La silhouette est aiguisée, le regard sombre et le propos clair, précis, chirurgical. Après une longue période d’abstinence médiatique, l’ex-Premier ministre livre ses vérités au JDD. Le douloureux départ de Matignon, ses rapports avec Élisabeth Borne, Edouard Philippe et Emmanuel Macron. Ferme sur le régalien, justice des mineurs et immigration, Attal apporte un soutien vigilant à Bruno Retailleau. Mais surtout, il décline des propositions de réformes ambitieuses pour le pays. Retraites, financement du modèle social, autorité à l’école… Dans un contexte de brouhaha politique, de tractations budgétaires de bouts de ficelles, Gabriel Attal alerte sur le risque d’une mise à l’arrêt du pays. Face aux États-Unis et à la Chine qui accélèrent, « la France ne doit pas être une cible immobile ». Patienter jusqu’à la présidentielle de 2027 pour lancer de grandes réformes « serait criminel pour la France et les Français ». Près d’un an après son entrée à Matignon, Gabriel Attal reprend le fil de ses ambitions, et se positionne dans la course à la succession à Emmanuel Macron.
Le JDD. Vous étiez très présent dans le débat sous le gouvernement Barnier, au point parfois de lui compliquer la tâche. Vous êtes beaucoup plus discret aujourd’hui, est-ce une façon de reconnaître que vous avez commis des erreurs ?
Gabriel Attal. Au moment de la nomination de Michel Barnier, nous avons basculé dans une forme de coalition inédite en France : des groupes politiques qui auparavant s’opposaient se sont mis à gouverner ensemble. Dans toute coalition, il y a nécessairement négociations et rapports de force et j’ai défendu des sujets qui étaient, pour nous, vitaux pour le pays. C’était le sens de notre opposition à l’importante dose d’impôts prévue, notamment pour nos entreprises. J’ai pu mesurer que nos exigences ont pu parfois être instrumentalisées comme des bâtons dans les roues, ce qui n’a jamais été notre volonté. Car dès la nomination de Michel Barnier, j’ai dit trois choses : qu’on le soutiendrait, qu’on ne voterait jamais la censure et qu’on voterait le budget qu’il présenterait avec son gouvernement. Nous avons tenu parole et été solidaires jusqu’au bout.
Lors de la passation de pouvoir avec Michel Barnier, dans vos propos, dans votre attitude, vous renvoyiez le sentiment d’une forme de rancœur. Est-ce que rétrospectivement, vous vous dites : j’aurais dû prendre davantage de recul ?
La nouvelle configuration politique rendait ce moment très particulier pour le pays. Il était aussi très singulier pour moi puisque je quittais Matignon au bout de huit mois, après une dissolution qui nous était collectivement tombée sur la tête. J’ai parlé avec mes tripes et voulu dire aux Français ce que j’avais sur le cœur et ce qu’avec mon gouvernement nous avions prévu de continuer à faire pour eux. Est-ce que si c’était à refaire, je le ferais différemment ? La réponse est oui.
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Dans le contexte du budget, Bernard Arnault a vertement reproché au gouvernement de taxer des grandes entreprises qui produisent en France, les patrons de Total, de Michelin ainsi que le Medef l’ont appuyé. Vous êtes de leur côté ?
C’est précisément ce que l’on m’a reproché à l’automne dernier et que vous évoquez dans la première question. À l’époque, j’étais l’un des seuls à alerter sur l’impact du budget 2025 pour nos entreprises. Beaucoup de voix qui s’expriment aujourd’hui étaient alors bien silencieuses. Cela m’a coûté politiquement, mais je le redis : nos entreprises sont l’un des trésors français. Sans entreprises et sans les grands groupes, ce sont des centaines de milliers, voire des millions d’emplois qui disparaissent. Avec les députés de mon groupe, nous ferons tout pour les préserver, et que ces mesures de taxation ne dépassent pas un an.
Quand Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT compare les grands patrons à des « rats » tentés de quitter le navire France, que lui répondez-vous ?
C’est une nouvelle démonstration que malheureusement, pour une grande partie de la gauche et certaines organisations syndicales, les entreprises sont ennemies et non alliées de la croissance et de l’emploi des Français.
Vous y voyez une forme de mensonge ?
J’y vois d’abord une injure faite à nos entreprises et à nos entrepreneurs. J’y vois aussi une négation de la réalité de l’économie de notre pays. Sans les entreprises, tout s’arrête. Pas d’entreprise pas d’emplois. Pas d’emplois pas de revenus. Pas de revenus, pas de financement de notre modèle social, de nos services publics.
