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Culture
Sébastien Le Belzic
15/04/2025 à 13:00

Avec Bleus, Blancs, Rouges, Benjamin Dierstein signe son retour dans le roman noir politique, un genre qu’il avait déjà hanté avec sa précédente trilogie sur les années Sarkozy. Ce premier volet d’une nouvelle saga, ancré dans la France de Valéry Giscard d’Estaing, est une bête sauvage : ambitieux, dense, parfois chaotique, mais puissant. À travers près de 800 pages, l’auteur breton dissèque une époque trouble, entre terrorisme galopant, guerre des polices et magouilles de la Françafrique, avec une plume qui cogne comme un poing américain. Imaginez un Paris où les néons des boîtes de nuit disco clignotent au rythme des combines politiques et où l’ombre de Jacques Mesrine plane comme une menace sourde.
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Plonger dans Bleus, Blancs, Rouges, c’est prendre un aller simple pour la France de 1978, celle des Peugeot 504, des clopes Gitanes et des scandales. Benjamin Dierstein ne fait pas semblant : avec le premier tome de cette trilogie, il nous balance dans un polar noir, crasseux et addictif, où flics, truands et politicards se disputent la couronne d’un royaume en pleine dérive.
L’intrigue suit Marco Paolini et Jacquie Lienard, deux bleus fraîchement sortis de l’école de police, parachutés dans un monde qui ne fait pas de cadeaux. Lui, à la BRI, veut la peau de Mesrine ; elle, aux RG, patauge dans les eaux troubles des réseaux terroristes. Autour d’eux, ça grouille : Vauthier, ex-barbouze devenu proxénète et mercenaire, tire les ficelles d’un jeu où les diamants de Bokassa brillent d’un éclat sale. On croise aussi des échos de Robert Boulin ou de Pierre Goldman.
Une reconstitution au scalpel d’une époque où la France oscillait entre disco et désillusions
Dierstein, fan revendiqué de James Ellroy, ne fait pas dans la demi-mesure. Son écriture, c’est du brutal : phrases courtes, dialogues qui claquent, détails qui suggèrent l’ambiance d’un bistrot enfumé ou d’une planque tendue. On sent le boulot de dingue derrière chaque page – les 800, ça pèse ! – avec une reconstitution au scalpel d’une époque où la France oscillait entre disco et désillusions. Les références historiques pleuvent, mais jamais gratuites : elles servent une satire féroce des affaires d’État et des ego surdimensionnés.
Les personnages sont taillés dans le roc. Marco et Jacquie, un peu tendres au départ, gagnent en épaisseur au fil des coups durs. Mais c’est Vauthier qui vole la vedette, avec son cynisme de vieux loup et son charisme de voyou shakespearien. On aime les détester, ces salauds magnifiques, et Dierstein sait y faire pour les rendre vivants, presque trop réels.
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Alors oui, parfois, ça déborde. L’intrigue, tentaculaire, peut perdre le novice dans ses méandres, et le style syncopé fatigue sur la longueur. Mais c’est aussi ce qui fait la force de ce pavé : il vous aspire. Bleus, Blancs, Rouges, c’est un uppercut, un voyage dans une France qui sent le pastis et la trahison. Si vous aimez les polars qui cognent et les fresques qui osent tout, foncez. La suite ? On la guette déjà, le souffle court.

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