Comment raconter quand on a tout dit, tout vu, tout entendu ? Et témoigner quand la vérité n’a jamais éclaté, sans doute pour toujours ? A quelques jours du quarantième anniversaire de la mort de son fils Grégory, 4 ans, retrouvé dans les eaux de la Vologne le 16 octobre 1984, Jean-Marie Villemin prend la parole dans un support nouveau : une bande dessinée intitulée sobrement Grégory. « Un moyen d’expression qui peut être rigoureux, accessible à tous », écrit-il dans la préface qu’il signe.
Après avoir décliné une première fois par le passé l’idée de parler en BD de l’affaire Grégory, l’une des plus grandes sagas judiciaires françaises, Jean-Marie Villemin a cette fois pris les devants. C’est lui qui, à l’approche des 40 ans du drame, a contacté les éditions des Arènes. Puis avec le dessinateur Christophe Gaultier et le scénariste Pat Perna, père notamment de Joe Bar Team, il a remonté le temps et replonge en plein cauchemar.
De la joie simple, puis l’« anéantissement »
A la clé, donc, cette BD à paraître ce jeudi. Un ouvrage qui navigue entre octobre 1984, avant et après la mort du petit garçon, et octobre 1993, lors du procès de Jean-Marie Villemin pour le meurtre de son cousin Bernard Laroche, un temps suspecté.
Au fil des cases, on lit bien sûr la détresse du couple Villemin. « Un anéantissement total. Voilà ce que Christine et moi ressentons après l’assassinat de notre petit Grégory », commence ainsi le père dans sa préface. « Nous étions perdus, au fond du gouffre, sans aucun soutien », poursuit-il. Mais une fenêtre s’ouvre aussi sur l’avant, sur les joies simples de jeunes parents et de leur enfant de 4 ans.
« Je resterai à jamais un assassin »
De ses douleurs, Jean-Marie Villemin n’a rien oublié. Les « journalistes qui ne pensent qu’à faire de l’audience », la « justice devenue folle »… Ni son geste fou de mars 1985 : « J’ai craqué, j’ai pris la vie de mon cousin [Bernard Laroche], je resterai à jamais un assassin. Je le regrette tant. »
Aujourd’hui âgé de 66 ans et père de trois autres enfants avec son épouse Christine, Jean-Marie est « apaisé » mais pas « endurci », car il connaît « le prix de la douleur ». Il dit avoir « souvent pleuré » en découvrant les pages de cette bande dessinée. Une émotion contagieuse puisque Patrice Perna, le dessinateur, confiait mercredi dans Libérationque sont travail sur Grégory avait « bouleversé sa façon de faire ce métier ». Et l’histoire n’est pas terminée, puisque cet album est appelé à avoir une suite.