À Lourdes, l’Église reconnaît les miracles avec une prudence parcimonieuse… Pour chaque cas qui se présente, il faut passer une batterie d’examens scientifiques, avant d’en arriver à la conclusion que seule une cause surnaturelle peut expliquer la guérison.
C’est ce long processus qui explique que John Traynor, soldat anglo-irlandais devenu épileptique et paralysé à la suite de ses blessures pendant la Première Guerre mondiale, puis entièrement rétabli après sa venue à Lourdes, ne soit que le 71e miraculé reconnu officiellement depuis le début des apparitions au XIXe siècle. La précédente, sœur Bernadette Moriau, est française…
Pour autant, d’innombrables guérisons et conversions se sont produites dans cette petite cité des Pyrénées sans être inscrites au registre officiel, et ce depuis que la Vierge Marie y est apparue 18 fois à Bernadette Soubirous, du 11 février au 16 juillet 1858. « La Dame était si belle que quand on l’a vue une fois, on voudrait mourir pour la voir toujours », affirmera cette pauvre bergère de 14 ans, lors des innombrables interrogatoires qu’on lui fait subir, tant de la part du clergé que des autorités civiles. « C’est un carnaval d’apparitions », dira même l’abbé Peyramale, curé de Lourdes, avant de faire confiance à Bernadette quand celle-ci, illettrée, lui rapporte le nom donné par la Sainte Vierge : « Je suis l’Immaculée Conception. » Confirmant ainsi ce que quatre ans plus tôt, le pape Pie IX avait proclamé officiellement à Rome.
Depuis plus de 160 ans, les foules se pressent par millions chaque année pour se recueillir à la grotte de Massabielle
À l’époque, l’affaire fait grand bruit, la presse nationale s’en mêle, au point qu’Émile Zola se rend à Lourdes en 1891 et écrit un roman pour démonter le supposé obscurantisme de l’Église. Mais rien n’y fait. Depuis plus de 160 ans, les foules se pressent par millions chaque année pour se recueillir à la grotte de Massabielle, assister à la procession nocturne aux flambeaux, ou encore se baigner dans l’eau glacée des piscines – depuis peu rouvertes au grand public. Au Zola rationaliste qui brocarde les marchands du temple autour du sanctuaire, Huysmans répond en 1906 dans son célèbre livre, Les foules de Lourdes : « Si, demain, la Vierge quittait la grotte, tous ces gens qui ont élevé de somptueuses auberges succomberaient sous le faix des dettes et ce serait la saisie de la brocante religieuse, la faillite générale de Lourdes. » La grâce ne détruit pas la nature et n’empêche pas non plus la vie économique. Au contraire, elle la favorise…
Mais l’essentiel n’est certes pas là. Les derniers papes à être venus à Lourdes, comme Benoît XVI en 2008, ont témoigné que si tant de malades s’y rendent, c’est peut-être moins dans l’attente d’une guérison que « pour se désaltérer auprès de la source d’Amour et pour se laisser conduire à l’unique source du salut : Jésus le Sauveur ». Les miracles ne sont là que pour attester de cette réalité invisible, et la Vierge Marie en est l’éducatrice, ajoutait le pape allemand : « Comme toute mère et mieux que toute mère, [Marie est] éducatrice de l’amour. » Cela explique aussi pourquoi, au bord du Gave, toute la vie est organisée autour des malades, à l’inverse d’une société qui cherche à les cacher ou même à les supprimer… « C’est le monde à l’endroit », affirmait une responsable.
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