La barbarie est de retour. Et cette fois, elle ne s’arrête plus à la porte des vivants. La tombe de Jean-Marie Le Pen, saccagée en pleine nuit à La Trinité-sur-Mer, marque un nouveau cap dans la descente aux enfers d’une époque qui ne sait plus où poser les limites. Avant, la mort imposait un silence. Une trêve. Même les pires ennemis savaient s’arrêter là. Mais aujourd’hui, même ça, c’est fini. Il ne s’agit plus de combattre des idées, il s’agit de les effacer.
Et peu importe ce que l’on pense de Jean-Marie Le Pen. Ce n’est même pas la question. Ce qui est en jeu ici, c’est ce qu’il reste d’un pays qui se disait civilisé. Hier, on déboulonnait des statues. Aujourd’hui, on fracasse des tombes. Et demain, quoi ? On exhume les morts qui dérangent ? Dans une démocratie, on affronte ses adversaires, on conteste leur héritage, on débat. Mais s’acharner sur une pierre tombale, ça ne relève pas du combat politique.
Alors, fallait-il s’attendre à autre chose ? Depuis le soir de sa mort, le 7 janvier, on avait déjà vu les signes. Place de la République, champagne, feux d’artifice, danses macabres… Une mise en scène grotesque, célébrant un décès comme une victoire politique. « Rien, absolument rien ne justifie qu’on danse sur un cadavre », disait Bruno Retailleau. Et pourtant, ce qui hier n’était qu’un spectacle indécent s’est transformé en acte de destruction. Ceux qui jubilaient sur un cercueil ont trouvé leurs héritiers : ceux qui, aujourd’hui, brisent les pierres et piétinent les morts.
Le retour de la Terreur
Si on en est là, si même les morts ne sont plus à l’abri, c’est qu’une fièvre destructrice s’est emparée de l’Occident. Il révèle juste une société qui a atteint son ultime stade de la décivilisation. Car ce besoin d’éradication, on le connaît. Il a traversé les siècles.
Sous la Révolution française, la profanation des tombes n’était pas un simple excès de foule, c’était une politique délibérée. En 1793, la nécropole royale de Saint-Denis est saccagée, les cercueils éventrés, les ossements des rois et reines de France jetés dans des fosses communes. Louis XIV, François Ier, Catherine de Médicis… balayés comme de vulgaires déchets. On ne se contentait plus d’exécuter les vivants, il fallait aussi effacer les morts, les priver jusqu’à leur dernier repos.
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Ce saccage n’avait rien d’une révolte spontanée : il répondait à une logique politique, celle d’un effacement total du passé monarchique et religieux. On déboulonne les rois, on profane leurs sépultures, on transforme les églises en temples de la Raison… On croit faire table rase, on ne fait qu’ouvrir la porte à une sauvagerie incontrôlable. Car une société qui s’en prend à ses morts finit toujours par ne plus respecter ses vivants.
De nos jours, ce genre de barbarie, on l’associait aux milices islamistes. Ce sont elles qui pulvérisaient des mausolées, rasaient Palmyre, dynamitaient des tombeaux au nom d’une idéologie fanatique. Et maintenant ? Maintenant, c’est en France qu’on fracasse des tombes à coups de masse.
On aurait pu esperer une condamnation unanime. Un sursaut. Une réaction à la hauteur de l’acte. Mais non. Silence gêné, quelques phrases convenues, et surtout beaucoup d’indifférence. Imaginez une seconde : si la tombe d’un intellectuel de gauche avait été saccagée, que se serait-il passé ? Les tribunes indignées se seraient multipliées, les discours solennels auraient fusé, et les ministres auraient promis des sanctions exemplaires. Là ? Rien, ou si peu. Comme si, selon le nom gravé sur la pierre, la profanation n’avait pas la même gravité.
Deux poids, Deux mesures
Et c’est ça, le plus dangereux. Ce deux poids, deux mesures, c’est un poison lent. Il ne fait pas que banaliser la destruction, il la justifie. Il envoie un message limpide : certains morts méritent le respect, d’autres peuvent être piétinés. Mais une civilisation ne se construit pas en triant ses morts. Elle tient ou elle s’effondre sur un principe simple : on ne touche pas aux tombes.
L’histoire, ce n’est pas un terrain de chasse où l’on viendrait solder les comptes du passé. Ce n’est pas comme ça qu’on avance, c’est comme ça qu’on se déchire. Profaner une tombe, ça ne fait pas disparaître un homme. Ça ne corrige rien, ça n’efface rien. Ça ne prouve qu’une seule chose : la faillite de ceux qui, incapables de penser, préfèrent détruire. Car comme le disait Jean-Marie Le Pen lui-même : « Mort, même l’ennemi a droit au respect. »
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