Ce lundi 3 février dans un entretien au journal L’Opinion, le président algérien Tebboune s’en est pris à la députée européenne Sarah Knafo en déplorant sa « méconnaissance profonde de l’Algérie ». La riposte n’a pas tardé, pour celle qui est membre de la délégation UE-Maghreb au Parlement européen. Organisé par son groupe Europe des nations souveraines (ENS), le colloque intitulé « Europe – Maghreb : assez de naïveté, place à l’ordre » s’est rapidement transformé en un colloque sur les relations dégradées entre la France et l’Algérie. Au cœur du 6e arrondissement de Paris, le rendez-vous s’est déroulé en début de soirée à l’Hôtel de l’Industrie, un établissement créé par nul autre que la figure historique favorite d’Éric Zemmour, Napoléon. Pendant près de deux heures, dans les salons Lumière et Montgolfier, les invités se sont succédé pour établir des constats et proposer des solutions aux maux qui rongent la France dans sa relation avec l’Algérie.
Alors que les portraits du savant Julien Haton de La Goupillière, du physicien Edmond Becquerel et des chimistes Jean-Baptiste Dumas et Louis Jacques Thénard surveillent la salle, Sarah Knafo est la première à prendre la parole. L’audience, composée de 250 personnes, d’environ 3 000 internautes sur le live YouTube et d’adhérents réunis dans un bar non loin du rendez-vous (faute de place), écoute religieusement la succession de chiffres dans laquelle se lance la députée. « Je vous avais promis la facture complète de ce que l’Algérie nous coûte, alors allons-y crescendo » amorce Sarah Knafo. En référence à la phrase du président Tebboune déclarant que l’Algérie n’a pas besoin de l’argent de la France, la députée rétorque : « comme disait Jules Renard, si l’argent ne fait pas le bonheur, rendez-le ». 1 milliard d’euros d’aide au développement depuis 2017, 45 millions de factures impayées en 2023 en Île-de-France, 1,1 milliard de RSA, 200 millions de minimum vieillesse, prime de Noël, de rentrée scolaire… Tout est passé à la caisse pour une addition finale estimée à 9 milliards d’euros par an.
« C’est plus que le budget du ministère de l’Agriculture, c’est trois fois le budget de nos Outre-mer », relate Sarah Knafo devant une audience étourdie par l’avalanche de chiffres. La députée continue : « La France ne doit plus un centime à l’Algérie, il faut dévoiler la vérité et avoir le courage de la vérité ». Le constat financier est pourtant tout autre du côté de l’Algérie, qui évoque une aide au développement de « l’ordre de 20 à 30 millions par an ». En réponse aux chiffres très différents qu’avançait le président Tebboune, Sarah Knafo confie au JDD : « La justice lui a déjà donné tort puisque la plainte d’Alger à mon égard a été classée sans suite. Le président algérien se ridiculise et se contente d’avancer des chiffres sans preuve. Il m’accuse sans aucun fondement ».
Une fois le constat financier dressé, la soirée se poursuit avec un entretien entre la présidente du Centre Européen de Recherche et d’Information sur le Frérisme (CERIF) Florence Bergeaud-Blackler et la directrice de la rédaction de Causeur, Élisabeth Lévy. Sont évoqués les normes islamiques en Europe, des échanges sur les certifications halal et la « possibilité pour ces États de contrôler le champ islamique en France ».
La conclusion est limpide : « Tant qu’on n’a pas compris que l’islam n’est pas une religion comme les autres, on ne pourra pas traiter le problème ». La première table ronde intitulée « Des ports du Maghreb aux portes de l’Europe, l’immigration au cœur du bras de fer » réunit le directeur de la rédaction de Frontières Erik Tegner, l’avocat Philippe Prigent et Élisabeth Lévy. Le journaliste Erik Tegner évoque des anecdotes de ses reportages, met en avant l’Espagne qui place la « Guardia Civil », des bateaux et des hélicoptères en Afrique, contrairement à la France. Sont évoqués les enjeux de Frontex, la conception de faux pour entrer sur le territoire grâce à des passeurs pour qui l’immigration ne « s’arrêtera jamais » ainsi que le cas de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, dont l’emprisonnement « serre le cœur » d’Élisabeth Lévy.
