Lundi 3 février 2025, le Premier ministre François Bayrou monte à la tribune de l’Assemblée nationale pour engager la responsabilité de son gouvernement en ces termes : « J’ai l’honneur » de vous proposer le chantage constitutionnel ultime de la Constitution de 1958, soit l’adhésion à mon gouvernement, soit le rejet de mon budget et le retour à l’instabilité.
Il en va ainsi de la nouvelle donne institutionnelle : nos politiques ont changé, l’équilibre des pouvoirs aussi, sans que l’on touche à un mot de la Constitution. On voit ainsi se dérouler un nouveau scénario, celui d’une France parlementaire soucieuse des urgences des Français en lieu et place du président omnipotent auquel on s’était habitué à tort.
Le président de la République n’est plus le chef de sa majorité puisqu’il n’y en a plus à l’Assemblée nationale qui ne puisse se constituer sur une seule tête. Il n’est plus chef d’un parti, leader d’un groupe, il ne peut plus « exiger » que se déroule son programme majoritaire. Là était pourtant le vœu initial des rédacteurs de la Constitution de 1958, mettre fin à l’instabilité en permettant que durent sur des années des caps exécutifs : sept ans pour le président, cinq pour l’Assemblée et des possibles jeux d’alternance.
La centralisation autour du quinquennat d’une seule force présidentialo-parlementaire avait dès 2002 conduit à une forme de césarisme exacerbé où rien n’arrêtait plus les vœux du président. Certes les lois étaient efficaces et rapides, les oppositions se retrouvaient paralysées et les Français se lassèrent. Le résultat est tel qu’aujourd’hui, l’électorat a fracturé l’Assemblée et joué le « troisième tour » des présidentielles aux élections législatives.
Le quinquennat a conduit à
un césarisme exacerbé
Dans ce nouveau contexte, le président retrouve ses compétences nationales et internationales dans son domaine réservé : la sécurité, le vivre-ensemble, la Constitution. Les urgences ne manquent pas, le président qui préside a du temps et il lui en faut pour écouter la voix de la France.
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L’Assemblée nationale a retrouvé la confiance, sans jeu de mots, c’est-à-dire l’opportunité de dire si oui ou non elle maintient le gouvernement en place. Si le général de Gaulle avait souhaité mettre fin à cette pratique et désigner de son propre chef le Premier ministre, aujourd’hui l’Assemblée nationale multipartite est faiseuse de gouvernements, à la manière des IIIe et IVe Républiques. Il faut se rappeler l’instabilité qui régnait alors pour obtenir le guide de ce que n’est pas l’esprit des institutions de la Ve République. Le tableau était le suivant : un gouvernement obligé de se soumettre à l’Assemblée avant même qu’elle ne vote la censure pour obtenir son assentiment sur tout. À la lumière notamment de l’affaire Dreyfus et du boulangisme, ce blocage parlementaire finit par scléroser la France.
Il serait donc sage de renouer avec l’esprit de travail partagé, sans garder, comme seul moyen d’exister, les biais de l’esprit partisan et le risque de l’opposition à tout et pour tout.
Le Parti socialiste semble aujourd’hui avoir fait sa mue, celle qu’il fit déjà en 1905, en choisissant de conquérir le pouvoir avant de l’exercer en pesant de son poids sur les alternances. À charge pour le Premier ministre d’obtenir maintenant des votes « pour » ses textes et non seulement pour son maintien.
De là à une culture de coalition, il n’y a qu’un pas qui, si on ne le passe pas, pourrait coûter beaucoup à nos institutions. Les sujets plébiscités par les Français sont largement transpartisans : il suffirait d’un Parlement capable de les entendre.
Cette Constitution qui nous protège, Anne-Charlène Bezzina, XO Éditions, 464 pages, 21,90 euros.
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