Le JDD. La première partie de votre livre dresse les défaillances du renseignement israélien. Comment les services de l’État hébreu n’ont-ils pas pu anticiper une telle attaque ?
Pierre Rehov. Il y a eu beaucoup d’arrogance de la part de l’armée israélienne, avec la certitude qu’une telle attaque n’arriverait jamais. Dans le même temps, le Hamas a joué la carte de la duperie avec Israël, en se montrant coopératif à plusieurs reprises dans les mois qui ont précédé le 7-Octobre. Mais la véritable faille, c’est ne s’être appuyé que sur le facteur technologique au détriment du facteur humain, avec cette barrière électronique à 250 millions de dollars… écrasée par des tracteurs.
La technique est nécessaire, évidemment, mais sans l’humain, elle devient inutile. Vous pouvez vous retrancher derrière des drones, derrière la guerre électronique ou l’intelligence artificielle, mais, face à des tracteurs, tout cela ne sert plus à rien.
En plus d’avoir échoué à anticiper l’attaque du 7-Octobre, l’armée israélienne a mis un certain temps à intervenir dans les zones attaquées et conquises par le Hamas…
P.R. Tout à fait. Une grande partie des habitants des kibboutz attaqués et les personnes présentes sur le festival Nova se sont senties abandonnées par l’armée. Le fait est que l’état-major israélien a mis du temps à prendre conscience de l’ampleur de l’attaque, là-encore par ce que l’idée de voir des milliers de terroristes s’infiltrer sur le territoire n’a jamais été jugée crédible. Il y a eu un concours de circonstances globales qui a poussé l’armée israélienne à se comporter de la pire façon de son histoire !
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La riposte, elle, a été violente. Votre livre s’attarde sur les incroyables opérations secrètes menées par les services de renseignement israéliens, notamment le piégeage des bipeurs du Hezbollah ou l’assassinat d’Ismaël Hanyeh à Téhéran…
Stéphane Simon. Cela montre d’abord la façon dont Israël a pénétré les arcanes du régime iranien, le Mossad est parfaitement à l’aise chez les mollahs. Hanyeh a été tué au cœur du palais présidentiel iranien, non pas par un missile, mais par l’explosion d’une bombe placée dans sa chambre. Cela montre le degré de sophistication de ce type d’opérations, et peu de services secrets, dans le monde, sont capables d’un tel exploit.
L’opération des bipeurs, au Liban, a des airs de dystopie. Comment organise-t-on une telle mission ?
S. S. Cette opération a pris dix ans. C’est une infiltration lente et progressive, une analyse parfaitement exhaustive du fonctionnement du Hezbollah, qui a permis de frapper, au bon moment, et de façon quasi définitive. Il faut aussi comprendre que les services de renseignement israéliens fonctionnent avec une liberté que peu de services possèdent, avec une vision presque messianique, où seule la fin justifie les moyens.
P. R. Il faut savoir que, sur la question des bipeurs, l’opération aurait pu capoter ! Quelques jours avant le déclenchement de l’opération, plusieurs membres du Hezbollah ont eu des doutes, non pas sur la possibilité que leurs appareils explosent, mais que leurs communications soient interceptés par Israël. Ils voulaient ainsi envoyer les bipeurs en Iran pour les faire analyser. Quand le Mossad en a eu vent, le Premier ministre a donné l’ordre de faire exploser les bipeurs !
Au delà de ses objectifs militaires, Israël réalise-t-il ces opérations à des fins de guerre psychologique, en envoyant un message à tous ceux qui voudraient remettre son existence en question ?
P. R. Israël est entouré par des millions de personnes qui rêvent de fouler les frontières et d’en assassiner toute sa population. Il y aujourd’hui une évolution dans certains pays, comme aux Émirats arabes unis ou en Arabie saoudite, où les positions s’infléchissent. Mais Israël doit, pour sa survie, être considéré par ses voisins comme invulnérable. Le 7-Octobre 2023 a ruiné cette image d’invulnérabilité. Ces opérations militaires ont permis de réaffirmer la supériorité du pays, en se débarrassant du Hamas et du Hezbollah notamment.
Israël est-il en sécurité maintenant ?
P. R. Plus qu’avant le 7-Octobre, c’est évident. Gaza n’est plus habitable aujourd’hui, et ne sera plus une enclave palestinienne. La volonté de Donald Trump d’y construire une base américaine sera la garantie de cette sécurité.
S. S. L’attaque du 7-Octobre et la riposte israélienne ont redessiné la carte du Moyen-Orient, et c’est Israël, seul, qui en décide. Le régime de Bachar el-Assad s’est effondré parce que les Israéliens ont liquidé le Hezbollah, et l’homme à la tête de la Syrie n’est pas hostile à l’État hébreu. Les monarchies du Golfe adoucissent leur ton face à Israël, et acceptent l’idée que l’État juif ne disparaîtra pas de la carte. Même chose pour l’Égypte ou la Jordanie. Il ne reste que ce colosse aux pieds d’argile qu’est l’Iran. Les prochains mois diront si Trump ira jusqu’à bombarder l’Iran afin d’empêcher le pays de se procurer l’arme nucléaire.

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