Dans un contexte d’investissements locatifs en net recul, l’UNPI (Union nationale des propriétaires immobiliers) tire la sonnette d’alarme et dévoile son dispositif fiscal universel censé remotiver les propriétaires bailleurs sans creuser la dette « déjà abyssale » de l’État.
Le JDD. Dans quel état d’esprit sont les propriétaires bailleurs privés, alors qu’ils sont de plus en plus pressurisés, en particulier par les mesures environnementales leur interdisant la location des logements classés G depuis le 1er janvier ?
Sylvain Grataloup. Depuis plusieurs années, les propriétaires traversent des phases différentes mais progressives. Dans un premier temps, leurs revendications portaient sur un juste équilibre dans les relations entre bailleurs et locataires, considérant que les locataires n’avaient que des droits. Ces revendications persistent toujours, mais elles se conjuguent désormais à deux facteurs importants. Les propriétaires souffrent d’une fiscalité délirante qu’ils ne comprennent pas, compte tenu de leur rôle dans la société, et ils ont beaucoup de difficulté à accepter les mesures imposées en matière de rénovation énergétique, en raison du coût et des sanctions liées à l’absence de rénovation. Les propriétaires sont en colère et découragés.
Savez-vous si de nombreux propriétaires, découragés par les travaux à réaliser, mettent en vente leur logement ?
Les propriétaires seraient prêts à faire des travaux, mais ils prennent de plein fouet l’instabilité législative et l’insécurité technique liée à un diagnostic peu fiable. En outre, le coût des travaux est très élevé, et un certain nombre de propriétaires entendent renoncer et vendre leur bien. La vente de leur bien est liée à la réunion de tous les facteurs décourageants (déséquilibre entre locataire et bailleur, fiscalité délirante, rénovation trop difficile…).
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« Les propriétaires sont en colère et découragés »
Les ventes à destination des propriétaires bailleurs ont diminué ces derniers mois. Moins d’attrait, semble-t-il, entre taux bancaires plus élevés, encadrement des loyers dans de nombreuses villes… S’agit-il d’un phénomène passager selon vous, ou existe-t-il un vrai risque de voir la situation se dégrader davantage ?
La situation est grave et inquiétante, surtout s’il n’y a pas de mesures prises rapidement. Parmi ces mesures, certaines devraient pouvoir redonner confiance aux propriétaires dans leur investissement. Mais surtout, il est impératif que le modèle soit repensé, et c’est en ce sens que l’UNPI a proposé deux dispositifs fiscaux : le « dispositif fiscal universel des revenus locatifs » et le « Statut des Foncières Intermédiaires des Territoires ». Ces deux modèles devraient permettre à l’État de moins s’engager financièrement, tout en permettant aux propriétaires de retrouver confiance et une assise financière juste. Mais ces dispositifs ne sont pas suffisants et ne peuvent produire leur plein effet s’ils ne sont pas accompagnés de réformes profondes.
La première est évidemment la réforme de la loi du 6 juillet 1989 relative aux baux d’habitation, qui doit être totalement repensée pour la rendre plus simple et plus juste. L’encadrement des loyers est un mécanisme pervers qui ne produit pas les effets escomptés, et surtout qui appauvrit les propriétaires, lesquels se retirent du marché locatif. Il y a aussi le permis de louer, qui commence à s’étendre de manière désordonnée. Si tout n’est pas repensé avec une politique du logement inscrite dans le long terme, l’aggravation de la situation est inévitable.
Les lois semblent plus favorables aux locataires qu’aux propriétaires. Beaucoup se plaignent des difficultés à se débarrasser d’un locataire mauvais payeur. Que faire ? Comment simplifier les choses ?
Il est évident qu’il y a un déséquilibre significatif entre le bailleur et le locataire. Il y a deux lectures de la situation. D’une part, les locataires de mauvaise foi qui savent utiliser une législation favorable et parviennent à se maintenir dans les lieux plusieurs mois, voire plusieurs années, sans payer un quelconque loyer. C’est une tragédie pour le bailleur, qui, lui, ne voit pas suspendus le paiement de la taxe foncière, de ses charges, de ses impôts et de ses crédits. D’autre part, lorsque le locataire est de bonne foi, la cause est plus délicate, car les arriérés locatifs sont alors liés à un pouvoir d’achat fragilisé. Pour autant, ce n’est pas aux propriétaires d’assumer les conséquences d’une croissance économique inexistante.
