Si plusieurs indicateurs permettent d’avoir un aperçu du bilan économique de l’événement, il faudra attendre plusieurs années pour pouvoir en dresser un complet et pertinent.
C’est la question que beaucoup se posaient avant les Olympiades parisiennes et qui reviendra souvent sur la table au moment d’évoquer l’événement désormais: l’accueil des Jeux 2024 était-il une bonne opération pour la France sur le plan économique? Deux mois et demi avant la cérémonie d’ouverture, le Centre de droit et d’économie du sport (CDES) avait rendu une étude d’impact économique qui établissait celui-ci à près de 9 milliards d’euros pour la région parisienne entre 2018 et 2034.
Un chiffre qui correspond aux budgets cumulés du Comité d’organisation et de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) bien que des surcoûts estimés à au moins 3 milliards d’euros soient intervenus pour l’État. L’année prochaine, une étude couts/bénéfices commandée cette fois par l’État permettra d’évaluer la rentabilité des Jeux de Paris.
Mais quelques jours après les cérémonies de clôture, des indicateurs donnent déjà un premier aperçu du bilan économique de l’événement, à commencer par les chiffres du tourisme. Pendant cette période, l’Office du Tourisme de Paris a recensé plus de 11 millions de visiteurs dont 15% d’étrangers. Une fréquentation qui a fait les affaires des hôteliers parisiens et plus généralement franciliens puisque le taux d’occupation était 10 points au-dessus dans les établissements de la capitale et atteignaient les 83% pour les hôtels de Seine-Saint-Denis, en hausse de 13 points par rapport à une période normale.
Du côté des restaurants, ce sont notamment ceux à proximité des sites olympiques qui ont tiré leur épingle du jeu en raison du profil de touristes présents pendant les Jeux selon la directrice générale de l’Office Corinne Menegaux: “Ce n’étaient pas des gens qui avaient envie de s’asseoir, de prendre le temps de déjeuner et de découvrir un patrimoine gastronomique […] On est donc plutôt dans une petite restauration avec des boissons avant ou en sortie d’épreuves.” Même logique pour les sites culturels dont certains ont vu leur fréquentation baisser de 20 à 25% en raison de ce tourisme centré sur le sport. Mais Corinne Menegaux anticipe un effet de rattrapage dans les prochains mois sur la base des taux de réservation dans les hôtels parisiens :
“Les perspectives sont plutôt bonnes sur la fin d’année avec des taux au-dessus des normes saisonnières, entre +7 et +10 points, et pareil sur début 2025.”
En réalité, les effets d’entraînement sur le tourisme entre l’hébergement, la restauration et le transport ne représente qu’une petite partie de la contribution des Jeux à la croissance française au troisième trimestre 2024 laquelle s’est élevée à 0,4% : seulement 0,05 point sur une contribution de 0,3% d’après les chiffres de l’Insee. “Il y a aussi beaucoup d’effets d’éviction qui viennent compenser le surplus de dépenses des touristes ‘olympiques'”, rappelle Vincent Biausque, adjoint à la directrice régionale en charge des Jeux olympiques et paralympiques pour l’Insee Île-de-France.
Cette contribution au PIB français est donc en grande partie alimentée par les recettes de billetterie et des droits de rediffusion qui ne sont comptabilisées qu’au moment de la tenue de l’événement même si les ventes effectives ont eu lieu plusieurs mois en amont. Comme pressenti plusieurs mois avant l’événement, Vincent Biausque estime qu’il n’y a pas eu d’effet “waouh” des Jeux d’un point de vue macroéconomique: “On parle de 3 à 4 milliards d’euros d’investissements publics donc si on rapporte ce chiffre-là à l’ensemble de la période qui peut couvrir de 2017 à 2030, on est sur un investissement qui est relativement faible par rapport au PIB français.”
“Il n’y a pas d’impact majeur des Jeux olympiques sur l’économie d’un pays. Mais si on regarde d’un point de vue très localisé, il va de soi que pour certaines communes, pour certains lieux et pour certains secteurs d’activité, l’impact est très important.”
Par ailleurs, l’expert croit en un impact de la vitrine olympique sur le tourisme à long terme et se base notamment sur l’exemple des Jeux londoniens, la capitale britannique partageant un certain nombre de caractéristiques géographiques, sociales et économiques avec Paris: “On pourra voir si on voit une inflexion dans le tourisme en Île-de-France et en France et comparer cette inflexion avec d’autres capitales. On a pu voir après les Jeux olympiques 2012 que Londres avait gagné quelques parts de marchés sur d’autres villes dans la concurrence touristique.”
Pour déterminer si l’accueil des Jeux 2024 était une “bonne affaire”, beaucoup de spécialistes insistent sur les répercussions socio-économiques à long-terme qui sont souvent rassemblées sous le terme d'”héritage”. “La notion d’héritage est souvent liée aux équipements qu’on peut laisser et le CIO est attaché à ce qu’il n’y ait pas d’’éléphants blancs’ et que les nouveaux équipements rencontrent leur public au lendemain des Jeux et qu’ils soient utilisés à plein”, explique Marie Barsacq, directrice Impact et Héritage au sein du comité d’organisation. Le village olympique et celui des médias ainsi que le centre aquatique olympique ont donc été construits pour répondre à des besoins dans un territoire particulier, la Seine-Saint-Denis, qui manque de logements ou dont les infrastructures sportives sont vétustes.
“Notre volonté était de profiter de l’occasion des Jeux pour accélérer le développement […] Le village des athlètes est un écoquartier qui aurait peut-être mis 15 ans à sortir de terre quand il a mis 7 ans grâce aux Jeux.”
Si elle a été en partie inspirée de Londres 2012 avec la volonté de développer un certain nombre de quartiers qui ont un retard économique ou social, la stratégie d’héritage de Paris 2024 pose les mêmes questions. “L’Insee va regarder de près quelles sont les personnes qui vont s’installer au sein des deux villages et si on observe les mêmes effets de gentrification, souligne Vincent Biausque. Est-ce que les personnes qui s’y installent ne vont pas contribuer à accentuer les inégalités au sein de la Seine-Saint-Denis ?”
L’héritage peut donc prendre des formes multiples, du logement aux politiques de sport-santé en passant par l’emploi. “Notre objectif était aussi d’utiliser les emplois des Jeux comme des produits d’appel pour des demandeurs d’emploi qui pourraient avoir un travail pérenne, au-delà des Jeux, puisqu’ils sont dans des secteurs en tension qui recrutent”, souligne Marie Barsacq. A ce titre, plusieurs forums emploi ont été organisés en Seine-Saint-Denis qui figure sur le podium des départements ayant remporté le plus d’appels d’offres.
Dans un autre registre, Paris 2024 est étroitement lié à la mesure visant à généraliser les 30 minutes d’activité physique quotidienne dans toutes les écoles ou au programme “1, 2, 3, nagez” qui a permis d’apprendre la natation à 36.000 enfants n’ayant pas la possibilité de partir en vacances. Autant de facteurs qui, en améliorant la santé de la population, peuvent avoir “un effet de second ordre à long terme sur la santé économique du pays” selon Vincent Biausque : “On sait que ça joue, mais ce sont des choses difficiles à mesurer, car quand il y a une crise de type pandémie, c’est compliqué de différencier les effets liés à un événement ou à un autre qui se superposent.”
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