« Ce sommet doit favoriser l’adoption de l’intelligence artificielle en France, comme dans toute l’Europe », souligne d’emblée Jacques Pommeraud, le PDG d’Inetum, à la veille du rendez-vous mondial sur l’IA. À la tête de 28 000 personnes au sein de sa société spécialisée dans le développement digital, il regrette sans surprise le retard pris par l’Europe sur le marché de l’IA. En cause, notamment, la charte législative européenne dévoilée en mai dernier, censée encadrer le développement de l’intelligence artificielle. « Avez-vous vu sa taille ? » ironise-t-il, un « pavé » à la main.
Le PDG s’insurge contre ce fléau bruxellois qui consiste à alourdir les règles de régulation plutôt que de libérer les investissements. Les applications capables d’identifier des passants dans des lieux publics, de reconnaître des émotions sur un lieu de travail ou d’évaluer le potentiel criminel d’un individu sur la base de données biométriques sont désormais proscrites. « Au-delà de ces contraintes parfois nécessaires, c’est sa masse de règles qui freine considérablement notre compétitivité », conclut Jacques Pommeraud.
Une accélération attendue
Inetum, présente dans 19 pays (Espagne, Maroc, Colombie…), adapte les innovations technologiques des géants de la tech à leurs clients : les entreprises ou le secteur public. Ses clients ? EDF, Orange, la Société générale, Ikks, mais aussi le ministère des Armées et la Centrale d’achat du numérique et des télécoms (Canut). Installation de logiciels, modernisation informatique et, forcément, développement de l’IA constituent le cœur de son activité. Du sommet mondial qui s’ouvre demain, Jacques Pommeraud attend de la France et de l’Europe qu’elles accélèrent dans ce domaine.
« Les bénéfices potentiels sont bien supérieurs aux risques encourus »
« En matière de technologies, traditionnellement, nous avons toujours accusé un retard important. Avant, c’était dans le cloud [stockage informatique virtuel, NDLR], désormais, c’est dans l’intelligence artificielle. Rendez-vous compte qu’en France, certains grands groupes n’attribuent même pas une simple adresse mail à tous leurs employés ! Et ils préfèrent souvent garder des systèmes numériques vétustes, peu fiables, qui leur reviennent plus cher à l’arrivée », regrette l’entrepreneur.
Formé aux États-Unis où il a passé quinze ans, notamment dans la Silicon Valley, l’homme évoque le scepticisme endémique en Europe dès qu’il s’agit de développer les innovations de la tech. Un excès de prudence qui permet selon lui aux concurrents américains et asiatiques de prendre le large : « Chez nous, les entreprises, qu’elles soient publiques ou privées, hésitent à adopter l’IA car elles se posent trop de questions. Quel sera l’impact sur mes collaborateurs ? Combien d’emplois vont être touchés ? C’est une erreur. Car les bénéfices potentiels sont bien supérieurs aux risques encourus », se désole Jacques Pommeraud.
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Pas question pour autant d’éluder les dangers que l’IA peut engendrer. Certains logiciels qu’Inetum installe servent précisément à contrer les actions de piratage qui prolifèrent. « Il y a une explosion du nombre des menaces. Et la manœuvre n’en est que plus difficile à détecter, alerte-t-il. Moi-même, j’ai été attaqué plusieurs fois. Ma voix et même mon image ont été utilisées pour demander des virements importants, en cryptomonnaie, à mes collaborateurs ! » Des escrocs qui opèrent souvent depuis l’Europe de l’Est et qui ciblent un maximum d’entreprises. « Un seul coup réussi peut générer des millions d’euros… » Autre sujet épineux lié à l’explosion de l’IA : l’impact environnemental. « La consommation d’énergie engendrée par l’IA, avec tout ce CO₂ qui en résulte, est colossale. L’industrie des centres de données doit s’adapter », explique le spécialiste.
Des progrèsdans tous les domaines
Une fois ces contraintes gérées, le développement de l’IA ouvre la voie à de nombreux progrès, dans tous les domaines. Inetum a par exemple développé un système intelligent pour la métropole de Montpellier, qui permet aux agents publics de répondre plus vite et plus précisément aux questions des administrés. « Quelles décisions ont été prises concernant l’esplanade de la Comédie ? Quels sont les projets urbains prévus dans le cadre de la ZAC ? L’IA répond en quelques secondes grâce à un système d’analyse ultrarapide de toutes les délibérations du conseil municipal. »
Santé, automobile… L’IA ouvre la voie à de nombreux progrès, dans tous les domaines
Autre secteur à plus grande échelle : l’arrivée des voitures autonomes, ou encore la santé. « Les malades du cancer pourront bientôt bénéficier d’un traitement personnalisé. L’impact sur le taux de survie de chaque individu sera immense. Les traitements se feront sur la base des connaissances liées à des bases de données compilant des diagnostics effectués dans le monde entier. Sans parler des progrès en matière de recherche de nouvelles molécules », promet-il, enthousiaste.
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