Depuis quelques jours, le débat sur la remise en cause du droit du sol en France fait rage. Comme toujours lorsqu’il s’agit d’immigration, l’émotion et l’anathème prennent le pas sur la raison. Or, il n’est pas indigne, dans une démocratie, de s’interroger sur les règles qui président à l’attribution de la nationalité. C’est même une nécessité politique et philosophique.
La France doit-elle conserver le jus soli, ce principe hérité de la Révolution qui fait de la naissance sur le sol national une condition d’accession à la citoyenneté ? Ou bien doit-elle privilégier le jus sanguinis, qui réserve la transmission de la nationalité aux enfants de citoyens français ? Derrière cette question en apparence technique se cache un débat fondamental : celui de l’identité nationale, de la souveraineté et de la capacité d’un peuple à décider qui il souhaite voir rejoindre la communauté nationale.
Un débat sur la souveraineté, pas sur la morale
Longtemps, la France a été un pays d’émigration. Ce fut le cas sous l’Ancien Régime, lorsque les artisans et les huguenots fuyaient vers les Pays-Bas et la Prusse. Ce fut aussi le cas au XIXᵉ siècle, lorsque des milliers de Français partirent chercher fortune en Amérique ou en Algérie. Mais avec la révolution industrielle et l’effondrement démographique du pays, elle est devenue une terre d’accueil. Le droit du sol, conçu sous la IIIᵉ République pour favoriser l’assimilation des enfants d’immigrés européens, a été un outil de renforcement de la nation. Aujourd’hui, face à des flux migratoires d’une ampleur inédite et à une intégration qui patine, la question de son maintien mérite d’être posée.
Traditionnellement, les nations d’immigration comme les États-Unis ou le Canada favorisent le droit du sol, tandis que les pays d’émigration comme l’Algérie privilégient le droit du sang. La France, qui a longtemps assumé son rôle de terre d’accueil, doit-elle continuer dans cette voie ? Veut-elle demeurer une nation d’immigration, ou bien restreindre l’accès à la citoyenneté pour mieux contrôler son destin ? Ce sont là des interrogations légitimes qui méritent mieux qu’un débat binaire entre d’hypothétiques « humanistes éclairés », pour le droit du sol, et les « réactionnaires xénophobes » favorables au droit du sang.
Si remettre en cause le droit du sol, c’est basculer dans l’extrême droite, alors que dire de l’Algérie, qui applique strictement le droit du sang ? Oserait-on accuser ce pays d’être un bastion du nationalisme radical ? Et que répondraient les députés de La France insoumise, si on leur posait la question ? Eux qui s’indignent à la moindre restriction du droit à la nationalité, tiendraient-ils un discours aussi tranché face à cette réalité ? Voilà un test intéressant pour mesurer leur cohérence.
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La souveraineté nationale face à l’idéologie
Loin d’être une aberration, une politique migratoire ferme et maîtrisée est non seulement possible, mais nécessaire. Les Français, dans leur immense majorité, souhaitent une réduction de l’immigration. Ignorer cette réalité, c’est mépriser la démocratie et alimenter une fracture entre le peuple et ses représentants. Un gouvernement digne de ce nom doit traduire cette aspiration en actes concrets, dans le respect de l’État de droit et des principes républicains.
Mayotte, où l’immigration incontrôlée menace l’ordre public, est le symptôme d’un système à bout de souffle
À la différence des vociférations des Insoumis aujourd’hui, la gauche française a su jadis aborder avec sérieux la question migratoire. François Mitterrand parlait du retour des immigrés « chez eux », Georges Marchais dénonçait une immigration qui pénalisait les ouvriers, et Michel Rocard prévenait que la France ne pouvait pas « accueillir toute la misère du monde ». Ces figures n’étaient ni fascistes, ni réactionnaires. Elles incarnaient une gauche républicaine, soucieuse du sort des classes populaires et de la cohésion nationale. Cette gauche-là gagnait les élections.
Aujourd’hui, cette tradition a été trahie par une gauche moralisatrice, qui préfère accuser ses opposants de tous les maux plutôt que d’écouter le peuple. Cette confiscation du débat, où toute mise en cause du droit du sol est immédiatement assimilée à un projet d’extrême droite, est un piège rhétorique qui empêche toute discussion rationnelle.
L’urgence de sortir de l’impasse
Mayotte, où l’immigration incontrôlée menace l’ordre public, est le symptôme d’un système à bout de souffle. À force de refuser tout ajustement, la classe politique a laissé se développer des situations explosives, où les tensions identitaires et sociales atteignent un niveau critique. Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement une réforme du Code civil, c’est l’avenir même du modèle républicain.
L’ouverture d’un grand débat sur la nationalité, annoncée par le Premier ministre François Bayrou, est une occasion à saisir. Mais encore faut-il qu’il soit mené avec sérieux et sans tabou. Il y va de la crédibilité de nos institutions, mais surtout de la capacité de la France à rester maîtresse de son destin. Loin des postures morales et des procès en sorcellerie, il est temps de replacer la souveraineté populaire au cœur du débat, y compris sur la question migratoire.
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