Sport historique des Jeux olympiques, l’haltérophilie a fait le plein ce vendredi à l’Arena de la Porte de Versailles en surfant notamment sur l’immense popularité du cross-fit avec l’ambition de capitaliser sur l’engouement du public français.
Quelques t-shirts de clubs de cross-fit côtoyaient des débardeurs laissant apparaitre des muscles saillants dans les travées de l’Arena 6 de la porte de Versailles, ce vendredi pour les concours d’haltérophilie de moins de 89kg chez les hommes et de moins de 71kg chez les femmes. L’enceinte était comble pour les deux sessions d’un sport historique aux JO (absent lors des éditions 1900, 1908 et 1912) mais à l’image un brin ringarde et vieillissante. Si la discipline a rapporté 14 médailles à la France dans l’histoire, deux seulement ont été conquises après la deuxième guerre mondiale (avec Daniel Senet en argent en 1976 chez les moins de 67,5kg, et Vencelas Dabaya aussi en argent en 2008 chez les moins 69kg).
Dans l’après-midi, les drapeaux bulgares avaient envahi la salle pour soutenir Karlos May Nasar, sacré en signant un record du monde (404kgs) alors que l’ambiance était un peu plus sud-américaine le soir pour la Colombienne Mari Leivi Sanchez (deuxième derrière l’Américaine Olivia Reeves) ou l’Equatorienne Angie Paola Palacios Dajomes. Les supporteurs français n’étaient pas en reste, portés par les promesses de potentielles médailles de Romain Imadouchène (finalement 9e) et de Marie-Josèphe Fegue (5e). La discipline s’offre une légère progression de licenciés (20.862 en 2022-23, soit plus de 3.000 par rapport à l’année précédente, selon les chiffres de la dernière AG de la discipline). “Le nombre de pratiquants augmente même si on a eu une baisse avec le Covid, mais là c’est en train de bien remonter et on espère bien profiter de l’engouement des JO pour continuer.” Un petit vent de renouveau souffle déjà, selon ses porte-drapeaux.
Blessé et dans l’incapacité de lutter pour la médaille – qu’il visait- Romain Imadouchène a mis un point d’honneur à porter haut les couleurs de son sport. “L’objectif était d’accrocher la médaille au tableau mais il était hors de question d’être éliminé pour tous ces gens qui ont fait le déplacement, le peuple français”, a-t-il lancé après son concours. “Aujourd’hui, l’haltérophilie remplit une salle de 5.000 spectateurs et c’est ma plus grande fierté et qu’on ait tous vibré ensemble, je ne l’oublierai jamais.”Le champion du monde d’épaulé-jeté en 2022 défend un sport dépoussiéré. “C’est une très belle discipline, je parle d’haltérophilie moderne, le geste a énormément évolué, les gabarits aussi, c’est pour tous en fait, ça va de moins 55kg à plus 109kg. Et voilà, je suis heureux que la France voit toute la beauté de cette discipline.”
Lui s’est définitivement mis à soulever des barres à 16 ans, quand il faisait du judo, pour se “renforcer et progresser”. “C’est un énorme outil de préparation physique, tous les sports en font pour l’explosivité, plein de choses”, ajoute le Nordiste. Le nombre croissant de salles de sport dans les villes et le culte du corps sculpté confirment l’attrait pour la fonte. Mais souvent sous une forme dérivée comme le cross-fit, cette discipline qui mêle enchaînement de force et d’endurance, à l’énorme popularité. Romain Imadouchène le reconnait.
“Le cross-fit nous a apporté une très belle visibilité, a modernisé notre discipline aussi”
“Ils remplissent des stades de foot US avec de l’haltérophilie, c’est exceptionnel et une chance de la montrer de plus en plus. L’haltérophilie progresse, de plus en plus de personnes s’y intéressent et j’espère qu’il y aura de plus en plus de jeunes qui vont pousser la porte de nos salles parce que c’est un sport exceptionnel.”
“C’est vrai qu’on travaille beaucoup avec le cross-fit, qui a aussi permis de démocratiser l’haltérophilie”, reconnaît le DTN Philippe Geiss. “Aujourd’hui comment capitaliser dessus? Le mieux pour nous est d’ouvrir largement la porte de nos clubs, de faire découvrir ce que c’est vraiment l’haltéro. Les gens vont découvrir des éducateurs compétents, une belle discipline où on se renforce. Il y a des belles valeurs à partager, on espère avoir du monde dans les clubs.”
“J’ai toujours dit que les JO à Paris étaient une formidable opportunité pour faire découvrir des sports qu’on connaît moins, et pour montrer vraiment ce que c’est”, poursuit le DTN. “Les gens ont beaucoup de préjugés, mais quand ils voient l’haltéro et qu’ils en font dans les clubs avec des éducateurs compétents, l’image change. C’est ça l’héritage qu’on doit construire maintenant.”
Marie-Joseph Fegue, qui disputait ses premiers Jeux olympiques après avoir choisi la nationalité française sur fond de conflit avec le Cameroun, distille aussi un message d’optimisme pour sa discipline et les femmes, autorisées aux JO depuis 2000 dans ce sport. Pour elle, l’engouement du public peut changer l’image de son sport. “Complètement”, acquiesce-t-elle. “On a bien vu que les filles en font. Le plus gros préjugé, c’est sur les filles avec des remarques comme ‘mais si les filles en font, elles ne pourront pas avoir d’enfants, elles ne pourront plus faire çi ou ça’. Je suis maman, donc je suis la preuve vivante que l’haltéro ça ne fait rien du tout, si ce n’est faire du bien, tout simplement.”
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