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« Vous assistez à ce qu’on appelle le « knafisme », s’amuse Éric Zemmour
Pour le président de Reconquête Éric Zemmour, présent ce soir parmi les invités, le moment à retenir s’est déroulé lors de la seconde table ronde intitulée « Solder le passé, couper le cordon, aller de l’avant ». La scène réunit trois hommes : l’ancien ambassadeur de France en Algérie Xavier Driencourt, l’écrivain et intellectuel marocain Driss Ghali et l’activiste et lanceur d’alerte algérien Chawki Benzehra. « Il n’y a que dans notre parti qu’on arrive à réunir sur une scène un Français, un Marocain et un Algérien pour dire la vérité sur la situation », s’amuse l’entourage de Sarah Knafo.
Après que Xavier Driencourt a évoqué les leviers dont la France dispose pour réagir face à l’Algérie, Chawki Benzehra, qui a été ciblé lui aussi par le recteur de la mosquée de Paris, évoque sa propre relation avec la France. « J’étais un opposant au régime, un activiste politique. Je suis arrivé en France en 2012, je fais partie des chiffres de Mme Knafo, explique-t-il en déclenchant les rires de la salle. Je suis le produit d’une éducation anti-française, on m’a appris que la France me devait quelque chose. Rejeter la France, c’est un devoir religieux. Selon le système éducatif algérien, l’Algérie est un pays du tiers-monde à cause de la France coloniale. »
Le bras de fer engagé par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau contre les influenceurs algériens hostiles à la France, a débuté grâce à ce lanceur d’alerte algérien. Très vite, il confie conserver un « rapport très complexe avec la France ». « Il y a une problématique à régler, un grand travail à faire. Le régime algérien utilise la diaspora algérienne comme une arme braquée contre vous. Il faut que les Algériens ici s’expriment, mettent tout sur la table sans tabou », continue-t-il. Le Marocain Driss Ghali et l’Algérien Chawki Benzehra peineront à se rejoindre sur le dossier du Sahara occidental, mais ils sont en phase sur une chose : le Maghreb est une construction française. « Le Maghreb, ça n’existe pas, il faut arrêter avec ça. L’Algérie, le Maroc, ce sont des problématiques différentes », explique Chawki Benzehra. Un constat que partage entièrement le président de Reconquête.
« Chaque phrase prononcée ce soir est l’exact inverse de ce qu’on raconte aux Français »
Avant le cocktail et la tournée de petits fours dont profiteront les invités, Éric Zemmour prononce le mot de la fin. « J’ai fait un rêve, que ces deux heures soient diffusées sur France Télévisions. Je pense que chaque phrase prononcée ce soir est l’exact inverse de ce qu’on raconte aux Français ». Pour la députée européenne, « tous ceux grâce à qui le problème algérien est sur la table sont dans cette salle ». La route vers la solution demeure pourtant semée d’embûches. Le président algérien a lui même évoqué un arrêt total de la coopération avec la DGSI, accroissant ainsi le risque de menace terroriste sur le sol français. « Dans tous les cas, l’Algérie ne coopère pas. La cassure existait bien avant la dégradation de nos liens diplomatiques. Prenez le meurtre de Lola : vous pensez qu’ils ont coopéré pour récupérer celle qui l’a assassinée ? », relève Sarah Knafo.
De nombreux invités se ruent vers l’eurodéputée pour la remercier de ce colloque « percutant », « pertinent » ou encore « très instructif » selon les chapelles. « Vous assistez à ce qu’on appelle le “knafisme” », souffle Éric Zemmour au « chef d’orchestre » des événements de Reconquête, Olivier Ubéda. Une chose est sûre, Abdelmadjid Tebboune n’en sera pas un adepte.
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