Après deux affaires liées au trafic de drogue à Marseille cette semaine, au cours desquelles deux personnes ont été tuées extrêmement violemment, le procureur de la République de la ville, Nicolas Bessone, a tenu une conférence de presse ce dimanche matin.
« Ultra rajeunissement » des auteurs et victimes des faits, rôle des réseaux sociaux, assassinat commandité depuis la prison… 20 Minutes fait le point sur ces narchomicides.
Que s’est-il passé mercredi pour le jeune « brûlé vif » ?
Un homme de 23 ans, détenu au centre pénitentiaire de Luynes, près d’Aix-en-Provence, et se présentant comme appartenant au gang de la « DZ Mafia », a recruté depuis sa cellule un mineur de 15 ans via les réseaux sociaux. Le but : aller « intimider » un membre du gang adverse, les « Blacks », convoitant un même point de deal. Pour 2.000 euros, cet adolescent de 15 ans devait brûler la porte d’un immeuble de la cité Félix-Pyat, tirer dessus et se filmer pour une publication sur les réseaux sociaux.
Mercredi, le garçon s’est rendu sur place, équipé d’une « arme de poing » et accompagne d’un autre adolescent du même âge. Ils sont tombés sur une bande du groupe « concurrent ». Celui qui accompagnait l’adolescent missionné a réussi à s’enfuir. L’autre a été questionné et fouillé. « Il a été lardé de 50 coups de couteau puis brûlé vif », a relaté le procureur de Marseille. « Une scène de sauvagerie inédite », a-t-il ajouté.
Que s’est-il passé vendredi pour le chauffeur VTC ?
Deux jours plus tard, à la suite de ces événements, le même détenu de 23 ans, estimant qu’on avait tué « un des siens », a commandité une vengeance, toujours depuis la prison. Il a recruté, toujours via les réseaux sociaux, un adolescent de 14 ans venant du Vaucluse, pour effectuer la même mission que le premier adolescent. Cette fois, il lui a promis 50.000 euros. Le commanditaire a alors géré « toute la logistique » pour le faire venir à Marseille, dont la prise en charge d’une chambre d’hôtel.
Le soir des faits, le jeune garçon a commandé un Bolt, conduit par un footballeur amateur de 36 ans, chauffeur VTC pour compléter ses revenus et subvenir aux besoins de sa famille, pour se rendre dans la cité. Le procureur rappelle que le trentenaire était « totalement extérieur aux trafics de stupéfiants ».
« Sur le chemin, (l’adolescent) aurait croisé sa cible, ou une personne qui lui ressemblait, et a demandé au conducteur de le déposer et de l’attendre, a poursuivi Nicolas Bessone. Il n’a pas obtempéré à la demande. L’adolescent a alors sorti son revolver 357 magnum de sa ceinture et a tiré à l’arrière du crâne du chauffeur. » Le jeune de 14 ans a alors pris la fuite et a demandé au commanditaire de cette mission de lui envoyer une voiture pour s’exfiltrer. Ce dernier a appelé le 17 et a livré l’endroit exact où se trouvait le garçon, avant de revendiquer l’action par la DZ mafia.
Quel est le contexte ?
Le magistrat a rappelé en début de conférence « le contexte du conflit opposant dans le 3e arrondissement de Marseille [le clan de] la DZ Mafia et celui dit des ”Blacks” de la cité Félix-Pyat pour la prise de contrôle du point de vente de la cité du Moulin de Mai », à la Belle de Mai.
Pourquoi la situation inquiète ?
Lors de sa conférence de presse, le procureur a rappelé « l’âge des victimes et des auteurs », faisant le constat d’un « ultrarajeunissement » de la population liée aux règlements de compte à Marseille. Il se demande comment est-il possible que des jeunes garçons répondent de cette manière à des annonces pour « aller ôter la vie » ? Et questionne le rôle des réseaux sociaux.
Ce qui est nouveau également, c’est la revendication de ces faits par le détenu de la DZ Mafia, interrogeant le but de cette action.
Le procureur s’inquiète aussi après la mort d’une victime extérieure, qui n’a pas succombé en raison d’une balle perdue mais a été « froidement abattue ». Pour lui, « on a atteint un degré supplémentaire » dans la violence. Le magistrat a aussi observé « une limite dans l’intérêt professionnel » avec « une perte totale de repères » et « un amateurisme affolant », avec deux décès en l’espace de trois jours. Avec ces deux meurtres, le nombre de narchomicides est de 17 depuis le début de l’année à Marseille.