Je vois une urgence majeure pour le pays : remettre notre système à l’endroit, pour mettre enfin le travail et les travailleurs au cœur de tout. Par référendum
Vous avez évoqué l’initiative d’un référendum sur le travail. Pouvez-vous développer ce qu’il recouvrerait ?
J’estime qu’il y a aujourd’hui un mouvement social qui ne dit pas son nom, qui n’a pas de porte-parole : la classe moyenne qui bosse et a le sentiment de porter le pays sur son seul dos. Ces millions de travailleurs à qui on demande toujours plus pour protéger toujours plus de monde et qui m’ont beaucoup dit se sentir « la vache à lait » du système. Deux phénomènes me révoltent : d’abord, le travail est davantage taxé que tout le reste. De l’héritage des multimillionnaires aux allocations chômage, en passant par les voitures chinoises ou le versement de dividendes… Ensuite, le travail paie moins qu’avant. Aujourd’hui, sur 100 euros de rémunération du travail, les travailleurs en gardent autour de 54. C’est 20 euros de moins que la génération de mes grands-parents. Je vois donc une urgence majeure pour le pays : remettre notre système à l’endroit, pour mettre enfin le travail et les travailleurs au cœur de tout. Par référendum.
Concrètement, quel choix soumettriez-vous aux Français ?
Le choix d’alléger considérablement le fardeau fiscal qui pèse sur ceux qui travaillent de manière radicale et courageuse. De deux façons : par des économies sur notre modèle social et en revoyant notre fiscalité qui écrase beaucoup trop les revenus du travail. Je rappelle que j’ai proposé une réforme de l’assurance chômage qui permettrait d’économiser 4 milliards d’euros, diverses réformes sociales pour 3 milliards d’euros… J’ai donc de nombreuses idées sur la question. Mais je veux que notre proposition soit collective. J’ai donc donné 3 mois à mon parti pour soumettre un projet de référendum. Tout est ouvert et il n’y a pas de tabou pour éviter l’explosion du système.
Ça ne peut pas attendre la campagne présidentielle ?
Ça ne peut pas attendre, car le travail est la clé de voûte de notre société. Je regrette qu’on entende de plus en plus de voix dans l’espace politique installer comme une fatalité l’idée qu’il ne pourrait rien se passer dans le pays avant 2027. Qu’il faudrait désormais aiguiser les couteaux ou préparer un programme uniquement pour la prochaine présidentielle. Aux États-Unis, Donald Trump accélère sur tous les fronts, en Chine, Xi Jinping fait la même chose. Si la France se résout à l’idée de faire du surplace pendant deux ans parce qu’il y a une élection présidentielle en 2027, ce ne sont pas deux ans que l’on perdra, mais les cinquante prochaines années. Car nous aurons perdu la guerre technologique, la guerre commerciale, la guerre économique. Elle se joue maintenant et la France ne doit pas être une cible immobile.
Édouard Philippe, lui, explique qu’on ne pourra pas faire de réforme décisive dans les deux ans qui viennent…
Je ne partage pas ce point de vue. Je vois évidemment les obstacles, notamment parlementaires, mais je ne veux pas m’y résoudre. On peut les surmonter. La clé, c’est le peuple. Le président a ouvert la voie à des référendums, alors allons-y ! On ne peut pas se payer le luxe de deux ans d’immobilisme. Ce serait criminel pour la France et les Français.
N’y a-t-il pas une paralysie des politiques à mettre davantage à contribution les retraités, notamment les plus aisés ?
Les efforts demandés aux Français ces derniers mois touchent tout le monde, y compris les retraités. Un exemple : parmi les décisions prises quand j’étais Premier ministre, j’ai assumé de doubler les franchises médicales, qui n’avaient pas été revues depuis 20 ans. Or, qui consomme le plus de soins ? Nos retraités en raison de leur âge. À l’automne, lorsque je défendais les salariés en m’opposant à la hausse de la fiscalité sur le travail, d’autres ont choisi comme combat principal l’indexation des retraites sur l’inflation. Mon combat prioritaire a été de chercher à protéger ceux qui travaillent. Je l’ai dit avant Matignon, à Matignon et après Matignon : la dynamique doit revenir du côté des salaires.
Est-ce que le problème ce n’est pas le système par répartition en lui-même qui n’est pas tenable sur les 30, 40, 50 prochaines années ?
