Les excuses n’auront pas suffi à convaincre la CGT : « Nous trouvons que son mea culpa n’était pas à la hauteur du préjudice. » Malgré une séance d’autocritique, Philippe Carli, le président du groupe de presse Ebra, a dû démissionner pour avoir « liké » sur LinkedIn des publications des eurodéputées de droite Sarah Knafo et Marion Maréchal, ainsi que de l’ancien policier et député du Rassemblement national Matthieu Valet.
Une démission annoncée par le Crédit mutuel, unique actionnaire du groupe, après un communiqué du Syndicat national des journalistes (SNJ). Une affaire qui témoigne surtout, selon Claude Chollet, président de l’Observatoire du journalisme (Ojim), du terrorisme intellectuel et politique qui règne dans les rédactions : « Il existe un cordon sanitaire politique invisible dans de nombreux médias supposés neutres. Si vous reprenez un tweet ou une déclaration d’une personnalité ou d’une organisation considérée comme non conforme par le milieu progressiste, vous serez frappé de mort médiatique. C’est ce qui est arrivé à Philippe Carli après beaucoup d’autres. Transgresser cette règle non écrite équivaut à une mort professionnelle. »
Après beaucoup d’autres ? Oui, avant lui, et pour la seule année 2024, deux autres personnalités médiatiques au moins ont eu à vivre des mises à l’écart professionnelles après de virulentes campagnes orchestrées par les syndicats de journalistes dans les médias de gauche : Jean-François Achilli, figure de l’audiovisuel public, licencié de Radio France à cause de la publication, le 13 mars dernier par Le Monde, de rumeurs faisant état d’un projet d’écriture de livre avorté avec Jordan Bardella, le président du RN. Contestant cette décision devant le conseil de prud’hommes, le journaliste a évoqué la « dimension éminemment politique dans [son] licenciement ».
Plus récemment, le 2 décembre 2024, le groupe de presse « catholique » Bayard a également mis fin à l’embauche d’Alban du Rostu en tant que directeur de la stratégie et du développement « pour mettre fin à la campagne injuste donc il était victime », après là aussi des révélations parues dans L’Humanité ! « C’est un énorme cadeau de Noël », s’était réjouie la déléguée syndicale CFDT Véronique Badets.
Au placard !
Avocat spécialisé dans le droit de la presse, Gilles-William Goldnadel garde un souvenir très précis de la première affaire de ce type avec l’éviction du journaliste Fabrice Le Quintrec de la revue de presse matinale de France Inter. Le crime de ce journaliste ? Avoir cité, le 5 août 1998, Présent, journal catholique, proche à l’époque du Front national, dans une revue de presse. « Je vous assure, le passage cité était absolument anodin, explique Gilles-William Goldnadel. Fabrice Le Quintrec n’était pas sorti du studio qu’il était déjà condamné. Pendant vingt ans, le service public a préféré payer une fortune en indemnités, en procès qu’ils ont perdus deux fois, aux prud’hommes et devant le tribunal de grande instance, plutôt que de le réintégrer à l’antenne, ce qu’ils ont été obligés de faire récemment : il s’occupe de la revue de presse internationale le dimanche sur France Bleu ! Après cet exemple, et si, par une hypothèse intellectuelle hardie, tel ou tel journaliste voulait faire œuvre d’indépendance d’esprit, il sait depuis cette date le risque qu’il encourt : la suspicion, la placardisation, et enfin, pour les plus indépendants, le licenciement. »
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À l’époque, le journaliste avait aussi subi une campagne de presse hostile, mais Gilles-William Goldnadel était parvenu à faire condamner tous les directeurs de journaux pour diffamation. Dans un attendu piquant, la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris leur avait d’ailleurs reproché la publication d’« une rumeur particulièrement détestable, qui ne demandait qu’à prospérer dans un milieu parfois accueillant au conformisme intellectuel ambiant ».
L’ordre règne dans les rédactions
Le terrorisme intellectuel de la gauche ne date hélas pas de 1998. Selon Clément Weill-Raynal, longtemps chroniqueur judiciaire à France Télévisions, journaliste courageux qui a révélé le fameux « mur des cons » du Syndicat de la magistrature, la première de ces opérations de manipulation idéologique date de l’attentat de la rue Copernic, le 3 octobre 1980. Dans une enquête passionnante (Rue Copernic. L’enquête sabotée, 1980-2023, L’Artilleur), Weill-Raynal explique : « Certains l’ont peut-être oublié ou ne l’ont jamais su, l’attentat contre la synagogue de la rue Copernic a été l’occasion d’une fantastique opération de désinformation dont les effets perdurent encore. »
En effet, sans aucune preuve, dès le soir de l’attentat, un mot d’ordre lancé par la gauche fait le tour des médias, accusant « une partie du personnel dirigeant giscardien et l’extrême droite ». Suivra, dès le lendemain, le nom des coupables. Sur le banc des accusés : le PDG du Figaro Robert Hersant et le directeur du Figaro Magazine Louis Pauwels !
L’ordre idéologique de gauche règne depuis des décennies dans les rédactions
Le surlendemain, à l’appel des partis de gauche, des manifestations de masse sont organisées dans toute la France. Très vite pourtant, les enquêteurs confirment la piste d’un commando du Front populaire de libération de la Palestine-Opérations spéciales (FPLP-OS). L’enquête de Weill-Raynal vire au polar lorsqu’on découvre qu’en coulisses, les socialistes parvenus au pouvoir « passent un accord officieux avec des organisations terroristes arabes, leur permettant d’utiliser la France comme base arrière ou zone de transit en échange de leur engagement à ne commettre des attentats que dans d’autres pays ».
Quarante-trois ans après les faits, le 21 avril 2023, la cour d’assises spéciale de Paris a condamné Hassan Diab, membre du commando palestinien, à la réclusion criminelle à perpétuité. Quarante-trois ans pendant lesquels l’ordre idéologique de gauche a régné dans les rédactions.
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