Le JDD. Que nous apprend la stratégie tarifaire de Donald Trump sur les prérogatives économiques de l’exécutif américain ? Est-ce nouveau ?
Kyle Kopko. Ce n’est pas nouveau, mais Trump porte ça à un niveau supérieur. Nous n’avons jamais vu ce type d’activité tarifaire, du moins dans l’histoire politique moderne. C’est sous Franklin Roosevelt, durant la Grande Dépression, que le président a étendu ses pouvoirs en matière économique. Il s’agissait évidemment d’une urgence nationale. Roosevelt a donc pris diverses mesures sans l’accord du Congrès. Après lui, chaque président a élargi un peu plus ses compétences. Ce fut le cas avec Johnson pour ses réformes sociétales. Cette évolution vaut pour les républicains et les démocrates. Je me souviens que lorsqu’Obama était au pouvoir, les républicains le critiquaient pour le nombre de décrets qu’il avait signés !
S’agit-il d’un changement à long terme dans l’équilibre des pouvoirs ?
Si les Pères fondateurs étaient encore en vie aujourd’hui, ils ne reconnaîtraient pas le gouvernement tel qu’ils l’avaient imaginé. Le Congrès a même cédé une partie de son pouvoir à l’exécutif. Il pourrait théoriquement récupérer ce pouvoir. En fin de compte, c’est le Congrès lui-même qui a déclaré la guerre à notre structure constitutionnelle ! Ajoutez à cela la politique partisane : comme les deux chambres sont contrôlées par les républicains, elles ne font, pour l’essentiel, que soutenir les actions de Trump.
Il y a eu pourtant certaines oppositions…
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Sous l’administration de George W. Bush, c’était une caractéristique de la politique conservatrice : des accords de libre-échange et une économie libre sans barrières commerciales. Et Ted Cruz pouvait bien s’exprimer sur le sujet. Rand Paul également. Et enfin Mitch McConnell qui est à un stade de sa carrière où il s’en fiche complètement (vieillissant, il ne se représente pas en 2026, NDLR). D’autres sénateurs préfèrent le huis clos. Certes, ils s’inquiètent des effets des droits de douane, mais ils veulent protéger la majorité républicaine et ne veulent pas s’attirer les foudres de Trump.
Imaginons que Trump perde les élections de mi-mandat en 2026. Un Congrès démocrate pourrait-il annuler tous les décrets pris jusqu’à présent ?
Non, pas tous. Pour y parvenir, plusieurs conditions doivent être réunies. S’il s’agit d’une compétence exclusive du président, comme la gestion des protocoles ou des opérations au sein d’une agence dépendant de l’exécutif, il sera difficile d’annuler ce type de décret. Trump continue de licencier, par exemple, et le simple vote d’un projet de loi à cet effet par le Congrès ne suffira pas. Il faudrait passer outre un éventuel veto du président avec une majorité des deux tiers dans les deux chambres pour annuler tout cela. Improbable !
« Trump a toujours été un dirigeant. Et c’est ainsi que fonctionnent les PDG »
Après presque 100 jours de pouvoir, comment caractériseriez-vous le style de Trump ? Est-ce le même Trump ?
Il est beaucoup plus efficace. Personne ne peut le contester. Ces quatre dernières années, Trump a pu compter sur ses conseillers et son équipe pour planifier une mise en œuvre rapide de sa politique. Il use davantage du pouvoir unilatéral de la présidence. Son style, c’est un peu : « Pour le meilleur ou pour le pire ! » Trump n’a jamais exercé d’autres fonctions électives. Il a toujours été un dirigeant. Et c’est ainsi que fonctionnent les PDG. D’autant qu’il a évolué dans la Trump Organization, une société cotée en Bourse, sans actionnaires à satisfaire. Il y a huit ans, son cabinet comprenait des personnalités de tous les courants conservateurs qui n’étaient pas sur la même longueur d’onde. Ce n’est plus le cas. La mécanique paraît plus huilée.
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