Le « bayrouisme » est décidément un sentier tortueux que les Français ont bien du mal à suivre. Ainsi le Premier ministre atteint-il un record d’impopularité à 75 % de mécontents (+2) pour 25 % de satisfaits (-2) quand, au même stade de leur mandat, Élisabeth Borne ramait à 27 %, Barnier surnageait à 36 % et Attal surfait à 40 %. Il faut replonger trente ans en arrière pour retrouver un tel grain, Alain Juppé, en septembre 1995, encaissant l’effet dans l’opinion d’une hausse de deux points de la TVA.
Là où le Premier ministre revendique de ne pas imposer ses arbitrages pour laisser les parlementaires trouver un consensus, les Français lui reprochent « une absence de cap » pour les uns, « de changer d’idée » pour les autres, davantage habitués à un chef de gouvernement menant sa majorité à la schlague.
Quand François Bayrou s’attelle à faire avancer des textes de loi laissés en jachère par ses prédécesseurs, pacte agricole, textes sur la fin de vie et les soins palliatifs, loi de simplification, proposition de loi sur le narcotrafic ou sur la délinquance des mineurs, les Français l’accusent « d’inaction », « de ne rien faire »… Habitués qu’ils sont au spectacle de grands projets clivants occupant tout l’espace et le temps politique, à l’image de la réforme des retraites ou de la loi immigration.
Quand François Bayrou dresse le tableau accablant de l’état des finances de l’État, promettant des efforts et des sacrifices churchilliens, les Français lui reprochent le verdict implacable des chiffres : « Il nous reproche de ne pas travailler assez ! » Et il a raison : les instituts d’étude Insee ou Rexecode établissent que sur un an, un salarié français à temps complet travaille 1 673 heures, l’Allemand, 1 790 heures, sans parler du temps partiel, plus développé en France qu’outre-Rhin.
Quand François Bayrou ménage les oppositions, socialiste ou RN, considérant que la légitimité du vote ne se discute pas, les Français lui reprochent de « tout faire pour durer », habitués qu’ils sont à voir défiler les Premiers ministres (quatre en moins d’un an). Ainsi le Premier ministre se retrouve-t-il plus impopulaire que le président – cela n’était arrivé ponctuellement qu’une seule fois à Élisabeth Borne au début de son mandat –, Emmanuel Macron poursuivant sa lente, mais constante remontée à 28 % de satisfaits (+4). Sept points de pris depuis janvier, c’est Byzance ! Le président retrouve son socle de premier tour, grimpe chez les cadres à 36 % et les dirigeants d’entreprise à 40 %, sans parvenir en revanche à renouer avec les employés (21 % de satisfaits) et les ouvriers (23 %). Oubliée la dissolution, les Français ne la mentionnent plus, et jugent le président à la place qui le distingue de tous les autres : l’international.
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Un terrain qui lui permet de renouer avec les vertus du macronisme. Action : « Il recherche des solutions », « Il se bouge ». Réaction : « Il a tout de suite répondu à la hausse des droits de douane. » Et bien sûr distinction : « Il tient son rang », « Il manœuvre bien avec Trump d’un côté et Poutine de l’autre ». À 72 % de mécontents (-4), il n’y a pas de quoi s’emballer non plus, mais Emmanuel Macron peut se satisfaire d’un retour à la normalité. Il est à un niveau d’impopularité équivalent à celui de Jacques Chirac pendant son second mandat, et même moins rejeté que François Mitterrand dans sa deuxième partie de règne.

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