« Je suis Giorgia. Je suis une femme, je suis une mère, je suis Italienne, je suis chrétienne. » Pour comprendre la détermination sans faille de Giorgia Meloni, il faut se plonger dans son livre autobiographique publié en 2022, où elle décline en quelques chapitres bien tournés sa phrase désormais célèbre. Sans tomber dans la psychologie de comptoir, on comprend vite, en dévorant les premières pages de son opus, que ce petit bout de femme d’à peine 1,60 m s’est construite contre le père dont elle dresse le portrait en quelques lignes. Communiste, expert-comptable et surtout inapte à l’amour familial.
Elle ne conservera d’ailleurs rien de son géniteur si ce n’est un accent romain à couper au couteau. C’est avec ce même accent qu’elle compte bien dire ce qu’elle pense des droits de douane américains à Donald Trump le 17 avril prochain à Washington. Et même si ce voyage solo irrite ses partenaires européens et notamment français, qui y voient un coup de canif à l’unité européenne – souvent bien illusoire d’ailleurs –, la Première ministre n’en a cure. Elle a rapidement compris en arrivant à la tête du pays qu’elle devait imposer son rythme pour espérer remporter des négociations sur la scène européenne. Ce fut le cas sur l’épineux dossier migratoire après des années durant lesquelles l’Italie a été laissée seule face à la déferlante à Lampedusa.
Mais que pèsera son « Italy First » face à l’« America First » du mastodonte trumpien ? « La Meloni », comme l’appelle son entourage, affûte ses arguments. Elle sait qu’elle ne doit pas braquer la Maison-Blanche en qualifiant le protectionnisme américain de bêtise, comme l’ont fait ses partenaires européens. Elle compte donc emprunter un chemin plus nuancé pour expliquer qu’une guerre commerciale ne profiterait à personne. Et surtout pas en réalité à l’Italie, dont les États-Unis sont le deuxième partenaire commercial après l’Allemagne. Pour défendre ses intérêts, elle est prête à tout, quitte à prendre le risque de faire « cavaliere » seule, dénoncent ses détracteurs en référence à son compagnonnage avec Silvio Berlusconi. Chaque fois qu’elle fait un pas de côté, Giorgia Meloni est immédiatement renvoyée à son passé par ceux qui adorent la dépeindre en Mussolini en jupons. Mais cela fait bien longtemps qu’elle s’en moque et qu’elle trace son chemin depuis le quartier populaire de la Garbatella jusqu’aux plus hautes sphères du pouvoir. Derrière les murs ocre des lotti de cette zone populaire de Rome, les habitants sont fiers de la petite Giorgia.
Enfant, elle était déjà douée pour négocier et rafler la mise
Les plus anciens racontent dans les journaux locaux que la fillette était déjà douée pour négocier et rafler la mise. Ils se souviennent aussi de ses blessures intimes. Contrairement aux autres enfants, elle ne se précipitait pas chez elle à l’heure du déjeuner pour s’attabler en famille. Elle préférait s’asseoir sur le banc à côté d’un potager et laisser ses pensées danser sur l’immensité bleue du ciel. Chez elle, il n’y avait pas de table endimanchée, pas de craquements familiers du poêle à bois et encore moins de visages réjouis à l’idée d’un festin à partager. La table de la cuisine, toute petite, lui paraissait immensément vide. C’est étrange, comme tout semble grand et effrayant quand on est enfant. Effrayant, comme le surveillant de son école à la cantine. Giorgia détestait lorsqu’il secouait frénétiquement sa clochette à l’heure du déjeuner. Il se penchait sur elle pour lui rappeler sur un ton glacial et intimidant qu’il ne fallait pas jouer avec la nourriture. Il avait le même ton cassant que son père. Des années plus tard, quand elle est retournée à son école, une fois adulte, le même surveillant vieilli et amaigri a foncé sur elle, s’agrippant à son bras pour parader avec fierté en claironnant que Giorgia était sa préférée. Elle s’est alors aperçue qu’il lui arrivait à l’épaule, tout comme son père qu’elle n’a plus jamais revu.
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Georgia a dû dépasser la tristesse infinie et l’indécollable sentiment d’abandon. Et un jour, la jeune femme s’est décidée à occuper la place désertée du père et la table de la cuisine est redevenue un lieu de sourires partagés et de premières discussions politiques animées. Petit à petit, elle est devenue la patronne de la maison, puis celle du quartier avant de veiller aujourd’hui aux intérêts des Italiens. Et si c’était elle la vraie patronne de l’Europe ?
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