À la tête depuis trois ans de Tudor Pro Cycling, Fabian Cancellara, 44 ans, a recruté l’été dernier l’un des chouchous du public français, Julian Alaphilippe. Sa formation helvétique, sponsorisée par une marque horlogère qui célèbrera son centenaire l’année prochaine, vient d’obtenir une invitation pour le Tour, en juillet.
Avant cela, elle découvrira Paris-Roubaix, épreuve dont la difficulté n’est plus à démontrer. Trente secteurs pavés sont au menu de cette 122e édition. Ils entraîneront leur inévitable lot de chutes, de crevaisons et de drames. Celui qui a également remporté trois Tours des Flandres, un Milan-San Remo et deux médailles d’or olympiques en contre-la-montre, s’est confié au JDD. L’occasion aussi d’évoquer le cannibale slovène, Tadej Pogacar, qui vient défier sur la classique nordiste le tenant du titre, le Néerlandais Mathieu van der Poel.
Le JDD. Que représente pour vous Paris-Roubaix ?
Fabian Cancellara. C’est une des plus belles classiques du calendrier. J’en garde de grands souvenirs de quand j’étais coureur. Et là, pour la première fois, j’y serai avec mon équipe. C’est vraiment spécial. Nous sommes fiers d’être au départ. Nous voulons respecter et honorer cette course. Avant, la « team » n’avait pas le niveau pour y réaliser de bonnes courses. Quand on va quelque part, on veut être acteur. On n’est pas derrière le peloton, on veut aller chercher des résultats avec la manière. On aime courir de façon offensive.
En tant que triple vainqueur, conseillez-vous vos coureurs ?
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On en parle un petit peu. Je leur dis qu’il faut avoir de bonnes jambes et être mentalement prêt pour les pavés. Mais je laisse les directeurs sportifs et les coachs donner les consignes. Moi, je suis à l’extérieur, je supporte l’équipe !
On vous surnommait « Spartacus ». Tadej Pogacar, qui a un physique plus léger que vous, peut-il s’imposer dès sa première participation ?
Tu peux toujours gagner une course. Rien n’est écrit à l’avance. Le Tour des Flandres [qu’il a remporté il y a une semaine devant Mathieu van der Poel, NDLR] a démontré son aisance. Mais Paris-Roubaix, c’est différent, c’est plat et il y a des pavés. Est-ce que c’est risqué ? C’est sa décision et ce n’est pas la seule course dangereuse.
Julian Alaphilippe disputait cette semaine le Tour du Pays basque. Il se concentrera ensuite sur les classiques ardennaises du printemps (Amstel Gold Race, Flèche wallonne et Liège-Bastogne-Liège). Comment le trouvez-vous depuis son arrivée chez Tudor ?
Je vois un Julian fier. C’est un garçon exceptionnel, super positif, qui fait profiter l’équipe de son expérience. Il veut encore courir avec panache. Moi, je souhaite que « Loulou » soit tranquille, qu’il pense surtout à son travail, à faire du vélo, et qu’il soit bien avec sa famille.
Après deux saisons compliquées, 2024 a été bien meilleure (notamment avec une étape du Giro et le prix de la combativité). 2025 sera-t-elle l’année de son retour au sommet ?
Il a changé d’équipe après onze ans dans la même formation [celle du Belge Patrick Lefevere]. Mais il a encore le feu, le « fighting spirit ». Il veut donner le maximum. Il est prêt aussi à se sacrifier pour les autres. Tout cela constitue un socle important.
« Julian Alaphilippe a la capacité de gagner Liège-Bastogne-Liège »
Les deux années difficiles qu’il a connues lui ont apporté de la maturité. Dans notre structure, il a certaines responsabilités. Il a la capacité de gagner Liège ou une étape sur le Tour de France. Mais va-t-il y arriver ? Il ne faut pas oublier que tu as Pogacar dans toutes les courses…
Au sein de votre équipe, son intégration s’est donc bien passée ?
Oui, vraiment bien. Son naturel aide aussi ! Les relations humaines sont faciles, il est le « Loulou » que le public français connaît. Quand je suis avec lui, c’est un plaisir.
Votre équipe est toute jeune et vous êtes déjà invités à participer au Tour de France. Est-ce un rêve qui se réalise ?
Ce n’est pas seulement grâce à la présence de Julian qu’on a été invités. On a d’autres grands coureurs comme Marc Hirschi, Matteo Trentin et tous les autres. Je remercie Amaury Sport Organisation (ASO), l’organisateur du Tour, de nous donner cette possibilité. Nous serons ambitieux. On ne veut pas aller sur le Tour seulement pour faire de la présence. On vise de jolis résultats. Avant, on fera le Giro d’Italia.
Et dire qu’à sa création, votre équipe avait surtout vocation à développer le cyclisme helvétique…
Au début, nous étions seulement en Suisse. La structure a évolué. C’est normal. On garde cette identité. Mais c’est également un projet sportif mondial. Ce qui n’empêche pas d’aider le cyclisme suisse à se développer.
Est-ce plus facile d’être coureur que propriétaire d’équipe ?
Quand tu es coureur, tu es « focus » sur tes courses et tu as toujours la capacité de dire non. Alors que lorsque tu es au bureau, tu ne peux jamais couper ! Quand il faut prendre une décision, ça ne peut pas attendre…
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