Même si elle peut avoir des conséquences directes sur la population, l’indignation permanente aux malheurs du monde ne devrait pas conditionner une élection et encore moins devenir le seul programme de certains candidats à la fonction suprême en France. Or, de quoi parlent Jean-Luc Mélenchon et ses députés, ou le ressuscité Dominique de Villepin, à part de Gaza et du droit international ? De rien. C’est bien là le drame de l’Europe qui passe son temps, depuis des années, à s’occuper du reste du monde plutôt que de protéger ses propres intérêts avant tout.
Or, si le multilatéralisme doit être défendu certes plus que jamais dans un monde instable, il est en réalité le cadet des soucis des électeurs français, qui ont bien d’autres urgences sur le tapis : c’est ce qu’on appelle en journalisme, le principe du mort kilométrique. L’Ukraine, l’Afghanistan ou encore Gaza étant éloignés du continent américain, les citoyens des États-Unis ne s’y intéressent en réalité pas. Hors de question de dépenser davantage d’argent pour régler ces crises.
Quand l’international évince le national
On peut trouver cela irresponsable, mais il y a une certaine logique dans le raisonnement et qu’a su exploiter Donald Trump pour revenir à la Maison-Blanche. Mais pourquoi donc en France, certains n’en viennent plus à ne parler que de Gaza, en oubliant le Soudan ou la Birmanie, pour ne faire de la lutte contre la politique israélienne (tout à fait extrémiste par ailleurs, mais comment faire autrement avec le Hamas ?), pour se frayer un chemin et devenir les hommes providentiels de nos démocraties malades ? Pourquoi certains cherchent à faire de Gaza la matrice de tous les conflits, au-delà du nombre de Juifs et de musulmans en France y donnant un large écho ?
Nous nous sommes laissés bercer trop près du mur américain
La géopolitique n’est pas la seule responsable de notre situation actuelle. Certes, Trump et sa politique ont un impact direct sur l’économie qui touchera les Français, mais c’est parce qu’avant tout depuis des années, nous nous sommes laissés bercer trop près du mur américain pour nous y lover, sans jamais nous projeter dans la puissance maximale d’une vraie indépendance totale à leur égard. Délocalisations, industrialisations, exportations, libre-échange ont causé une partie de notre perte et ce ne sont pas que les « autres » qui en sont responsables. Et être obsédé par la question israélo-palestinienne pour détourner l’attention n’y changera rien.
Or, certains ont importé le conflit pour faire oublier tout le reste. Leur argument est simple : Gaza serait même un symptôme de tous les malheurs du monde. Gaza c’est Gaza, la France c’est la France ! Idem avec l’Ukraine, même si la question de la sécurité et la proximité du conflit avec l’Europe peut en inquiéter plus d’un. Le jour où le conflit arrivera dans les frontières institutionnelles de l’Union, là il sera toujours temps de se réveiller.
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Le quotidien des Français mis de côté
Si la géopolitique s’invite largement dans le programme de nos futurs dirigeants politiques, elle n’est pas le facteur décisif dans la prise de décision des électeurs. Pourtant, les candidats s’accrochent à une certaine vision du monde, oubliant souvent la priorité que doit être leur pays, pour vendre des idéaux et du« droit-de-l’hommisme » qui n’intéresse que peu le peuple au fond. Le pouvoir d’achat, le chômage, l’insécurité, la violence quotidienne, le système de santé, l’éducation, l’immigration illégale, passent au dernier plan, avec un gouvernement fantôme dirigé par un Premier ministre tout aussi transparent. En attendant, chaque semaine, ce sont des manifestations, des interventions médiatiques pour parler du Moyen-Orient et du conflit entre la Russie et l’Ukraine. Et des leaders politiques qui continuent à se voiler la face en parlant davantage d’international que d’interne !
Le cas Donald Trump est assez symptomatique de ce que nos chefs européens auraient dû privilégier depuis des années : l’Europe plutôt que le reste du monde. Le 47e président américain a été élu par les Américains, pour défendre les intérêts américains et rien que les intérêts américains, quitte à froisser, vexer, déprimer et abandonner le reste du monde, à commencer par le vieux continent. On reproche à Trump d’avoir la conviction que ce qu’il fait est bon pour les Américains (même si cela peut se discuter). Que fait en regard le président français à part essayer de sauver le monde, justement parce qu’il n’a plus aucune crédibilité nationale ?
Trump se fiche pas mal du reste du monde, nos dirigeants devraient faire de même…
Que fait la Commission européenne pour essayer de protéger les Européens désormais menacés par les taxes américaines, alors qu’elle devrait signer tous azimuts des accords ailleurs dans le monde pour essayer de préserver son économie ? Non, en attendant, elle continue à déverser de l’argent à gauche à droite dans le monde, la tête dans le sac, en attendant que l’orage passe.
Jean-Luc Mélenchon revient d’une tournée en Amérique, pour s’adresser directement à Donald Trump, mais tout cela n’est-il pas ridicule ? Dominique de Villepin caracole en tête des personnalités politiques préférées des Français parce qu’il s’insurge au quotidien contre la politique israélienne, mais quel programme aurait-il pour la France ? Trump se fiche pas mal du reste du monde, nos dirigeants devraient en partie faire de même pour répondre aux vrais besoins de leurs électeurs.
*Sébastien Boussois, Docteur en sciences politiques, chercheur monde arabe et géopolitique, enseignant en relations internationales à l’IHECS (Bruxelles), associé au CNAM Paris (Équipe Sécurité Défense), à l’Institut d’Études de Géopolitique Appliquée (IEGA Paris), au Nordic Center for Conflict Transformation (NCCT Stockholm) et à l’Observatoire Géostratégique de Genève (Suisse).
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