« C’est véritablement une nouvelle ère qui s’ouvre pour le CIO (…) nous suivons le rythme de la révolution numérique. » Le 24 juillet dernier, cette petite phrase de Thomas Bach, président du Comité international olympique, entérine la création officielle des Jeux olympiques de l’eSport avec un objectif : rajeunir l’image du CIO et développer de nouvelles synergies autour d’une communauté de près de trois milliards de « gamers ».
Calée sur le modèle des Jeux traditionnels, cette nouvelle compétition olympique se tiendra à intervalles réguliers, les années impaires, en Arabie saoudite et pour une durée de douze ans. Une exclusivité sans précédent dans l’histoire des JO pour un royaume qui, à défaut d’être un modèle en matière des droits de l’homme et de la condition féminine, s’appuie sur ses 23 millions de joueurs amateurs ou professionnels et sa capacité à organiser de grands évènements. Le calendrier, la ville hôte et les détails sur les disciplines représentées n’ont pas encore été précisés.
En revanche, on se dirige clairement vers une formule de compétition déclinée en trois épreuves distinctes. Tout d’abord, les « exergames », des jeux vidéo actifs où courir, pédaler ou ramer en statique devient possible grâce à des consoles de détection de mouvement et des technologies toujours plus pointues. « Ces jeux actifs ont un poids et une audience très marginale dans cet écosystème, m’explique Nicolas Besombes, maître de conférences en sociologie du sport et spécialiste de l’eSport. Mais c’est ce qui se rapproche le plus de la vision du CIO car ils nécessitent un effort physique et qu’ils sont représentés dans leur version originale aux JO. »
Deuxième catégorie, les jeux de simulations qui projettent le joueur dans l’univers d’un sport. Les concurrents s’affrontent équipés de casques de réalité virtuelle ou de manettes. Des mondes parallèles existent déjà en tennis, au baseball, à la voile, au tir à l’arc ou encore en taekwondo. Enfin, plus surprenant, ces JO virtuels intégreront des jeux qui n’ont aucun ADN sportif mais sont historiquement puissants. En novembre dernier, la finale du championnat du monde d’eSport dédiée au célèbre « League of Legends » a rassemblé près de sept millions de spectateurs connectés simultanément. « En intégrant ces jeux ultra-fédérateurs qui se déroulent dans un monde imaginaire, le CIO tient la bonne formule, estime Nicolas Besombes. Car dans les deux autres catégories, la comparaison avec les véritables épreuves olympiques sera forcément cruelle. Rien ne remplace une vraie finale de basket entre la France et les États-Unis aux JO. »
Une communauté de près de 3 milliards de « gamers »
Avec une ligne rouge pour l’institution olympique : pas de jeu violent et guerrier tels que « Fortnite » ou « Counter-strike ». Un lifting complet du modèle économique et des modalités de sélection est, de fait, indispensable au sein du CIO. D’un côté, les délégations par pays rattachées à une fédération internationale existantes, de l’autre les franchises privées et leurs gamers professionnels. Complexe. « Le chiffre d’affaires du CIO, c’est deux milliards de dollars par an, quand un éditeur de jeux comme Electronic Arts génère 44 milliards. La future gouvernance ne devra pas être contraignante, sinon les éditeurs ne viendront pas. » Un sacré chantier qui fait peser la menace d’un report de ces JO nouvelle génération, sans doute en 2027. En attendant, la révolution est en marche.
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