Durant tout leur mariage, Ivana s’est occupée des enfants, de la maison et a même travaillé pour son mari… sans être déclarée. A leur divorce, celui-ci, devenu millionnaire, ne lui a rien laissé. La justice vient de le contraindre à dédommager son ex-épouse.
La peine prononcée par les juges espagnols est de celles qui font date. Pour avoir été femme au foyer pendant vingt-cinq ans, Ivana Moral a obtenu 204 624 € d’indemnisation devant la justice, à la suite de son divorce. Les juges ont estimé, le 27 février dernier, que son mari lui devait réparation pour la charge domestique qu’elle avait assumé seule durant leur union. Mariés en 1995 sous le régime de la séparation de biens, l’ex-mari qui a fait fortune dans les salles de sport et la vente de matériel sportif, a acheté en son nom des biens immobiliers et des voitures de luxe et même une oliveraie de 70 hectares en Andalousie dont le terrain vaut 4 millions d’euros.
Une réussite à laquelle Ivana, 48 ans, a largement contribué. “Elle était son ombre, travaillant derrière lui pour qu’il grandisse professionnellement et devienne quelque chose, rappelle son avocate Me Marta Fuentes au quotidien espagnol El Pais. Elle s’est occupée de leurs deux filles nées en 2003 et en 2009 sans jamais embaucher personne pour la seconder.”
Le code civil espagnol prévoit que le travail domestique donne droit à une compensation
Pire, Ivana a même travaillé, sans être déclarée, dans les salles de fitness de son époux. Peu enclin à l’épanouissement des femmes de son foyer, le père de famille a refusé de payer les études supérieures de sa fille aînée. Encouragée par sa mère à ne pas renoncer à son éducation, la jeune fille a travaillé dès l’âge de 16 ans pour financer son école. En décembre 2020, à bout, Ivana demandait le divorce. Elle a alors réalisé qu’hormis leur maison principale, son mari l’avait totalement évincée de son capital accumulé au fil des années de mariage.
Une fortune estimée à plus de 6 millions d’euros. Oui, mais le code civil espagnol prévoit que le travail domestique donne droit à une compensation que le juge fixera, faute d’accord, à l’extinction du régime de séparation. Et c’est ce qui s’est passé dans cette affaire. La justice a imposé une indemnisation de 204 624 € sur la base du salaire minimum pendant 25 ans. “C’est un article de loi rarement utilisé, explique l’avocate de la plaignante. Il faudrait qu’il devienne la norme. Et il est important que le temps que de nombreuses femmes ont consacré à leur famille et non à leur vie professionnelle ait enfin de la valeur.”
“J’encourage toutes les femmes qui sont dans ma situation à ne pas jeter l’éponge”
Depuis sa séparation, Ivana a repris ses études pour obtenir un équivalent du bac, tout en travaillant comme femme de ménage. Elle a tenté des concours dans la fonction publique. Cette décision de justice et la pension alimentaire de 1 500 € mensuels attribué pour elle et ses deux filles est un vrai soulagement. Une victoire que Ivana a souhaité partager et commenter le 8 mars pour la Journée internationale des droits des femmes.
“C’est une reconnaissance légale de toute ma trajectoire. J’encourage toutes les femmes qui sont dans ma situation à ne pas jeter l’éponge et à défendre leurs droits.” Son ex a décidé de faire appel de la décision de justice. La bataille continue, mais Ivana sait qu’elle n’est plus seule.