
« Ne faisons pas un service public pour donner la mort. »Quand François Bayrou prononce cette phrase, en mai 2023, le projet de loi fin de vie est encore en gestation. Quelques jours plus tôt, une Convention citoyenne sur la fin de vie s’est prononcée en faveur de l’euthanasie et du suicide assisté, sous conditions. Le Béarnais, fervent catholique, désapprouve la méthode choisie par Emmanuel Macron. Il ne voit pas non plus l’intérêt d’une telle évolution législative alors que la loi Claeys-Leonetti répond à la majorité des situations de fin de vie. Pas toutes, répondent en écho les partisans d’une aide active à mourir. Lesquels se prévalent du soutien d’une majorité de Français, selon les sondages. Un projet de loi est mis sur les rails. Un an plus tard, les députés s’apprêtent à le voter, quand la dissolution envoie alors tout valser.
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Par l’une de ces ironies dont l’histoire raffole, Matignon échoit à un certain François Bayrou. Le nouveau Premier ministre n’a pas changé d’avis. Matois, il échafaude une solution d’entre-deux : scinder le texte en deux lois, l’une consacrée au développement des soins palliatifs, l’autre à l’aide active à mourir. Les partisans de la seconde dénoncent une manœuvre visant à repousser aux calendes grecques l’adoption du projet de loi.
Quels que soient les motifs de François Bayrou, le député LR et médecin Philippe Juvin approuve la scission du texte : « Cela permet de ne pas prendre en otage ceux qui souhaitent développer les soins palliatifs, mais s’opposent à l’aide active à mourir. » Car si le premier volet fait consensus – la loi sur les soins palliatifs a été adoptée vendredi à l’unanimité en commission – la seconde rencontre des oppositions philosophiques et religieuses. Les deux textes sont inscrits à l’ordre du jour des 12 et 17 mai pour être débattus dans l’Hémicycle. Quelle sera la position du gouvernement ? Bien malin qui pourra le dire. Les deux ministres chargés de la santé, Catherine Vautrin et Yannick Neuder, ne semblent pas alignés. La première assure que l’aide active à mourir « n’ouvre pas de rupture anthropologique » quand le second, autrefois opposé au projet de loi, consent à une évolution législative, sous réserve de critères d’éligibilité plus stricts que ceux prévus par le texte soumis à l’Assemblée.
En cas d’adoption, restera alors à franchir la haie du Sénat – une autre paire de manches
Le clivage qui traverse la plupart des groupes parlementaires, à l’exception de la gauche, dans l’ensemble favorable à la liberté de disposer de sa mort. Au RN, une quinzaine de députés envisagent de voter le texte. Dans le socle commun, la tendance est plutôt à l’approbation du volet fin de vie, exception faite des élus DR, très majoritairement hostiles. Pour ce conseiller du gouvernement, l’issue dépend des « pour » : « Si les rapporteurs tiennent une ligne d’équilibre, il sera voté. » En cas d’adoption, restera alors à franchir la haie du Sénat – une autre paire de manches. « Le texte fin de vie dans sa version Assemblée ne nous convient pas. Les sénateurs vont le reprendre dans le détail », prévient une haute figure du Sénat. De sorte qu’un vote du texte avant l’été semble incertain. Ce qui ne fâchera pas François Bayrou ?
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