À La Cuadrita, la plus célèbre rue piétonne d’Asunción, on pourrait aussi bien être à Los Angeles ou Miami. Nous voici au croisement des quartiers huppés de Mariscal, La Recoleta et de Villa Mora, avec leurs villas-jardinets à l’américaine, leurs rues quadrillées, les pick-up sur les trottoirs. Sur une centaine de mètres, pizzerias italiennes (El Mozzafiato), ceviches péruviens (Pez de Mar), gastronomie colombienne se succèdent sur une longue allée arborée et calme. Sur la terrasse, les oiseaux chantent dans les palmiers tandis que la jeunesse dorée refait le monde, au rythme des verres de vin argentin ou chilien.
« J’ai longtemps vécu en Angleterre, à Manchester. J’étais heureux là-bas, j’avais quitté un pays perpétuellement en crise, il y avait tout ce qu’on ne trouvait pas ici. Je ne pensais pas rentrer. Et puis, un jour, je suis revenu, j’ai vu qu’Asunción était devenue une cité moderne et propre, avec tous les standards d’une ville occidentale, et je me suis dit : “Mais qu’est-ce que je fais sous la pluie ?” » se réjouit Carlos Javier Charotti, vice-ministre de l’Économie, qui ne boude pas son plaisir d’habiter la ville élue par une revue mexicaine, parmi « les 7 premières villes agréables d’Amérique latine », avec ses 4 865 hectares d’espaces verts.
Ces dix dernières années, grâce à une politique fiscale attractive et la lutte contre la criminalité, le quartier des affaires de Santa Teresa s’est métamorphosé. Des investisseurs venus d’Argentine, du Brésil, d’Uruguay, mais aussi des États-Unis ou d’Allemagne ont participé au décollage de la capitale paraguayenne. Des buildings flambant neufs de 40 étages ont vu le jour, avec des appartements ultra modernes et confortables. « Dans cette nouvelle Dubaï, on trouve des appartements à plus d’un million de dollars, juste à côté des bidonvilles », constate le sénateur de gauche et ancien ministre de l’Intérieur Rafael Filizzola.
Tours de verre et de béton
Aujourd’hui, on aperçoit de très loin les immenses tours de verre et de béton et les nombreuses grues qui zèbrent l’horizon. « Ce n’est pas toujours une architecture très heureuse, mais ce boom de l’immobilier a au moins le mérite de faire évoluer la ville qui en avait bien besoin », se réjouit l’architecte spécialiste de l’urbanisme Gonzalo Garay Chalo. Au pied du centre commercial Villamorra Shopping, les hommes d’affaires étrangers se croisent au bar du luxueux hôtel La Misión. Plus loin, du côté de l’immense centre commercial El Paseo de la Galería, les amateurs de peinture se retrouvent le soir aux vernissages des nombreuses galeries d’art contemporain ou au prestigieux Museo del Barro, qui expose des toiles de maîtres ainsi que des collections rares de figurines, masques indiens et céramiques de l’art précolombien.
Asunción était la petite capitale horizontale d’un pays méconnu
À la porte des grands espaces, des immenses fermes d’élevage de bovins, Asunción était, il n’y a pas si longtemps, la petite capitale horizontale d’un pays assez méconnu et boudé par les voyageurs. « Asunción est une île entourée de terre », résumait poétiquement l’écrivain paraguayen Augusto Roa Bastos. Lorsqu’on remonte l’avenue Mariscal Lopez, qui mène au centre historique, on croise encore les vestiges d’un passé pas si lointain, comme l’ancienne gare centrale, inaugurée en 1861. On raconte que c’est d’ici que partît l’un des premiers trains de toute l’Amérique latine. Il rejoignait alors la frontière argentine, à soixante kilomètres.
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Le fleuve Paraguay, véritable artère du pays
La gare est devenue depuis un musée qui expose notamment la plus vieille locomotive du pays avec ses wagons tout en bois qui font penser au Far West et à l’époque des attaques de train. En face, la Plaza Uruguaya est un jardin très agréable, avec ses cafés littéraires, ses statues à l’effigie de déesses grecques antiques ou aux héros de l’indépendance.
Un peu plus loin, la cathédrale Nuestra Señora, bâtie au XIXe siècle, célèbre pour son autel argenté, et le Palacio de Lopez, palais présidentiel de style néo-classique et d’influence Renaissance italienne surplombent le fleuve Paraguay, véritable artère vitale du pays. Les habitants viennent y pêcher le matin de bonne heure et s’y baigner en été lorsqu’il fait chaud. L’architecte urbaniste Gonzalo Garay Chalo a lui-même participé, dans les années 1990, à réhabiliter une ville qui « n’avait pas très bonne réputation ». « Nous avons planché sur son développement commercial le long des rives du fleuve Paraguay, avec des kiosques, des bars et restaurants. Aujourd’hui, la population d’Asunción a repris possession des berges », explique-t-il.
Si, malheureusement, certaines villas coloniales ou Art déco sont abandonnées faute de moyens pour les restaurer, beaucoup sont en cours de rénovation. « Le vieil Asunción s’est longtemps vidé de sa population, mais il attire de plus en plus de touristes, confirme Victor Chamorro, chargé du tourisme d’affaires auprès du ministère de l’Économie. Asunción essaye de préserver son patrimoine tout en misant sur le confort et la modernité. Des Argentins fortunés viennent y faire leurs emplettes le week-end. Nous avons de plus en plus d’enseignes de luxe françaises comme Louis Vuitton. Nous disposons aussi d’hôtels-palaces de première qualité, de chefs cuisiniers qui ont étudié à l’étranger avant de revenir. D’ailleurs, nous comptons faire du quartier colonial qui, autrefois, était très vivant, un centre gastronomique. »
Si les vols pour Asunción sont en plein essor, depuis les États-Unis ou l’Europe, l’aéroport Silvio Pettirossi, légèrement vétuste, porte bien son nom : Pettirossi est décidément trop « petit », pas à la hauteur des ambitions d’une capitale en pleine « ascension » ! Patience, l’inauguration d’un nouvel aéroport est prévue pour 2030.
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