Elle s’en sort avec quelques points de suture à l’arrière du crâne, des griffures au menton et au visage. Une fillette norvégienne de 18 mois a été attaquée dimanche par un rapace alors qu’elle se trouvait dans la cour de la ferme familiale. Selon les médias norvégiens, un jeune aigle royal a fondu sur l’enfant à plusieurs reprises, comme sur une proie, obligeant sa mère à intervenir, puis un voisin à le chasser avec un bâton. L’aigle a été « euthanasié », peu après, par un des gardes-chasses de cette région du Trondelag, située au centre du pays.
Cette attaque « hitchcockienne » est-elle plausible, voire inquiétante, et peut-elle se produire en France ? Visiblement oui, puisque en avril dernier un parapentiste qui survolait la Savoie a mis 13 longues minutes pour se défaire des serres d’un aigle royal aussi agressif qu’accrocheur. « On ne peut pas dire que ça n’arrive jamais, mais c’est extrêmement rare », explique Simon Potier, expert en biologie évolutive et rapace mais aussi fauconnier. Sous réserve que l’assaillant norvégien soit bien un aigle royal – ce rapace « puissant » pouvant atteindre un poids allant de 3 à 6 kg et 2,20 m d’envergure – le scientifique trouve l’événement de l’ordre du possible puisque l’aigle royal est un prédateur « qui se nourrit de mammifères comme « les lapins, les lièvres ou même les renards ». « Et même parfois de tout jeunes chamois », ajoute l’écologue naturaliste Pierre Rigaux. Soit des proies parfois plus grosses qu’un bébé de 18 mois.
Des agressifs, chez les aigles… comme chez les humains
La fauconnerie étant interdite en Norvège, il s’agissait forcément d’un animal sauvage. « Et ce sont des choses qui peuvent se produire quand on partage un écosystème, mais le risque est anecdotique par rapport à celui de se faire attaquer par un chien par exemple », insiste Simon Potier qui ne veut pas participer à la moindre psychose.
Et pour ceux qui s’inquiéteraient, Pierre Rigaux souligne aussi l’évidence statistique. « Il y a quelques centaines de couples d’aigles royaux en France, surtout dans les massifs montagneux du sud, notamment les Alpes et les Pyrénées, et les incidents de ce type sont excessivement rares », dit-il. « Tous les animaux sauvages ont des individualités différentes. Chez les aigles, comme chez les rossignols, les corneilles ou même les humains, il y en a qui peuvent être un peu plus entreprenants ou agressifs que la moyenne, mais en fait, dans l’immense majorité des cas, la présence d’aigles royaux ne pose absolument aucun problème », plaide-t-il encore, rappelant que « tous les rapaces sont protégés par la loi ».
Ne prenez pas les aigles pour des buses
Les attaques aériennes de buses, des rapaces beaucoup plus communs et beaucoup plus légers, sont en revanche plus fréquentes. On en compte une grosse dizaine par an en France. Mais pour elles, qui préfèrent les souris, reptiles ou mouches aux lapins, il ne s’agit pas de prédation. « Au printemps et au début de l’été, en période de nidification, elles protègent leurs nids et leurs œufs quand on s’en approche de trop près », assure Simon Potier. Et si la presse locale recense quelques coups de bec et de serres bien sentis, elles ont plutôt tendance à « buffeter », c’est-à-dire à venir en piqué tamponner ou gifler l’intrus. « Elles ne vont jamais attaquer un bébé en le prenant pour une proie », rassure aussi Pierre Rigaux, bien placé pour témoigner. Il est l’auteur d’une vidéo « à portée pédagogique », datant de 2021, dans laquelle il revient courir dans un bois où il a déjà été chahuté par une buse un peu mère poule quelques jours auparavant. « Elle me tamponne l’arrière de la tête avec les pattes, on voit bien qu’elle n’est pas là pour agripper, détaille l’amoureux de la nature qui avait pris soin de mettre une casquette. Elle ne m’a pas poursuivi, elle est restée dans le rayon de protection de son nid. » Les buses, ont tendance à s’en prendre aux gêneurs en mouvement. Aux « joggeurs et aux cyclistes » en particulier. Jamais aux bébés.