Si la joie et la fierté étaient au rendez-vous durant les Jeux paralympiques de Paris 2024, les athlètes médaillés ont ressenti un vide profond après l’extinction des projecteurs. Malgré les sollicitations, les cérémonies dans les collectivités, mais aussi avec les sponsors, les sportifs français ne se sont pas sentis accompagnés dans cette période et ont eu du mal à s’habituer à cette autre vie.
“Le directeur de notre équipe nous avait prévenus. Le 9 septembre, plus personne ne se connaîtra, surtout pour les non-médaillés”, témoigne Helios Latchoumanaya, médaillé d’argent en para judo, qui a vécu cette retombée dans l’anonymat. Les athlètes ont passé tout l’été ensemble et du jour au lendemain chacun est reparti à sa vie normale. Le para judoka déplore un manque d’accompagnement ressenti de manière très violente.
Lucas Mazur, médaillé d’or en para badminton, insiste de son côté sur “l’énorme pression durant l’année avant les Jeux. Une pression lourde à porter”. De plus, après cette période, “il faut vraiment accepter que la page se tourne. Il y a un héritage qu’on doit forcément conserver et léguer, mais la fête est finie et il faut se remettre sur des perspectives d’avenir”. Lucas Mazur a eu du soutien de la part de ses proches, mais après tous ces moments d’émotion, une fatigue mentale et physique est apparue de manière très violente. Une véritable pause a été nécessaire pour se remettre sur pied.
“On est trop sollicité, et on ne fait plus notre sport. On ne peut pas performer aux Championnats du monde quand on reste les deux jours d’avant debout à signer des autographes”, explique Thomas Peyroton-Dartet, médaillé d’or en para cyclisme. Pour lui, s’habituer à cette nouvelle vie n’a pas été chose simple. Nouvelle vie, à laquelle il n’était pas du tout préparé, puisqu’il n’était pas dans les favoris pour le titre. Il est heureux de la performance sportive mais la médaille en elle-même l’a juste éloigné de son vélo jusqu’à présent.
“Grâce à nos résultats, on avait espéré que ça allait pouvoir continuer pour les prochaines paralympiades”, glisse Hélios Latchoumanaya, qui se rend compte que beaucoup d’athlètes n’ont pas de contrats renouvelés. Cela signifie qu’ils vont de nouveau devoir démarcher des entreprises pour qu’elles apportent leur soutien.
Les aides de l’État, de l’ANS et du ministère des Sports vont être revues à la baisse et beaucoup de sponsors vont se désengager. Hélios Latchoumanaya ne comprend pas la situation: “On s’est dit que ce suivi était bien, mais vu la situation, ça laisse croire que c’était juste pour un one shot et qu’après on arrête de parler ou de mettre en valeur le sport. Alors qu’on a vu que c’était quelque chose qui rassemblait énormément.”
“La période actuelle est très floue, c’est très compliqué au niveau des sponsors. Certains ont de grosses coupes budgétaires, de nouvelles restrictions, donc un avenir assez incertain. Pour ces raisons, ils préfèrent limiter les partenariats”, déplore Lucas Mazur, qui a vu trois de ses sponsors se désengager, mettant en difficulté son année à venir. “J’ai encore eu un appel cette après-midi, d’un sponsor qui m’annonçait l’arrêt de notre partenariat. C’est très décevant pour nous. On se rend compte qu’on a été un peu utilisés juste pour les Jeux.” L’espoir que la situation évolue s’effondre un peu pour le tenant du titre de para badminton.
Un autre sujet préoccupe les sportifs de haut niveau: le manque de statut. “On n’a aucun statut de sportif de haut niveau vis-à-vis de l’État. Ça nous donne droit à pas grand-chose. On aimerait avoir un statut reconnu pour que l’État nous protège et nous rémunère.” Lucas Mazur insiste sur le fait que ce statut leur permettrait d’éviter de passer tout leur temps à chercher des sponsors, “à passer des appels, envoyer des mails, tenter de négocier”. Beaucoup d’athlètes espèrent vraiment que les choses vont bouger et que pour les prochains Jeux Paralympiques, des évolutions sur le statut seront mis en place avec le but de se pérenniser.
“J’étais aux Étoiles du sport, fin novembre, et le sentiment global était ce vide après Jeux très présent chez de nombreux sportifs”, s’attriste Hélios Latchoumanaya. Après de tels moments de grande émotion, l’héritage semble être la déception.
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