Bien sûr qu’il faut lever ce tabou ! Pour la première fois – hors guerre mondiale –, la population active stagne. Nous sommes face à un mur démographique puisque le nombre de naissances diminue et que celui des retraités augmente. Avec moins de gens qui travaillent pour financer plus de pensions, les fondamentaux de notre système ne tiennent plus. Les réformes paramétriques qui s’enchaînent ne suffiront plus à combler le déficit chronique auquel notre système de retraite est aujourd’hui condamné. Moi, je veux que chacun puisse récolter les fruits d’une vie de travail. Alors, nous travaillons sur les retraites avec le parti et le groupe parlementaire. Tout est ouvert, y compris la question de la capitalisation. Je rappelle qu’environ 10 millions de Français bénéficient déjà de la capitalisation, notamment dans la fonction publique. Le premier métier qui capitalise en France est celui des enseignants. Pourquoi est-ce qu’on s’interdirait de l’étudier pour tous les Français ?
Là encore il faut agir sans attendre la présidentielle ?
Faire croire que l’on peut attendre, c’est mentir aux Français.
Le débat sur l’immigration s’est intensifié ces derniers jours. François Bayrou parle de « submersion ». Reprendriez-vous ce mot ?
Nous perdons trop de temps à débattre des mots, et même du constat, alors qu’il est largement partagé par les Français. Ce qui compte, ce sont les solutions et les résultats. François Bayrou évoquait Mayotte…
Il ne parlait pas seulement de Mayotte, mais aussi de plusieurs départements confrontés à « des vagues d’immigration »…
La réalité sur Mayotte, c’est que la situation migratoire y est hors de contrôle, et depuis longtemps. Il faut agir. Jeudi prochain, une proposition de loi déposée par le groupe Droite républicaine pour durcir les conditions d’acquisition de la nationalité par le droit du sol à Mayotte sera discutée à l’Assemblée. Je vous l’annonce : mon groupe votera en faveur de ce texte.
Selon un sondage CSA, 65 % des Français estiment que la France est « submergée » par l’immigration, 34 % non. Dans quel camp vous situez-vous ?
Pas besoin de sondage : le constat que nous ne savons plus gérer notre immigration est partagé par tous les Français. Et je le partage aussi. Mais ce qu’ils attendent, ce ne sont plus des mots, ce sont des résultats.
Bruno Retailleau a durci la circulaire Valls en restreignant les régularisations des immigrés en emploi. Approuvez-vous cette inflexion ?
Je l’ai dit : ce qui m’intéresse avant tout, ce sont les résultats. Toute mesure qui permet de mieux contrôler nos frontières, d’expulser davantage de personnes n’ayant pas vocation à rester sur notre sol et de mieux intégrer celles qui ont vocation à être accueillies, je la soutiendrai. S’agissant de cette circulaire, le retour des spécialistes est assez clair : son impact concret serait très limité. C’est en réalité plus un tract qu’une circulaire. Quand j’étais à Matignon, nous avions beaucoup agi avec Gérald Darmanin. Entre janvier et septembre de l’année dernière, le nombre d’interpellations de personnes en situation irrégulière a augmenté de 22 %, tout comme le nombre d’expulsions. Cela montre que des résultats concrets sont possibles. Bruno Retailleau a donc hérité d’une loi beaucoup plus sévère, d’un ministère avec plus d’outils juridiques et de moyens financiers pour agir.
Sur ce sujet, j’assume néanmoins des différences. Je crois notamment que le travail doit être un marqueur dans notre rapport à l’immigration et à l’intégration. Certains veulent interdire tout versement d’aides sociales aux étrangers en règle : je ne suis pas d’accord avec cela. Pourquoi une personne étrangère, régulière, qui cumule deux jobs pour nettoyer les bureaux dans lesquels nous travaillons tout en élevant sa famille de façon exemplaire, n’aurait pas le droit aux APL pour se loger ? Quand tous nos agriculteurs m’ont demandé il y a un an d’ajouter leurs métiers à la liste de ceux qui permettent d’embaucher plus facilement des étrangers, je l’ai fait. Qui s’y est opposé ? Personne ! Ma ligne est claire : soutenir ceux qui travaillent, être plus fermes avec les clandestins en revenant sur certains avantages. Je pense par exemple au tarif préférentiel dans les transports pour les étrangers clandestins. C’est un non-sens, il ne peut pas y avoir d’avantage à la clandestinité.
Notre relation avec l’Algérie doit passer par une plus grande fermeté
Soutenez-vous les mesures de Bruno Retailleau, comme l’extension du séjour en CRA et le rétablissement du délit de séjour irrégulier ?
Avec mon groupe, nous travaillons à une proposition commune sur l’immigration. Tout est regardé. Le délit de séjour irrégulier, nous l’avions voté. L’extension du délai de séjour en CRA aussi. Je n’ai aucun problème de principe, encore faut-il qu’elle produise des résultats concrets, notamment sur l’obtention des laissez-passer consulaires. Vous pouvez garder quelqu’un 120 jours en centre de rétention, mais si, au bout de ces 120 jours, vous n’avez pas obtenu le laissez-passer de son pays d’origine, vous serez contraint de le libérer. Une fois de plus, mon seul cap, ce sont les résultats.
