Si L’Amour c’est surcoté coche toutes les cases du genre qu’il visite, il se révèle rafraîchissant. D’abord parce qu’il est générationnel et met en scène des personnages peu familiers des comédies romantiques ; ensuite parce qu’il y a là du talent à revendre, à commencer par celui de son réalisateur venu du stand-up, Mourad Winter, également écrivain. Ce premier long métrage est l’adaptation de son premier roman éponyme paru chez Robert Laffont en 2021, l’histoire d’un mec de cité aussi à l’aise pour déclarer sa flamme qu’un petit bourgeois du 16e pour incendier des voitures un soir du 14-Juillet. Allons-y gaiement sur les clichés, le cinéaste ne se gêne guère lui, qu’il s’agisse d’y trouver matière à rire ou de les déconstruire, et c’est l’un des points forts de son récit salué par des applaudissements nourris en janvier, au Festival de l’Alpe d’Huez.
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On y suit donc Anis (Hakim Jemili), trentenaire goguenard et attachant mais « diagnostiqué nul avec les meufs » depuis son plus jeune âge. Lors d’une soirée en boîte, il flashe sur Madeleine (Laura Felpin), une vingtenaire mignonne, drôle et entière tenant le vestiaire de l’établissement. À sa sortie, au risque de se prendre une veste, il revient sur ses pas puis obtient dans la foulée les huit premiers chiffres de son « 06 ». Après avoir cumulé les appels et les textos infructueux, il tombe par chance sur le numéro gagnant.
Un duo touchant
Une complicité encouragée par leur sens commun de la repartie naît entre eux. Mais, pour ce qui est de décrocher le gros lot, l’affaire se corse, le timide étant empêché par son affection : la peur de s’engager, de souffrir, sentiment exacerbé par la perte, trois ans auparavant, de l’un de ses amis d’enfance, que le spectateur rencontre au détour de flashbacks. Cela fait beaucoup pour un seul homme. Le film conjugue un peu maladroitement la déveine sentimentale de toujours et ce traumatisme récent. Il eût sans doute été préférable de choisir entre les deux, d’autant que, sur le défunt, il en dit trop ou pas assez. Ses rôles secondaires hauts en couleur n’en sont pas moins bien croqués, surtout Paulo (excellent Benjamin Tranié), le plus embarrassant de la bande de potes, qui en matière de politiquement correct se distingue par sa discrétion.
Rafraichissante audace
Le réalisateur ose beaucoup : les juifs, les Arabes, les Africains, les homos, les personnes transgenres, tout le monde y passe ou presque. Une audace réjouissante dans une société où le « rire ensemble », ô combien révélateur, devient de moins en moins évident. On assiste ici à un festival de répliques désopilantes lancées sans crier gare avec un humour décomplexé, qualifiable de banlieusard. Mais L’Amour c’est surcoté séduit aussi par sa pertinence et la tendresse qui s’en dégage. Si le culte de la vanne est solidement ancré chez son héros maladroit, il relève tout autant de la pudeur et du palliatif. « C’est un pansement. On ne soigne pas une hémorragie avec un pansement », lui dira Madeleine lors d’un long trajet en voiture, l’amenant peu à peu à assumer et exprimer ses fragilités.
Mourad Winter démonte ainsi le socle du virilisme crétin. Quant à l’amour, osez ! clame entre les rires sa comédie romantique drôlement touchante pouvant compter sur un duo épatant et complice comme une paire de baskets.
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L’Amour c’est surcoté ★★★, de Mourad Winter, avec Hakim Jemili, Laura Felpin. 1 h 37. Sortie mercredi.
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