À leur arrivée devant la maison de la Chimie, les cadres sont unanimes : la priorité est « l’unité » et d’éviter « la guerre des chefs ». Julien Aubert, vice-président du parti, rappelle qu’il « faut éviter de reproduire les erreurs du passé ». Laurent Wauquiez, président du groupe La Droite républicaine à l’Assemblée, explique qu’il veut poser les bases de la refondation et balaie d’un revers de main une potentielle concurrence avec le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau : « Nous voulons justement éviter une guerre des chefs ».
Si la potentielle guerre Retailleau-Wauquiez est dans toutes les têtes, les participants espèrent des réponses sur le fond. Une réunion attendue par David Lisnard, président de l’AMF, retenu à Mayotte auprès des maires : « J’attends que le parti se structure, puisse désigner une présidente ou un président légitime et se renforce », explique-t-il au JDD, comptant bien impliquer sa formation Nouvelle énergie dans cette refondation. Un cadre du parti se veut plus tranchant : « Je n’attends rien, Laurent n’a prévenu personne du fond. Il va nous dire : “ne vous inquiétez pas”, ce n’est pas une procédure pour la présidentielle ». Un connaisseur du parti ironise : « C’est quand même exceptionnel, nous n’avons jamais eu d’ordre du jour. C’est bien la première fois que Gérard Larcher arrive quelque part sans un dossier sous le bras ».
Laurent Wauquiez a présenté le résultat d’un sondage réalisé auprès de 17 000 militants ; « ce n’est quand même pas beaucoup », observe un participant. Le résultat est sans surprise : ils demandent une incarnation forte, la fin des divisions internes, une ligne qui « assume d’être de droite » et davantage de démocratie directe. Un membre du parti ironise : « Laurent Wauquiez veut faire croire qu’il a conduit la refondation, ce document ne sert à rien. Tout ça pour dire : “c’est à moi de diriger le parti, puisque j’ai mené le travail” ».
Un constat est partagé par les cadres du parti : la France penche à droite, mais le parti ne trouve plus d’espace. Un simple problème de calendrier ? Certains ruminent la frustration d’avoir loupé l’occasion d’une entrée au gouvernement dès l’après dissolution et ne savent plus comment justifier leur maintien dans l’exécutif sous un Premier ministre centriste. L’argument de « la responsabilité » est souvent évoqué, rarement il convainc.
La France penche à droite, mais le parti ne trouve plus d’espace
Selon le député de la Loire, Antoine Vermorel-Marques, le passage à Matignon de Michel Barnier et la présence de Bruno Retailleau à l’Intérieur représentent néanmoins, « une refondation et un renouveau pour la droite ». « Il faut désormais qu’on change de nom, qu’on change de projet et de statut pour permettre aux Français de retrouver une droite authentique », projette-t-il.
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Les décisions sont remises à plus tard. Un futur bureau politique doit être convoqué d’ici 15 jours pour plancher sur les nouveaux statuts. Suivra un « Congrès de la refondation » avant l’été. Il devra acter le nouveau nom et le nouveau président. En revanche, le sujet du mode de désignation n’est pas à l’ordre du jour. Les adhérents seront d’ici là consultés sur le nouveau nom. Le calendrier a fait l’objet de débats. Bruno Retailleau plaidait pour un Congrès fin mars début avril. Dans la foulée, le président du Sénat Gérard Larcher demande du temps pour étudier les statuts.
Laurent Wauquiez l’assurait ce dimanche au Journal du Dimanche, il est occupé à la refondation du parti. En revanche, pas question pour lui de dire s’il sera candidat à la présidence de sa formation politique.
La route semblait pourtant toute tracée ; c’était sans compter l’arrivée de Bruno Retailleau à Beauvau, qui lui a permis de gagner ses lettres de noblesse dans l’électorat. Un dîner entre les deux hommes s’est tenu la veille du bureau politique. L’objectif : éviter la guerre d’égo. Selon le camp Retailleau, ce dîner a mené au « flou », « on ne comprend pas ce que veut faire Laurent. Il propose un vote sur des orientations ». Mais l’entourage de Bruno Retailleau reconnaît un « intérêt » du ministre pour la présidence du parti, tout en attendant des précisions sur le calendrier.
Le profil de Bruno Retailleau séduit. Les baromètres d’opinion montrent une claire percée de popularité. L’un de ses collègues au gouvernement estime « qu’il est doué, bosseur, qu’il a une ligne, qui peut déplaire, mais on ne peut pas dire qu’il n’a pas de colonne vertébrale ». La ministre de l’Agriculture Annie Genevard admet également qu’il a su « imprimer sur les sujets qui sont les siens », sans pour autant admettre de préférence.
Certains proches de Laurent Wauquiez espèrent que l’Intérieur éloigne le vendéen du siège du parti, que le calendrier n’est pas le bon. « Le siège n’est pas bien loin de la place Beauvau », ironise un ministre, « et puis d’autres l’ont fait avant lui, regardez Chirac », ajoute-t-il. Un cadre estime que l’ancien président de la région Rhône-Alpes « cherche à gagner du temps. S’il y a guerre entre les deux, Retailleau plierait Laurent, il attend donc un moment où il sera plus prenable ». Interrogé à son arrivée sur ses intentions, le ministre de l’Intérieur sourit, mais reste silencieux.
Ironie du sort, LR se retrouve aujourd’hui dans la même situation qu’il y a cinq ans : face au rêve impossible d’un candidat naturel qui n’existe pas. L’arlésienne de la personnalité idéale lasse en interne et provoque inévitablement une guerre des égos. L’ancienne candidate à la présidentielle Valérie Pécresse confiait la semaine dernière au JDD que « la guerre des égos ne peut conduire la droite qu’à la catastrophe et elle l’a déjà conduite à la catastrophe à plusieurs reprises ». La présidente de la région Île-de-France plaide par ailleurs pour une primaire la plus ouverte possible.
Je pense qu’ils auront l’intelligence de ne pas laisser apparaître une guerre des chefs
David Lisnard
David Lisnard, lui, se veut optimiste : « Je pense qu’ils auront l’intelligence de ne pas laisser apparaître une guerre des chefs, je ne suis pas inquiet », assure le maire de Cannes, tout en reconnaissant que la question de la compétition devra bientôt se poser.
Les bonnes performances lors de législatives ou municipales anticipées, comme à Villeneuve-Saint-Georges, constituent un bon début selon Antoine Vermorel : « On doit passer de quelques victoires partielles à un élargissement de notre base » espère-t-il. D’autres sont plus sceptiques : « On se dit qu’on est champions du monde, il faut se calmer », tranche un élu.
Le calendrier prévu permet pour un temps de tempérer les égos, mais laisse davantage de temps à chacun de nourrir ses ambitions.
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