Sur la révision des accords de 1968 avec l’Algérie, vous avez rejoint la position du RN, de la droite et d’Édouard Philippe. Pourquoi ce changement de cap ?
Ce n’est pas un changement de cap et nous n’avons, je crois, pas tous la même position. Je suis pour une fermeté absolue, pas pour la fin de nos relations avec l’Algérie. En tant que Premier ministre, j’ai pu mesurer à quel point la coopération avec l’Algérie est essentielle, notamment en matière de renseignement et de lutte contre le terrorisme. J’ai vu aussi des enjeux économiques : de nombreux secteurs français exportent et travaillent avec l’Algérie. Mais je fais partie d’une nouvelle génération de responsables politiques, et je sais qu’en Algérie aussi, une nouvelle génération émerge, qui n’a connu ni la colonisation ni la décolonisation. Elle est sans doute plus à même d’aborder ces sujets sans la rente mémorielle qui pollue nos relations. Pour bâtir une relation plus équilibrée, il faut assumer un rapport de force. Je considère donc que remettre notre relation avec l’Algérie sur un pied d’égalité passe par une plus grande fermeté ; y compris en dénonçant des accords signés il y a plus de cinquante ans, ou en s’attaquant aux privilèges et aux abus des hiérarques du régime.
Êtes-vous favorable à un référendum sur l’immigration ?
Le Conseil constitutionnel s’est exprimé sur la forme, mais je n’ai quant à moi pas d’opposition sur le fond. La question, c’est de savoir ce que l’on peut y mettre. L’immigration est un vrai sujet, qui doit être traité avec efficacité, pas un chiffon rouge qui doit être agité pour exciter les passions.
Votre proposition de loi sur la justice des mineurs arrive au Parlement. Elle prévoit la responsabilisation des parents et le retour de la comparution immédiate pour les mineurs. La gauche et une partie de votre camp dénoncent une dérive répressive. Que leur répondez-vous ?
Ce qui me semble excessif, c’est surtout le déni de la gauche et de ceux qui refusent de voir la réalité. Un vol avec violences sur trois est aujourd’hui commis par un mineur. Dans certains types de délits ou de crimes, les mineurs sont parfois sept fois plus représentés que le reste de la population. Nous sommes dans une situation où des jeunes se font tuer pour un téléphone portable. Aujourd’hui, si vous interpellez deux cambrioleurs en récidive, l’un de 17 ans, l’autre de 18 ans, celui qui a 18 ans sera sanctionné immédiatement, alors que celui de 17 ans pourra attendre un an avant de l’être. Pendant ce temps, il envoie un message de laxisme terrible. C’est un problème. L’ordre dans les rues, dans les classes et dans les familles a toujours été ma priorité. Avec mon gouvernement, nous avions préparé un texte de loi pour durcir notre politique pénale face à la délinquance des mineurs, mais la dissolution est passée par là. J’ai donc décidé de le présenter en tant que député, et je salue le choix de François Bayrou de le reprendre : il sera examiné le 12 février à l’Assemblée nationale.
Pourquoi ne pas abaisser la majorité pénale à 16 ans ?
Supprimer l’excuse de minorité reviendrait à dire qu’il n’existe plus de justice pénale spécifique aux mineurs, et donc à juger un mineur comme un majeur. C’est contraire à la Constitution. Ce que je propose dans ce texte est efficace et immédiat : il s’agit d’en finir avec l’excuse systématique de minorité. Deuxième point : nous créons une procédure de comparution immédiate pour les mineurs, qui n’existe pas. Enfin, nous prenons des mesures pour responsabiliser les parents. Avec cette réforme, plus besoin d’attendre des manquements graves pour être sanctionné : par exemple, autoriser son enfant à sortir toutes les nuits en connaissance de cause ou ne pas veiller à ce qu’il aille à l’école pourra faire l’objet de sanctions pour les parents.
L’autorité à l’école reste un sujet de préoccupation majeure. En tant qu’ancien ministre de l’Éducation, quelles actions auriez-vous voulu approfondir ou durcir ?
