superviser la formation de Julien Lachuer, l’adjoint d’Éric Roy. Il apprécie la convivialité et le professionnalisme d’un club qui fonctionne en « circuit court » avec un organigramme resserré. « Pour y croire, les Brestois devront continuer de faire ce qu’ils ont bien fait tout en haussant d’un cran leur niveau individuel et collectif. Ils rivalisent avec la plupart des équipes, ce qui est déjà formidable, mais face au Real (0-3), au Barça (0-3) ou au PSG, il y a un point de bascule où il ne faut pas se rater. Or c’est parfois là qu’ils ont pris un but et compromis leurs chances. Il leur faudra dépasser la pression et la fatigue dues à la répétition des matchs – une nouveauté pour eux. Les grosses équipes dépensent moins d’énergie psychologique avant ce type de rencontres, elles sont rôdées, c’est un avantage indéniable. »
Au centre d’entraînement de Guipavas, on a déclenché le plan « Impossible n’est pas Brestois » en abordant cette double confrontation comme un enchaînement de quatre mi-temps, autant de défis physiques et mentaux à relever. « J’aime beaucoup Éric Roy, poursuit Denis Troch. Son idée du football est généreuse et ambitieuse. Son équipe est très joueuse, peut-être un peu trop. Pour la rendre encore plus performante, il devrait prôner davantage de rigueur et de pragmatisme à certains moments du match. Il faut accepter de gagner sans être bon, tenir et résister. »
La suite après cette publicité
Autour d’un staff qualifié « d’exceptionnel » par Jacky Bonnevay, « King Éric », comme le surnomment les supporters, étudie aussi les failles d’un adversaire certes impressionnant (invaincu en Ligue 1) et en pleine forme à l’image de l’intenable Ousmane Dembélé, mais pas injouable. « Le PSG de Luis Enrique encaisse un but par match en moyenne, insiste Troch. Il laisse des occasions à ses adversaires. Les Brestois ont montré en début de compétition qu’ils pouvaient sortir de vrais matchs de Coupe d’Europe. Avec un 0-0 à domicile mardi, ce qui serait déjà retentissant, la qualification resterait possible. Brest doit se dire qu’il n’a rien à perdre et tout à gagner. »
Pour étayer son propos, le célèbre moustachu offre aux Bretons le souvenir d’un match de légende… du PSG en mars 1993 face au Real Madrid, en quart de finale de la Coupe de l’UEFA. « On perd 3-1 à l’aller avec une expulsion sévère d’Alain Roche alors qu’on était sur le point d’égaliser à 2-2. Pour sublimer les joueurs, on avait travaillé les jours suivants sur les leviers émotionnels comme le sentiment d’injustice. Résultat, 4-1 au retour avec la fameuse tête d’Antoine Kombouaré ! La colère qu’évoque parfois Éric Roy autour de l’arbitrage, la peur de se faire éliminer et la joie de jouer un match unique sont des émotions importantes pour aligner les planètes et prendre l’ascendant, sans oublier le soutien du public mardi. »
Même en cas de déséquilibre aussi flagrant ? « Le plafond de verre existe sans doute, conclut Jacky Bonnevay. Mais ce que réalise Brest est extrêmement rafraîchissant avec des joueurs qui ont connu des trajectoires étonnantes comme Camara, Magnetti, Chardonnet, Lala… C’est leur première saison de Ligue des champions, la première du club en Europe. Ils apprennent sur le tas à 3 000 à l’heure et réalisent des prouesses depuis des mois. Pourquoi ne pas y croire avec eux encore une fois ? »
Source : Lire Plus