« L’encadrement des loyers, présenté comme une mesure soutenant le pouvoir d’achat des locataires, est en réalité supporté par les propriétaires seuls »
L’encadrement des loyers, présenté comme une mesure soutenant le pouvoir d’achat des locataires, est en réalité supporté par les propriétaires seuls, alors même que ce serait à l’État d’assumer cette situation économique dont il est le seul responsable. Par ailleurs, les procédures sont bien trop longues et mériteraient d’être totalement réformées. Il est inacceptable qu’il faille plusieurs années pour régler ce type de problème.
Vous appelez à un nouveau statut pour les propriétaires bailleurs. La ministre du Logement elle-même a confié une mission à deux parlementaires sur le sujet. Que proposez-vous précisément ?
L’UNPI a constitué un groupe de travail dès le mois de janvier, à la suite d’un engagement pris avec le ministre du Logement, de fournir un rapport au printemps. L’engagement a été tenu, d’autant plus que l’UNPI est la seule association légitime pour représenter les propriétaires en général, et les propriétaires bailleurs en particulier. Pour autant, c’est ensemble que le projet doit être porté. Le dispositif proposé est double : il s’agit d’un dispositif fiscal universel des revenus locatifs, fondé sur le mécanisme de l’amortissement du bien, d’une part, et des travaux, d’autre part. Le dispositif est simple, neutre et universel.
L’autre mécanisme concerne une catégorie de bailleurs professionnels dont le métier est d’être entrepreneur. Il s’agit de reconnaître le statut de « Foncières Intermédiaires des Territoires ». Leur rôle est essentiel sur les territoires, car il permet la production de logements par la rénovation de l’existant (surélévation, dents creuses, divisions foncières…) et la création d’emplois. Les deux parlementaires vont s’appuyer sur ce travail pour proposer un dispositif dont les bailleurs ont impérativement besoin.
Ce dispositif fiscal universel des revenus locatifs peut-il vraiment être efficace, au point de redonner envie aux Français de devenir bailleurs ?
Non seulement ce dispositif va alléger la charge fiscale des propriétaires bailleurs, et ne sera pas conditionné à de nombreuses niches, mais il va aussi permettre à l’État de moins dépenser afin qu’il puisse se concentrer davantage sur sa mission régalienne, c’est-à-dire s’occuper des plus fragiles. Par exemple, si l’on retient un appartement à Paris de 75 m² à 9 800 euros le m², soit un capital de 735 000 euros avec une rentabilité brute de 3,5 %, on obtient un revenu locatif d’environ 25 725 euros. Avec le nouveau dispositif, on amortit 588 000 euros sur 40 ans (2 % par an), outre 20 000 euros de travaux. L’économie d’impôt est de 6 938 euros par an pendant 40 ans, en régime de croisière sans travaux. Elle est de 7 410 euros par an pendant 20 ans après travaux, à comparer aux 940 euros d’économie d’impôt actuels. L’année des travaux, l’État gagne 2 029 euros.
« Nous traversons une période bien singulière, avec une instabilité politique extraordinaire »
L’avenir de ce projet n’est-il pas lié à la présidentielle de 2027 ? Rien ne peut se faire avant ?
Il est vrai que nous traversons une période bien singulière, avec une instabilité politique extraordinaire, qu’il s’agisse du pouvoir exécutif mais aussi, et surtout, du pouvoir législatif. Nous approchons de deux échéances électorales essentielles : les municipales et la présidentielle. Compte tenu de ces deux échéances, sauf à ce que le gouvernement se maintienne, il sera difficile d’envisager une politique du logement sur le long terme. Pour autant, un certain nombre de mesures essentielles peuvent être prises, en l’occurrence le dispositif fiscal universel des revenus locatifs. Il reste à savoir si l’élection présidentielle, dont les cartes ont été redistribuées par la décision du tribunal correctionnel de Paris, permettra de faire émerger une majorité responsable et courageuse, capable de réformer. À ce jour, il est difficile de le prévoir.
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