C’est un refrain désormais bien connu dans les couloirs des mairies, des préfectures et des conseils régionaux : « Il y avait un projet. Et puis les Verts sont arrivés. » Une petite musique qui résonne désormais jusqu’aux sommets de l’industrie. Dernier exemple en date : Olivier Andriès, directeur général de Safran, a lâché une bombe à l’Assemblée nationale en déclarant qu’il ne voulait plus investir dans les villes dirigées par des écologistes. En cause, l’accueil glacial – voire franchement hostile – reçu par le groupe lors de l’ouverture d’une fonderie à Rennes. « Si c’est pour se faire accueillir par des tomates, ce n’est pas la peine, je ne le ferai pas », a-t-il lancé. Avant de conclure, sans détour : « Je bannirai une offre faite par une ville détenue par une majorité écologiste. »
Ce coup de semonce, rare dans la bouche d’un grand patron français, illustre un malaise plus profond : celui d’une écologie politique devenue un facteur de blocage. Fini le temps des grands projets comme totems politiques ; désormais, chaque mètre carré de béton est suspect, chaque investissement privé un possible cheval de Troie capitaliste. Résultat : des projets industriels ou d’infrastructures sont stoppés net. Motifs invoqués : protection de la biodiversité, lutte contre l’artificialisation des sols, réduction des émissions de CO2. Bilan : des centaines de millions engloutis, des milliers d’emplois partis en fumée.
Le cas d’école : Notre-Dame-des-Landes
Difficile de ne pas commencer par lui. L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, imaginé dans les années 1970 pour désengorger celui de Nantes Atlantique, devait générer plus de 3 000 emplois directs. Montant estimé du projet : 580 millions d’euros. Après des décennies de rapports publics, de commissions et de recours, le gouvernement finit par jeter l’éponge en 2018. Une victoire éclatante pour les élus EELV et leurs alliés. Coût pour les finances publiques : 300 millions d’euros partis en fumée. Ce renoncement a fait jurisprudence : il a offert une méthode, un espoir et un précédent à toutes les oppositions vertes du pays.
L’un des secteurs les plus marqués par ce virage est sans doute celui des transports. À Toulouse, la troisième ligne de métro (TAE), pensée pour désengorger une métropole saturée, avance à pas lents. Coût : 3 milliards d’euros. Retards en série, inflations budgétaires, divergences sur le tracé : les élus écologistes, qui privilégient tramways et RER métropolitains, pèsent lourd dans la balance. Pendant ce temps, les emplois du chantier restent théoriques. Même scénario sur les routes. À Annecy, un projet d’élargissement de la RD 1508 est arrêté net. À Strasbourg, le Grand contournement ouest a bien été construit, mais au prix d’un bras de fer juridique et politique long de plusieurs années.
Et comment ne pas évoquer l’A69, cette autoroute entre Toulouse et Castres qui cristallise aujourd’hui l’opposition écologiste ? Jugé destructeur d’écosystèmes, bruyant, inutile face à une ligne ferroviaire existante, ce tronçon a suscité manifestations, actions militantes et recours en cascade. Pourtant, 3 500 emplois étaient annoncés pour la seule phase de chantier, et le coût dépasse déjà le milliard d’euros. Là encore, derrière les ralentissements, des élus convaincus qu’il faut rompre avec la logique du « tout voiture ».
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D’autres projets d’envergure ont connu le même sort. À Plaisance-du-Touch, près de Toulouse, le centre commercial Val Tolosa, 65 000 m², 150 boutiques, 2 000 emplois à la clé, devait devenir un pôle économique régional. Coût total : 350 millions d’euros. Mais l’opposition écologiste locale, épaulée par des collectifs citoyens, l’a méthodiquement torpillé. Trop bétonné, trop énergivore, trop « XXe siècle ». En 2021, le permis de construire est alors annulé définitivement.
Une écologie du blocage ?
Amazon aussi a vite compris la musique. Fos-sur-Mer, Petit-Couronne, Montbert : à chaque fois, la firme de Seattle promettait des centaines d’emplois, des investissements massifs et un effet d’entraînement pour les territoires. Mais les projets se sont heurtés à la même mécanique : élus verts hostiles et recours en pagaille. Résultat : permis de construire refusés, chantiers annulés. À Montbert, ce sont 120 millions d’euros qui se sont évaporés. À Grigny, en Essonne, un parc d’activités mixte prévoyait 800 emplois. Il est aujourd’hui gelé. Même logique à Bordeaux où Pierre Hurmic a enterré les jardins de l’Ars, un projet immobilier mêlant bureaux et logements. À Lyon, plusieurs ZAC sont gelées. À Paris, la tour Triangle sort enfin de terre, après une décennie de blocages.
Et l’industrie du loisir n’est pas mieux lotie. À Saint-Père-en-Retz, en Loire-Atlantique, un projet de surf park avec vague artificielle faisait miroiter 200 emplois et une manne touristique. Mais l’argument écologique l’a emporté : une vague trop éloignée de l’océan, une consommation d’eau jugée excessive, un site trop artificialisé. La majorité écologiste nantaise a sifflé la fin de la partie. Montant du projet : 35 millions d’euros. Aujourd’hui, seuls quelques panneaux résistent encore au vent.
Chaque décision s’appuie sur une logique : moins d’artificialisation, plus de végétalisation. Changer de modèle, soit. Mais faut-il pour autant saccager ce qui fait encore tenir debout l’économie de ce pays ? À force de brandir l’écologie comme un étendard moral, certains élus en ont fait une véritable tartufferie, où la vertu proclamée masque une réalité brutale : des entreprises découragées, des investissements anéantis, des emplois sacrifiés. Sous couvert de « transition », on sabote. Sous prétexte de « résilience », on renonce. L’écologie politique, dans sa version actuelle, ne construit rien : elle interdit, elle bloque puis elle condamne.
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