La cour du palais de l’Élysée s’anime d’une foule joyeuse et peu habituée des lieux, ce mardi 15 avril au soir. Six ans jour pour jour après l’incendie tragique de Notre-Dame de Paris, une centaine d’artisans et de personnalités ayant œuvré à la restauration de la cathédrale sont conviés par la présidence pour recevoir les plus hautes décorations de la République française : la Légion d’honneur et l’ordre national du Mérite.
Voulue par le président Emmanuel Macron, cette cérémonie célèbre une « promotion spéciale » annoncée en janvier dernier, composée de cent convives soigneusement sélectionnés pour représenter les plus de 2 000 personnes ayant travaillé à ce que beaucoup qualifiaient de « chantier d’une vie ».
Émotion et fierté
« Le choix a été fait en croisant plusieurs indices : la diversité professionnelle, mais aussi la diversité géographique. L’ensemble des corps de métier, charpentier, ferronnier, cordiste, restaurateurs sera représenté », expliquait l’entourage du président la veille de l’événement. Deux tiers d’entre eux seront décorés de l’ordre du Mérite, un tiers la Légion d’honneur. Tous seront faits chevaliers, à l’exception de Philippe Jost, à la tête de l’établissement public et déjà officier de la Légion d’honneur pour sa carrière d’ingénieur de l’armement. : il sera quant à lui élevé au rang de commandeur.
« C’était une sublime aventure humaine et le fait qu’on soit tous là aujourd’hui me rend très ému »
« Le fait d’être à l’Élysée, de recevoir cette décoration, c’est un aboutissement, un accomplissement pour nous tous. C’est une page qui se tourne avec cette cérémonie… » souligne Philippe Jost, qui patiente dans la cour du palais présidentiel. À ses côtés, Rémi Fromont, architecte en chef des Monuments historiques, était l’un des deux bras de Philippe Villeneuve, « l’architecte en chef en chef ».
Le bras droit est venu en famille, et rappelle le soutien précieux de sa femme et de ses enfants tout au long de ces années intenses. « C’est un beau clap de fin pour ce chantier qui était exemplaire. C’était une sublime aventure humaine et le fait qu’on soit tous là aujourd’hui me rend très ému », confie Rémi Fromont. Derrière lui, ses trois enfants jettent des regards emplis de fierté sur leur père, dont la veste s’ornera bientôt de la croix de la Légion d’honneur.
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Discours d’Emmanuel Macron
« Chers amis, vous avez été à la hauteur de notre passé ». Avec un certain retard sur l’horaire annoncé et après la diffusion d’un court film-souvenir dont il est curieusement lui-même la voix off, Emmanuel Macron se lance dans un de ses exercices préférés : célébrer cette réussite qui est aussi la sienne, exalter encore une fois l’excellence et « la fierté française » d’un « peuple de bâtisseurs ».
La voix du président de la République claque et manque alternativement de s’éteindre dans un murmure quand il baisse le ton. Sous les lustres monumentaux de la salle des fêtes de l’Élysée, les récipiendaires sont suspendus aux lèvres d’Emmanuel Macron. « Chaque homme et chaque femme étaient nécessaires », proclame le chef de l’État, qui remercie un par un tous les corps de métiers ayant œuvré sur la Dame de Pierre, des maîtres verriers, qui ont « sauvé la prunelle des yeux de la cathédrale », aux charpentiers, dont le travail a « donné une nouvelle boussole à beaucoup ».
« Vous êtes un lien entre le passé et le présent, entre les Français et leur héritage […] À jamais, vous êtes la génération Notre-Dame »
Dans l’assemblée, l’émotion est palpable. Les visages sont graves, les têtes acquiescent. Ces mots ont déjà été entendus mais la reconnaissance témoignée prend une résonance différente, sous les ors de la République. « Vous êtes un lien entre le passé et le présent, entre les Français et leur héritage. […] À jamais, vous êtes la génération Notre-Dame. »
Remise des décorations
Le bref discours terminé, place à la remise des décorations. Sous les applaudissements, les seize premiers récipiendaires montent sur l’estrade. « Vincent Combe, au nom de la République française, nous vous faisons chevalier de l’ordre national du Mérite », clame Emmanuel Macron. Après avoir agrafé la décoration au revers de la veste de l’heureux élu, quelques mots, un sourire et une accolade sont échangés. Arrive le tour de Philippe Jost. Un grand sourire aux lèvres, le président lui passe autour du cou le grand cordon rouge, sous un véritable tonnerre d’applaudissements.
Le Premier ministre, François Bayrou, la ministre de la Culture, Rachida Dati, le recteur de Notre-Dame de Paris, Mgr Ribadeau-Dumas, le général Thierry Burkhard, chef d’état-major des armées, la maire de Paris, Anne Hidalgo, ou encore le général Arnaud de Cacqueray, commandant de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris, sont invités à monter sur scène afin de remettre à leur tour les décorations. « C’est la dream team, ici », souffle un haut gradé à Rachida Dati. Vague par vague, les cent invités se voient remettre leur décoration, bleue ou rouge. Un moment solennel et joyeux, ponctué de salves d’applaudissements, manifestement plus nourries pour des personnalités particulièrement appréciées.
Retrouvailles
Les bâtisseurs sont désormais chevaliers et l’émotion se lit dans leurs yeux, qui regardent avec fierté la croix qui orne désormais leur poitrail. Une photo de groupe réunit une dernière fois tous les bâtisseurs de cathédrales, groupés autour du président de la République. « Ce sont les retrouvailles avec tous les vieux copains, on est heureux de se revoir six mois après la réouverture », nous glisse un charpentier. Un plantureux buffet s’ouvre pour se remettre de ses émotions : à cette aventure exceptionnelle, qui se poursuit d’ailleurs pour ceux qui mènent les dernières phases du chantier, ils ont ajouté un chapitre inoubliable.
Le mot de la fin revient à Rémi Fromont : « Être reçus tous ensemble, c’est magnifique. On a travaillé d’arrache-pied pendant des années et être reconnus ainsi au plus haut niveau de l’État, c’est ce qui me touche profondément. […] Notre-Dame, c’est la France, c’est le cœur de la France qui était touché avec l’incendie, et là, le cœur rebat ! C’est ce qui nous porte vraiment, et c’est très émouvant, oui… »
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