Alors que la Journée mondiale sans téléphone portable, ce 6 février, incite à réfléchir à notre dépendance aux écrans, le collège Simon-Vinciguerra, à Bastia, se distingue avec une expérimentation audacieuse. Chaque matin, les 400 élèves de l’établissement sont invités à placer leur smartphone dans une pochette individuelle en feutrine verrouillée, qu’ils ne peuvent rouvrir qu’à la sortie.
Baptisé « Stacc’anza numerica » (pause numérique), ce dispositif vise à créer une « zone blanche » pour permettre aux élèves de mieux se concentrer et de restaurer un climat apaisé dans les classes. L’expérimentation, financée à hauteur de 16 000 euros pour une durée de six mois, s’inscrit dans une démarche globale portée par le rectorat.
« L’objectif est de sensibiliser les élèves à un usage raisonné des téléphones, pas seulement dans le cadre scolaire mais aussi dans leur quotidien. C’est une étape vers la création de nouveaux comportements plus maîtrisés avec le numérique », explique Rémi-François Paolini, recteur de l’académie de Corse.
Un dispositif qui suscite beaucoup d’attentes
Pierre Rossi, principal du collège Simon-Vinciguerra, nourrit de grandes ambitions pour cette initiative. « J’en attends une amélioration significative de la concentration en classe, mais aussi des bienfaits sur la santé des élèves, notamment sur leur sommeil. Enfin, j’espère que ce dispositif contribuera à améliorer le climat scolaire, en luttant contre le harcèlement et le cyberharcèlement », souligne-t-il.
Confiant, le chef d’établissement salue l’engagement des élèves : « Ils jouent le jeu avec sérieux et se passent de leur téléphone sans grande difficulté. Cela prouve qu’ils peuvent se déconnecter, ce qui est encourageant. » Précurseur en la matière, il avait déjà lancé un dispositif similaire dans son précédent établissement, avec des effets bénéfiques visibles en seulement quelques semaines.
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Les élèves partagés
Si certains collégiens regrettent de ne plus pouvoir utiliser leur téléphone pour des recherches en classe, la majorité en voit les bienfaits. « On se parle plus entre nous, c’est plus agréable », confie Maxime, en classe de 4e. Un autre élève admet même une amélioration personnelle : « Je suis privé de portable depuis une semaine à cause d’une mauvaise note, et franchement, je me sens mieux. »
De son côté, Romane, qui n’a pas de téléphone, ironise : « Moi, ça ne change rien ! » Mais d’autres pointent des ajustements nécessaires : « Il faudrait rajouter des bornes pour ouvrir les pochettes plus rapidement, parce qu’on perd du temps à attendre. »
Certains élèves observent même une évolution au sein de la classe. « Avant, certains utilisaient leur téléphone en cachette. Maintenant, ça n’arrive plus, et ça renforce les liens entre nous », note Yoan, élève de 4e. Alice, quant à elle, raconte : « À la maison, quand j’abuse, mes parents se servent aussi de la pochette pour mon téléphone, surtout quand je fais mes devoirs. Ça m’aide à rester concentrée sans la tentation de vérifier mes notifications tout le temps. »
Des enseignants satisfaits
Les enseignants saluent unanimement cette initiative. « Cela simplifie notre travail. Les élèves sont plus attentifs et le signal envoyé aux familles est fort. Ce dispositif complète parfaitement les règles que nous appliquons déjà en classe », explique un professeur.
Le rectorat ne s’arrête pas là. En parallèle, des ateliers sont organisés pour sensibiliser les parents. « L’usage des téléphones a pris une place prépondérante dans la vie familiale, et certains parents se sentent démunis face à ces enjeux », reconnaît le recteur. Ces rencontres abordent des sujets cruciaux, comme l’usage raisonné des réseaux sociaux et l’impact des écrans sur la santé.
« Les téléphones influencent directement le temps consacré aux devoirs ainsi que la capacité d’attention en classe, d’où l’importance d’agir au-delà des grilles du collège. Il est essentiel de sensibiliser non seulement les élèves, mais aussi les parents, à un usage plus équilibré des écrans, tant à l’école qu’à la maison », poursuit-il. Le dispositif pilote, également déployé dans un second établissement en Corse-du-Sud, sera évalué à la fin de l’année scolaire, en juin 2025. Si les résultats sont jugés concluants, le rectorat envisage de l’étendre à d’autres collèges de l’île.
En cette Journée sans téléphone portable, cette expérience corse offre un exemple concret de ce que pourrait être une meilleure maîtrise de notre usage du numérique. Déconnecter pour mieux se concentrer : une leçon précieuse, pour les élèves comme pour la société.
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