
Il était un peu plus de neuf heures, jeudi matin, dans un lycée de Nantes. Des élèves s’apprêtaient à débuter leur journée de cours. L’un d’eux a sorti un couteau. Une adolescente de 15 ans est morte. L’assassin est un camarade. Il s’est acharné sur elle, 57 coups de couteau. Elle s’appelait Lorène. Ce n’était ni une dispute, ni un accident. C’était une exécution. Le crime, cette fois encore, n’est pas venu de la rue. Il a surgi du dedans. De nos écoles. De notre jeunesse. De notre société.
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Alors l’on recommence : minute de silence, cellule psychologique, déplacement ministériel. Les mêmes mots, les mêmes mines graves. On parle d’émotion, on parle de drame — comme si le lexique du chagrin pouvait tenir lieu de politique publique. Mais à force de deuils nationaux, la France devient un pays en habits noirs, marchant d’un enterrement à l’autre, une rose à la main, les yeux embués — et les poings dans les poches.
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Car la vérité est là, brutale : l’école est devenue un champ de risques. Non plus le sanctuaire, mais un lieu d’alerte, de menace, de mise en danger. Dans ce pays, désormais, un enfant peut mourir pour avoir franchi la grille d’un établissement scolaire. Voilà où nous en sommes. Combien de Lorène encore ? Combien de cercueils faudra-t-il avant qu’un ministre se lève, non pour lire un texte, mais pour décider, pour frapper, pour prévenir, pour protéger ? L’émotion, oui. Mais l’émotion seule est une lâcheté si elle n’est pas suivie d’action. Le réel ne demande pas nos larmes. Il exige nos lois.
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Le mot a longtemps été honni, repoussé, contesté. « Ensauvagement » serait un mot tabou, un mot sale, un mot interdit. Ce serait une exagération, une vue de l’esprit. Mais il suffit d’ouvrir les yeux : c’est le mot juste. Le seul mot juste. La violence ne se contente plus d’exister : elle déborde. Elle infiltre tout, partout, tout le temps. Elle est brute, crue, gratuite. Elle surgit dans une salle de classe, dans un bus, à la sortie d’une fête, dans un hôpital, dans une église.
L’ensauvagement, ce n’est pas un concept. C’est une élève de 15 ans poignardée dans sa classe. C’est un professeur exécuté devant ses élèves. C’est un garçon de 16 ans tombé dans un village de la Drôme, frappé comme un chien. C’est notre quotidien qui s’effondre. On nous parle de “faits divers”. Mais il n’y a plus de divers : il n’y a plus que du répétitif, de l’ordinaire, du prévisible. L’ensauvagement est devenu la bande-son funèbre de la France contemporaine.
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À chaque fois, les signaux étaient là : une fascination pour le plus horrible des criminels du XXe siècle, un manifeste délirant, des alertes lancées, des cris étouffés. À chaque fois, on savait. À chaque fois, on n’a pas voulu voir. Pourquoi ? Parce que les institutions plient sous le poids de leur propre faiblesse. Parce que, dans cette France qui tremble, mieux vaut minimiser, relativiser, attendre que le pire soit passé. Mais à ce jeu-là, c’est toujours la barbarie qui gagne. C’est elle qui avance et détruit. Et c’est la France qui recule. Mais quand un pays abandonne ses enfants à la violence, il n’est plus très loin d’abandonner son avenir.
Face à cette réalité, que faut-il attendre désormais des responsables politiques ?
Le temps des constats est terminé. Il n’y a plus rien à diagnostiquer : tout est sous nos yeux. Et il n’y a plus d’excuse pour ne pas agir. Chaque mort en est la preuve : nous ne sommes plus dans l’accidentel, mais dans le systémique. Dans un pays où des enfants tombent dans les écoles, les discours d’émotion ne sont plus qu’une forme d’imposture. Depuis des années, les gouvernements promettent : plus de moyens, plus de psychologues, plus d’écoute. Mais les promesses, comme les fleurs déposées devant les grilles, ne ramènent pas les morts.
Protéger n’est pas une option. C’est la première mission d’un État digne de ce nom. Cela passe par des mesures claires : sécuriser les établissements, former les personnels, expulser les fauteurs de troubles, rétablir l’autorité jusque dans les moindres recoins du pays. Et frapper vite, frapper fort, chaque fois qu’un signe de bascule apparaît. Car il ne s’agit plus d’éviter la colère. Il s’agit d’éviter l’effondrement.
Un pays qui ne protège plus ses enfants n’est plus un pays : c’est un territoire livré à la violence, à la peur, au chaos. À Nantes, ce n’est pas seulement une jeune fille qui a été tuée. C’est un avertissement qui a été lancé. Un avertissement que nous entendrons — ou que nous paierons. La France est à un carrefour. Elle se redressera. Ou elle tombera.
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