Octuple championne paralympique de ski alpin, Marie Bochet s’est confiée en longueur à RMC Sport ce mercredi en marge de la sortie de son autobiographie Mon petit doigt m’a dit. L’ancienne sportive a notamment abordé son possible rôle au sein de l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques d’hiver de 2030 dans les Alpes françaises.
Comment est née l’idée de cette autobiographie?
Alors ce n’est pas venu de moi! C’est venu de la proposition de la maison d’édition “Les Passionnés de bouquins” qui m’a proposé d’écrire cette aventure et de mon attaché de presse, Yves Perret. C’était en 2019, je n’avais que 25 ans, cela me semblait un peu précipité, je ne savais pas trop quoi raconter. Et puis ce titre est arrivé, je le trouvais plutôt cool, et je me disais qu’il y avait certainement une histoire à raconter derrière ça.
Qu’est-ce que vous avez appris de vous et de votre parcours?
Cela m’a surtout permis de me rendre compte de ce que j’avais fait. Car c’est vrai que quand tu es dans ta carrière, tu es dans une espèce d’énorme machine, tu fixes tes objectifs, tu les réussis, tu enchaînes. Tu ne prends jamais trop le temps de regarder dans le rétroviseur. J’ai été encore surprise le jour où on m’a donné le premier exemplaire! Je pense que cela peut être un livre utile. Pour moi en tant qu’album souvenir, et on a aussi tiré des enseignements. J’espère que c’est plutôt réussi. Ce livre a accompagné ma réflexion autour de ma fin de carrière. Quand tu commences à l’imaginer, tu as besoin de te définir différemment. Ce livre m’a permis de me rendre compte quelle athlète j’ai été, comment j’ai construit mon palmarès, comment je me suis construit en tant que femme, comment j’ai construit mon quotidien en dehors du ski, et cela m’a aidé à prendre cette décision de fin de carrière sereinement.
Cela montre aussi qu’il y a autre chose que le paramètre sportif dans un quotidien. Et à travers votre parcours hors ski, vous avez découvert des univers parfois inattendus…
J’ai eu aussi à cœur de développer ces aspects-là d’une carrière d’athlète. On est aussi projeté sur un rôle d’ambassadeur, véhiculant des valeurs, et de développement de la pratique. Comme mon rôle avec l’Oréal Paris: si on m’avait demandé à cinq ans ce que je voulais faire de ma vie, c’est certain que je n’aurai jamais imaginé me retrouver sur les podiums de la Fashion Week! C’est mon petit doigt qui m’a dit de faire ça (rires).
Vous vous êtes investie dans l’organisation des Jeux de Paris 2024. Avec un peu de recul sur cet été olympique, quel est votre regard sur l’évolution des mentalités sur le parasport depuis?
J’espère que cela a créé des vocations, que des personnes en situation de handicap, qui ont regardé les Jeux paralympiques, se sont dit qu’il y avait une place pour eux quelque part. Ces Jeux ont été un détonateur mais c’est la première marche. J’espère qu’on va poursuivre dans cette éducation. Si le handicap était un sujet tabou c’est parce qu’on montrait très peu la différence. Pendant deux semaines, on a pris un shoot de joie de vivre, de performances assez dingues. Surtout on a vu le handicap, et on s’est rendu compte que le handicap ne voulait pas dire incapable. J’espère qu’on a éduqué une génération qui fera moins de différences vis-à-vis des performances olympiques et paralympiques.
Votre implication dans l’organisation des Alpes 2030, c’est une continuité?
Avoir une nouvelle organisation olympique et paralympique, c’est un prolongement naturel. C’est une chance qu’il faut saisir. On a réussi quelque chose de grand avec Paris 2024, on a pris des décisions de modernité dans l’organisation de ces événements-là. Les JO et les Paralympiques ne durent pas que deux semaines, c’est bien plus profond que ça. Il faut se saisir de cet héritage-là pour l’amener dans les montagnes et plus profondément dans les territoires.
Vous avez à cœur de jouer un rôle fort dans le futur comité d’organisation?
C’est difficile de se tenir éloignée de ce projet-là car ma vie a été rythmée par les olympiades et les paralympiades. Je sais le potentiel de ces événements et leur pouvoir de changement qu’ils peuvent entraîner. Après, pour l’instant, je ne sais pas vraiment à quelle place. C’est un peu difficile pour moi de me projeter sur de grosses responsabilités parce que je sors juste de ma carrière. Si j’ai mis un terme à ma carrière sportive, c’est que je sentais que j’étais un peu fatiguée. Je ne sais pas dans quelle dimension je suis capable de m’impliquer tout en étant respectueuse de ce dossier. Je ne m’engagerai pas si je ne suis pas apte et capable d’apporter vraiment quelque chose à ce dossier et à lui donner la dimension qu’il mérite.
Martin Fourcade a déclaré vouloir travailler avec vous s’il était nommé à la tête des Alpes 2030…
Avec Martin cela fait quelques mois que l’on échange sur ce projet car on a été les sportifs qui ont porté la voix du sport dans ce projet. On s’est engagé en souhaitant le voir comme une impulsion de changement et de continuité de Paris 2024. On est plutôt d’accord sur notre vision des Jeux et sur ce que les Alpes 2030 doivent être. Ce n’était pas forcément une surprise, mais qu’il l’annonce comme ça dans les médias c’est un bel honneur, une belle preuve de confiance. C’est aussi un peu un prolongement de notre histoire, on a été porte-drapeau en même temps, on était ensemble dans la commission des athlètes de Paris 2024. Effectivement, c’est quelqu’un avec qui je suis plutôt en accord et avec qui je pourrais me projeter sur ce dossier.
Il faut à la tête du Comité d’organisation un athlète comme pour Paris 2024?
C’est déjà essentiel que cela soit un sportif à la tête de ce projet. Avec la bonne vision et les bonnes ambitions. Et ensuite il fut toutes les bonnes personnes et les intentions qui soient autour de ce président. Il ne faut pas oublier que les Jeux sont organisés avant tout pour le sport. C’est essentiel que les athlètes soient au cœur du projet.
Les présidents de région vous ont contactée?
Il y a eu quelques échanges. Mais je leur ai dit que je ne voulais pas prendre la barre du navire seule, mais que je voulais faire partie du bateau. Toutes les discussions sont en cours, et ce n’est pas un sujet très évident.
Les Alpes 2030 seront les Jeux de la transition?
On sent que nos territoires sont fragiles, que nos pratiques doivent se réinventer. On sait aussi la capacité d’accélération que peuvent avoir des Jeux. C’est un événement sur lequel on doit s’appuyer pour faire des transitions rapidement. C’est aussi de la responsabilité des territoires de montagne comme les Alpes françaises de mettre à profit leur savoir-faire. Cela fait quand même quelques générations que l’on sait organiser des événements, mais c’est de notre responsabilité de les réinventer. Il faut se servir de cette expérience pour créer les Jeux olympiques des sports d’hiver de demain. C’est une des très grandes ambitions que l’on doit avoir. On n’a plus le droit de faire des Jeux comme avant. On a trop subi lors de notre génération avec des Jeux en Asie qui n’avaient ni queue ni tête, avec des stations créées spécialement pour l’occasion, tout cela ce n’est plus possible. C’est à nous de montrer qu’il est possible d’avoir un nouveau format dans ces territoires au savoir-faire reconnu et qu’il est possible de faire naître une transition.
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