L’autorité de l’enseignant doit être respectée. À l’école, il y a une hiérarchie naturelle entre celui qui sait et celui qui apprend, entre l’adulte et l’enfant. J’ai agi pour cela. J’ai exigé la plus grande fermeté face aux contestations de l’autorité : j’ai notamment saisi la justice près de 1 000 fois, à chaque fois qu’un élève avait perturbé les commémorations en hommage à Dominique Bernard et Samuel Paty. Ce qui, je l’espère, a mis fin au « pas de vagues ». J’ai fait respecter la loi en interdisant le port de l’abaya et du qamis. Il faut aller encore plus loin. Ce ne doit pas être une utopie d’imaginer une école où les élèves se lèvent quand leur professeur entre en classe.
Vous aviez réformé le brevet pour en faire un véritable examen de passage en seconde. Élisabeth Borne l’a supprimé. Le regrettez-vous ?
Je le regrette, je le déplore et je ne le comprends pas. Qui peut croire qu’on élèvera le niveau de nos élèves en abaissant notre niveau d’exigence ? Un examen qui a du sens, c’est un examen qui a des conséquences. Ce qui m’attriste le plus, c’est le signal envoyé aux élèves. Beaucoup d’enseignants m’ont écrit après cette annonce pour me dire que leurs élèves de troisième avaient applaudi la décision, en disant : « Finalement, le brevet, on s’en fiche, on aura moins besoin de le travailler. » C’est exactement le contraire de ce que nous devrions encourager.
Je sais ce que je dois à Emmanuel Macron
Quelle est la nature de vos rapports avec le président de la République ?
J’ai évidemment du respect pour lui et pour sa fonction. Je suis aujourd’hui institutionnellement dans une nouvelle position et donc…
Vous vous sentez plus libre vis-à-vis de lui ?
Je me sens plus libre, non pas contre qui que ce soit, mais pour l’avenir que je dois construire avec ma famille politique et pour le pays. Lorsque j’étais Premier ministre, je ne me posais pas cette question. Aujourd’hui, je me la pose davantage puisque nous sommes dans une autre configuration. Pour autant je vois bien que certains cherchent à créer une forme d’opposition entre le président et moi. Moi, je sais ce que je lui dois. Et si, dans cette nouvelle étape de ma vie politique, je ne me sens l’héritier de personne et que je suis pleinement moi-même, nous sommes néanmoins dans les murs du parti qu’il a fondé.
Je ne compte pas faire de Renaissance le parti « attaliste »
Faut-il le « démacroniser » pour l’« attaliser » ?
Le dépersonnaliser, sans doute. Je ne compte pas faire de Renaissance le parti « attaliste ». Je travaille d’arrache-pied pour en faire un mouvement avec un vrai socle idéologique et un projet identifié par les Français. François Mitterrand a dirigé le Parti socialiste dès ses débuts, le PS lui a survécu. De même que l’UMP a survécu à Jacques Chirac. Il en sera de même pour Renaissance.
Parmi les tracts que vous avez édités, l’un proclame « ni LFI ni RN ». Or, lors des législatives, vous aviez appelé au Front républicain – quitte à voter LFI – face au RN…
Le premier mot d’ordre que j’ai eu lors des élections législatives, était « non aux extrêmes ». Les empêcher de gouverner la France. Ensuite, j’ai regardé les choses de manière pragmatique. Au soir du premier tour nous sommes parvenus à empêcher La France insoumise d’être en situation de gouverner avec le NFP, après que j’ai été moi-même, seul, défier sur le terrain les candidats insoumis, je pense notamment au candidat Raphaël Arnault, fiché S. Au second tour, il s’agissait d’empêcher le Rassemblement national d’être en situation de gouverner la France. Je me suis battu pour ça et nous y sommes parvenus. À l’issue de la campagne que j’ai conduite, il y a moins de députés insoumis à l’Assemblée qu’il y en avait avant la dissolution. J’ai été le responsable politique de l’ex-majorité le plus attaqué par La France insoumise, précisément parce que je suis celui qui les a le plus combattus. Sur la laïcité à l’école, sur leur comportement inqualifiable après le 7 octobre… Si aujourd’hui, ils ne gouvernent pas, j’estime que j’y suis pour quelque chose.
Donc, si aujourd’hui il y avait une nouvelle dissolution, vous n’appelleriez plus à faire barrage contre le RN avec un bulletin LFI ?
De la même manière que je l’ai fait lors des dernières élections législatives, je ferai tout pour empêcher que les extrêmes puissent gouverner la France. Pour s’en prémunir, je souhaite que mon parti se batte davantage pour un projet qui lui est propre, plutôt qu’être réduit à faire barrage aux extrêmes. J’ai regretté, lors des législatives de 2022 et de 2024, qu’on se soit davantage battu « contre » que « pour ». Pour l’avenir de la France, pour le quotidien des Français. Un projet qui soit, au fond, l’antidote aux doutes Français.
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