Il n’a pas encore 26 ans et écume depuis (déjà !) une décennie les circuits de la planète. « Ça commence à faire beaucoup », s’en amuse le Niçois depuis Doha. Là où dans d’autres disciplines, un sportif renommé traversant une phase difficile aurait répondu d’office non à une demande d’interview, lui l’a acceptée sans réticence.
Fabio Quartararo n’est pas du genre à se cacher derrière son petit doigt. Au téléphone, sous une chaleur précoce (35 degrés en moyenne cette semaine au Qatar, qui accueille la quatrième manche de la saison), « Le Petit Prince » du deux-roues évoque sans langue de bois sa situation, où l’insuffisance devenue chronique de sa monture japonaise ne lui permet plus de rivaliser avec les frères Marquez et les autres cadors : « Sincèrement, la moto n’a pas beaucoup d’avantages. Le feeling sur l’avant est très bon, le grip pas du tout. Il faut trouver un juste milieu. Ça fait quelques années qu’on travaille sur l’adhérence. On n’y arrive pas. »
Sans grip, tout est difficile. Freiner, accélérer, changer de direction. À chaque fois, c’est un numéro d’équilibriste. Et cette mauvaise adhérence n’est qu’un souci parmi d’autres. Les ingénieurs ne parviennent plus à développer la M1. En 2021, « El Principito » était pourtant au sommet, devenant le premier Français de l’histoire sacré dans la catégorie reine, la MotoGP. Depuis ce titre mondial, la courbe de performance de la Yamaha s’est inversée. Sans machine compétitive, un pilote, fusse-t-il surdoué, ne peut rien faire. Deuxième du championnat en 2022, dixième en 2023, treizième en 2024. Ces classements renvoient à ses jeunes années dans les catégories intermédiaires, la moto 3 (10e en 2015, 13e en 2016) puis la moto 2 (13e en 2017, 10e en 2018).
À l’époque, il était à juste raison perçu comme un prodige en puissance, attirant toutes les convoitises. Une dérogation lui fut même accordée pour débuter en championnat du monde de vitesse à quinze ans et demi, avant l’âge minimum de 16 ans. Avec le recul, le prodige devenu grand admet qu’il « y avait énormément d’attente en moto 3 et moto 2. Malheureusement, il y a eu des blessures et des mauvais choix de ma part. J’ai appris énormément de cette période et j’ai réussi à monter en MotoGP où j’ai obtenu de très bons résultats. La situation actuelle n’a rien à voir [avec celle connue dans les catégories inférieures], car je sais très bien quelles sont mes capacités sur une MotoGP et ce qui me manque pour aller vite. »
L’an dernier, Quartararo a prolongé son (lucratif) contrat avec l’écurie « Monster Energy Yamaha » jusqu’en 2026. Soit avant l’entrée en vigueur d’un changement en profondeur de la réglementation technique tant sur le plan de la motorisation que sur l’aérodynamisme. Ce qui fait dire au consultant Canal+ et ancien pilote Randy de Puniet : « Pour Fabio, il ne faut pas que la situation s’éternise. Il doit rester motivé. En 2027, la MotoGP va évoluer. S’il enchaîne des saisons moyennes, intéressera-t-il encore des écuries gagnantes ? »
La suite après cette publicité
Comme un symbole, Doha le ramène à sa meilleure saison, celle du titre en 2021. C’est sur le circuit de Lusail qu’il réussit un incroyable doublé avec son compatriote Johann Zarco : « C’était cool, surtout que c’était ma première victoire avec l’écurie officielle Yamaha. Ce week-end, on va essayer de refaire une belle course. » Ensuite, le calendrier le conduira en Espagne (27 avril à Jerez), le pays où il a effectué toutes ses classes, et en France (le 11 mai au Mans). « Ce sont deux circuits que j’apprécie, rappelle-t-il. Mais ça ne veut rien dire. Il y a une différence entre apprécier un Grand Prix et être performant. Ce qui est sûr, c’est qu’au Mans, on a la meilleure ambiance [de la saison]. N’importe quel pilote vous le dira. C’est incroyable de voir autant de fans dès le jeudi [la journée où les écuries s’installent]. Alors quand en plus tu as la chance d’être français… »
Avant cet enchaînement, il passera le week-end pascal au repos, en famille et avec des amis, chez lui en Andorre, pour fêter ses 26 ans le 20 avril. Que lui souhaiter ? « Le plus important, c’est que les résultats aillent crescendo et qu’on constate une amélioration sur la moto, sans vraiment parler d’un résultat fixe », espère-t-il, refusant de se projeter sur un objectif de podium (qui lui échappe depuis un an et demi, au Grand Prix d’Indonésie) et encore plus de victoire (GP d’Allemagne, il y a 1 029 jours). « El Diablo », comme il est aussi surnommé, sortira-t-il bientôt de sa boîte ?
Source : Lire Plus