
Des étudiants aux prélats, des séminaristes aux touristes, les Français ne manquent pas dans la Ville éternelle. Mais trouver des compatriotes venus expressément pour les funérailles du pape François est une gageure. Pour celles de Jean-Paul II en 2005, c’était la ruée vers Rome ; pour sa béatification en 2011, des trains et des cars étaient affrétés ; la messe de requiem pour Benoît XVI avait attiré des foules de Français le 5 janvier 2023.
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Cette fois, quelques équipées se montent tout de même et les infos pratiques crépitent au milieu de la nuit dans les groupes WhatsApp qui forment une petite « Françoisphère », celle de lieux comme le Dorothy, un café associatif à Paris, où l’on promeut et enseigne notamment l’écologie intégrale… François a-t-il, lui aussi, sa génération ? Il a quelques cercles fervents, mais la grande majorité des Français rencontrés à Rome avaient prévu d’y séjourner pour une autre raison, vacances ou pèlerinage prévus de longue date. C’est le cas de cette famille arrivée de Bourges, qui fait contre mauvaise fortune – la canonisation de Carlo Acutis est ajournée – bon cœur – la terrasse à la vue imprenable garantie par un ami prêtre reste d’actualité. Ils n’auraient sans doute pas fait le déplacement sinon, tout comme ces parents de trois enfants, qui confessent, embarrassés, être « plutôt de la génération Jean-Paul II », vendredi, à proximité de la Trinité-des-Monts, une des cinq églises françaises de Rome où une veillée de prière pour le repos de l’âme du pape était proposée. Très recueillie, entre lectures de textes emblématiques de François et chants soignés, elle était présidée par le cardinal Bustillo.
La veille, ce dernier concélébrait la messe à Saint-Louis-des-Français avec le cardinal Aveline, récemment élu à la tête de la Conférence des évêques de France. Mgr Aveline avait accueilli le pape « à Marseille et pas en France », selon les mots du souverain pontife, qui avait finalement lancé un « Bonjour Marseille, bonjour la France ! » aux fidèles venus l’écouter au stade Vélodrome. Cette visite avait cristallisé une relation ambivalente, ce qui a conduit l’archevêque de Marseille à jouer en défense jeudi soir : « Je sais, pape François, que tu partageais cet amour de la France et que tu voulais redonner à la France un regard qui lui fasse du bien parce qu’il la décentrait d’elle-même, un regard qui la rende apte à accomplir sa mission dans le concert des nations. Je sais que beaucoup de Français trop centrés sur eux-mêmes n’ont pas compris de quel amour paternel tu les aimais, mais je sais aussi que la jeunesse de France est en train de faire refleurir la vieille souche spirituelle de notre pays. »
« Arrêtons l’ego français mal placé, le pape aimait la France »
Pour un connaisseur de la diplomatie vaticane, c’est la ferveur populaire du voyage en Corse qui restera un souvenir majeur de cette relation riche en malentendus. Pour le reste, « tous les papes à la personnalité forte ont dérangé les gens… Mais il est vrai que la diplomatie n’a pas été son domaine le mieux maîtrisé ! » A-t-il dérouté par ses embardées ou par sa radicalité évangélique ou politique ? Bertrand, qui travaille à la Trinité, a été « secoué » par les propos du pape sur l’immigration, mais a fini par trouver l’encyclique Fratelli tutti « très équilibrée » et veut retenir un « pape de l’unité ». Blandine, de Lyon, regrette que les « tradis » aient été malmenés alors que Benoît XVI avait tracé une voie d’apaisement, mais aussi les propos pontificaux sur l’immigration : « En Argentine, ce n’est pas le même sujet ! Il a paru ignorer ce qu’il se passe chez nous… » De ce pape détonnant, elle veut malgré tout retenir le « bel héritage d’amour en actes » et en gardera l’image des lavements des pieds, symbole d’humilité, qu’il a multipliés.
Une jeune enseignante débarquée en catastrophe à Rome défend avec vigueur le « papa Francesco » : « Arrêtons l’ego français mal placé. Il a beaucoup vu la France, qu’il aimait. Et n’est jamais retourné en Argentine ! La France est la fille aînée de l’Église, mais l’Église n’est pas que la France. Comme le Christ, il a secoué les plus gâtés… Les références françaises, spirituelles et littéraires irriguent ses discours, il a aussi béatifié ou canonisé beaucoup de Français, les carmélites de Compiègne, Charles de Foucauld… Le charisme de son pontificat, c’est “todos” : pour tous ! » Le mot de la fin à sœur Abigaëlle, qui accompagne un groupe de jeunes pour la communauté des Béatitudes et tente de réconcilier les conquis et les meurtris, en défendant « la méthode jésuite » de François : « Il cherchait la limite, pour bousculer, susciter des réactions, mais dans ses écrits, il restait profondément dans la continuité de la doctrine de l’Église. » Amen !
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