
Au Vatican, la cérémonie des morts a cédé la place au théâtre des vivants. Ce qui s’est joué hier relève du surréalisme. Sous la coupole de Saint-Pierre, dans la lumière vacillante des cierges et l’ombre des fresques du Bernin, tout devait être silence, recueillement, adieu. À la place, une autre scène a surgi. Autour du cercueil du pape François, en quelques minutes, les chefs d’État les plus puissants de la planète ont improvisé un sommet. Donald Trump et Volodymyr Zelensky, deux hommes que tout oppose, se sont retrouvés face à face, assis sur des chaises bringuebalantes. Loin des images du clash brutal du Bureau ovale, en février dernier. Ici, ce devait être une messe funèbre ; ce fut un huis clos diplomatique, à l’ombre des voûtes de Saint-Pierre.
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Le contraste était saisissant : à quelques mètres de la dépouille pontificale, on négociait déjà l’avenir du monde. Pas dans des salles de conférences aseptisées, pas dans des palaces feutrés, mais sur les dalles froides du plus grand sanctuaire catholique. Comme si, face à la mort d’un pape, la vie reprenait brutalement ses droits, avec ses calculs, ses manœuvres, ses jeux d’ombres et de lumières.
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Hier, au Vatican, la religion a laissé place à la géopolitique. L’éternité à l’urgence. La paix du Christ à la diplomatie des vivants. Comme si le dernier miracle du pape François avait été d’arracher, au pied de son cercueil, quelques bribes d’espérance pour un monde en guerre.
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Sur les dalles du Vatican, il n’y a pas eu de grandes déclarations, ni d’accord signé. Mais il y a eu l’essentiel : des regards, des frémissements, des gestes lourds de sens. Dans ce théâtre improvisé, chacun a avancé ses pions, sans protocole, sans traducteurs officiels, mais avec la conscience aiguë que tout pouvait basculer.
Le président ukrainien a compris qu’il fallait saisir cet instant unique pour rouvrir le dialogue
Donald Trump, d’abord. Lui qui, depuis des mois, cultivait l’ambiguïté avec Moscou, a écouté Zelensky, le visage fermé, l’œil inquiet. Le président ukrainien, lui, a compris qu’il fallait saisir cet instant unique pour rouvrir le dialogue. Pas de grandes phrases, pas de promesses, mais un message : Kiev est prêt à un cessez-le-feu, s’il trouve des alliés capables d’imposer la paix.
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Autour d’eux, Emmanuel Macron a cherché à relancer le rôle de l’Europe, multipliant les apartés et les poignées de main, tandis que Keir Starmer, le plus discret Premier ministre britannique, pesait ses mots. Et puis, cette phrase, lâchée par Donald Trump dans l’avion du retour, qui a surpris tout le monde : « Peut-être que Poutine ne veut pas arrêter la guerre, et qu’il me balade. » Pari gagnant pour Zelensky.
Ce n’était pas un sommet officiel. Mais parfois, les vrais tournants ne naissent pas autour d’une table de négociation : ils surgissent dans le flou, à la faveur d’un hasard, d’une fatigue, d’un recueillement brisé. Hier, sous les fresques de Saint-Pierre, la diplomatie a été brute, directe, humaine. Et c’est peut-être ce qui la rend, pour une fois, crédible.
Une question demeure : tout cela peut-il vraiment changer quelque chose ? Peut-on croire qu’une poignée de mains échangée au pied d’un cercueil, quelques mots murmurés dans l’ombre d’une basilique, suffiront à infléchir la trajectoire d’une guerre qui, depuis deux ans, broie tout sur son passage ? La tentation est grande de s’enthousiasmer. Après des mois d’enlisement, après tant d’atermoiements, des dizaines de milliers de morts, voir les protagonistes reparler de paix, même à voix basse, même dans le désordre, a quelque chose de saisissant.
Sur le papier, c’est un début d’ouverture. Mais dans les faits, la prudence s’impose. Car pendant que l’on échangeait des promesses en chuchotant, Moscou, elle, consolidait ses positions sur le terrain. La guerre continue, implacable, méthodique. Les lignes de front n’ont pas cédé d’un pouce parce qu’à Rome, entre deux bénédictions, on a échangé quelques formules.
Reste pourtant ce mince espoir : la guerre, parfois, bascule moins par des offensives éclatantes que par des mouvements de plaques souterrains. Hier, sous la coupole de Saint-Pierre, quelque chose a peut-être bougé. Pas encore assez pour arrêter les combats. Mais assez, peut-être, pour rouvrir une brèche. Et dans les conflits, les brèches, si minuscules soient-elles, finissent parfois par emporter les murailles. À Rome, hier, la paix n’a pas été signée. Mais elle a, peut-être, recommencé à être pensée.
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