
Les prisons françaises deviennent-elles le théâtre d’un nouveau type de guerre intérieure ? En l’espace de quelques jours, onze établissements pénitentiaires ont été visés : tirs d’armes de guerre, incendies ciblés, revendications anonymes signées d’un groupuscule émergent baptisé « DDPF », pour Défense des droits des prisonniers français. Une violence brutale, millimétrée, presque militaire. Et derrière les balles, un brouillard stratégique : qui tire ? Et au nom de quoi ?
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Un parfum de poudre
Il y a d’abord ce nom, « DDPF », apparu sur des canaux chiffrés de Telegram, porté par un discours truffé de rhétoriques autonomes : dénonciation de l’État carcéral, appels au sabotage, références aux prisonniers politiques. Un lexique ancien, recyclé. Mais les mots ont un parfum de poudre. Car les actes, eux, relèvent moins du manifeste que du commando. À Toulon-La Farlède, dans la nuit du 14 avril, quinze balles de kalachnikov sont tirées sur la porte d’entrée. L’agente de permanence n’a eu la vie sauve que par miracle. À Villepinte, ce sont les voitures personnelles des surveillants qui sont incendiées.
Dans la foulée, à Rennes, jeudi 17 avril, le chaos en plein jour. En fin d’après-midi, dans le quartier de Maurepas, une voiture s’arrête, des hommes cagoulés en sortent, kalachnikovs en main, et tirent à la volée. Des images qui ne sont plus tout à fait inédites tant celles-ci se répètent… Quatre blessés : trois par balle, dont un mineur de 16 ans, un autre percuté par le véhicule en fuite. La scène relève du grand banditisme. Aucun lien formel n’a été établi avec les attaques contre les prisons, mais les renseignements notent des convergences troublantes : mêmes calibres, méthodes expéditives, brutalité assumée. Celles que l’on attribue déjà au narcotrafic.
Il y a d’un côté l’ultragauche, de l’autre le crime organisé
La violence de cette semaine, pour les autorités, ne relève plus de l’accident isolé, mais d’un possible tournant. « On aurait tort d’y voir une simple attaque contre nos prisons, confie un ministre régalien. C’est une bascule. Une jonction inédite. » Deux mondes éloignés qui se croisent : d’un côté, il y a l’ultragauche, familière des thèses antirépressives ; de l’autre, les réseaux criminels organisés, bien décidés à ne plus laisser l’État toucher à leurs intérêts. Ce qu’ils partagent ? Une même haine viscérale de l’ordre et de l’autorité. Le garde des Sceaux, Gérald Darmanin, s’est rendu à Toulon mardi 15 avril. Il a parlé de « tentative de déstabilisation de l’État ». Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, appelle à ne pas céder à la panique, mais l’expression est là, en coulisses : « terrorisme hybride ».
Des cibles précises
Une menace neuve, qui déjoue les grilles de lecture : ni tout à fait politique, ni seulement criminelle, mais les deux à la fois. Et d’autant plus redoutable qu’elle ne dit pas son nom. Un terrorisme sans idéologie fixe, mais avec une méthode. Un combat sans drapeau, mais avec des cibles précises.
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Frapper une prison n’est pas anodin. C’est s’en prendre à un lieu où l’État exerce directement son autorité, sans intermédiaire. Là où se concrétise la peine, où s’incarne la sanction. Dans un contexte où la police, la justice et les institutions politiques sont régulièrement remises en cause, l’attaque d’un établissement pénitentiaire prend une dimension particulière. Ce n’est plus seulement une contestation venue de l’intérieur des cellules. C’est une offensive menée contre elles.
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