Que les amateurs se rassurent : même avec un grand soleil comme hier, la terre boueuse est au rendez-vous sur le circuit du Val de Souchez dans le Pas-de-Calais. Les chaussures toutes crottées, Fanny, une observatrice avisée, témoigne : « Je n’ai qu’une trouille, c’est de me vautrer ! » Le site est un ancien terril dont les pentes permettent de tracer des parcours parsemés d’obstacles parfaits pour le cyclo-cross. Très médiatisé en Belgique et aux Pays-Bas, ce sport hivernal l’est beaucoup moins en France. À part les passionnés, qui se souvient qu’en 2004, Pontchâteau, en Loire-Atlantique, accueillit des Mondiaux ? Vingt et un ans plus tard, ils sont de retour dans l’Hexagone.
Le JDD a joint Francis Mourey, 44 ans, qui fait figure d’ambassadeur tricolore de la discipline. « La beauté du “cyclo”, c’est de voir les coureurs maculés de boue avec le vélo sur l’épaule », s’enthousiasme-t-il. De multiples fois champion national, le Franc-Comtois décrocha le bronze planétaire en 2006. « La difficulté, poursuit-il, ce sont les obstacles pédestres, soit des marches, soit des planches, soit des côtes vraiment très raides qu’on ne peut pas monter à vélo avec les pneus crantés. On est obligé de les faire à pied. Il faut avoir beaucoup d’agilité et de puissance. Il faut aussi un très bon cœur. Ce n’est pas comme sur route, où la course dure six ou sept heures avec plein de temps morts. Là, c’est une heure à fond, du départ jusqu’à la fin. »
L’actuel sélectionneur des Bleus, François Trarieux, renchérit : « Le pilotage est primordial car le terrain est très changeant, plus qu’en VTT sans doute, au sens où l’on prend appui dans les ornières pour virer et où, d’un tour de circuit à l’autre, la bonne trajectoire peut changer. »
Aujourd’hui (15 h), pour la course élite, près de 30 000 personnes sont attendues, attirées par la présence de deux monstres sacrés de la petite reine : Mathieu Van der Poel et Wout van Aert. « VDP », 30 ans depuis quelques jours, est connu des spectateurs français pour être le petit-fils du regretté Raymond Poulidor et pour son palmarès sur route XXL : un titre planétaire, deux Paris-Roubaix, trois Tours des Flandres notamment. Ce que le grand public sait moins, c’est que le Néerlandais (la nationalité de son père Adrie) a commencé sa carrière comme cyclo-crossman avec son frère David et que chaque hiver, il continue à briller sur les circuits dessinés dans les sous-bois et les champs.
Sa puissance brute, sa force pure et sa précision au guidon lui ont permis de revêtir six fois la tenue irisée entre 2015 et 2024. Il n’est plus qu’à une unité du record du Belge Eric De Vlaeminck (dont l’aîné, Roger, a dominé les classiques sur route dans les années 1070).
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En face, Wout Van Aert fait son retour, et c’est tant mieux pour le suspens. Blessé à un genou après une chute sur la Vuelta, l’élégant Flamand n’a annoncé que cette semaine sa venue au Val de Souchez. L’été, il empile les succès sur le Tour de France (neuf étapes remportées et un maillot vert). L’hiver, il continue de gagner : trois maillots arc-en-ciel à la suite, de 2016 à 2018. Rivaux depuis l’enfance, les deux costauds seront logiquement favoris avec un avantage à « VDP » au regard de sa forme du moment. « Évidemment, la préparation a été très différente, mais je ferai de mon mieux », reconnaît d’ailleurs Van Aert.
De la même génération, Clément Venturini, septuple champion national, s’est confié à nos confrères de l’AFP : « D’un côté, ils nous permettent de faire du cyclo-cross en montrant aux équipes [sur route, NDLR] que ça peut être une bonne chose [de pratiquer en parallèle le cyclo]. De l’autre, ils sont tellement à l’aise qu’on passe un peu pour des Mickey ! »
Hier, lors de la course féminine, dans une ambiance de kermesse, la seule incertitude fut de savoir quelle coureuse « orange » allait s’imposer. Fem van Empel profita de la dernière difficulté du circuit, une bosse juste avant l’ultime virage, pour remporter son troisième titre consécutif devant deux compatriotes néerlandaises.
Le Tour de France est notre plus gros ennemi
F. Mourey
Chez les tricolores, en junior, Lise Revol a levé les bras, loin des regards médiatiques. Ce manque de reconnaissance pour son sport, l’ancien champion Francis Mourey l’attribue à la Grande Boucle : « Le Tour de France est notre plus gros ennemi. Parce que les Français pensent que le vélo, ça dure trois semaines dans l’année. »
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