
Sous la nef du Grand Palais, la foule se presse, livres à la main, au rythme des rencontres entre auteurs et lecteurs. Le Festival du Livre de Paris bat son plein, mais cette effervescence cache une réalité préoccupante : jamais les indicateurs de la lecture en France n’ont été aussi bas. Selon le dernier baromètre Ipsos/CNL publié quelques jours avant l’ouverture du festival, la part des Français se déclarant lecteurs réguliers atteint un niveau historiquement faible : 56 %, soit une baisse de 5 points en deux ans. Le temps moyen consacré à la lecture s’effondre, notamment chez les moins de 25 ans, où il ne dépasse plus les 28 minutes par jour. Même les grands lecteurs sont moins nombreux. En parallèle, le développement fulgurant du marché de l’occasion bouscule une chaîne dépendante des ventes de livres neufs.
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Dans ce contexte, la visite d’Emmanuel Macron et de la ministre de la Culture Rachida Dati, vendredi 12 avril, était attendue. Un an plus tôt, au même endroit, le président évoquait la possibilité d’une « contribution » des revendeurs de livres d’occasion au financement de la création. Depuis, le marché de la seconde main a poursuivi son expansion. Un livre sur cinq est aujourd’hui acheté d’occasion – souvent dès le jour de la sortie, via des plateformes comme Momox, Vinted ou Rakuten, sans qu’aucune rémunération ne revienne aux auteurs ou aux éditeurs. La demande de régulation est portée avec insistance par le Syndicat national de l’édition (SNE). Vendredi matin, son président Vincent Montagne appelait à une taxation du livre d’occasion « pour contribuer à la rémunération de ceux qui feront les livres de demain ».
La réponse politique s’est précisée : le ministère de la Culture saisit le Conseil d’État pour examiner la création d’un « droit de suite » appliqué à la revente de livres, visant à prélever une part sur chaque revente pour la reverser aux ayants droit. Cette mesure pourrait être intégrée, via un amendement gouvernemental, à la proposition de loi sur la rémunération des auteurs actuellement portée par les sénatrices Laure Darcos et Sylvie Robert. « Fidèle à son exception culturelle, la France sera pionnière dans la protection des auteurs, de la création et de sa diversité », a affirmé Rachida Dati, précisant que les structures de l’économie sociale et solidaire (ESS) ne seraient pas concernées par cette contribution. Une façon d’articuler défense de la création et accessibilité du livre.
Parallèlement, la ministre a profité de l’événement pour détailler un plan de reconquête de la lecture dès la petite enfance : création d’un Prix du livre pour les bébés, remise d’une carte de bibliothèque à chaque naissance, renforcement du programme Lecture-Loisir dans les écoles. « Ce sont les habitudes prises dans l’enfance qui forgent un goût pour la lecture durable », a-t-elle conclu.
Un livre sur cinq est aujourd’hui acheté d’occasion
Ces annonces suffiront-elles à enrayer un décrochage structurel, renforcé par la puissance des écrans et la dispersion de l’attention ? Si les allées du festival témoignent d’un enthousiasme, notamment chez les plus jeunes – 45 % des visiteurs ont moins de 25 ans –, les professionnels de la chaîne du livre s’inquiètent. Le festival a beau célébrer le livre sous toutes ses formes, la fête ne saurait faire oublier que l’écosystème qui le soutient est, lui, de plus en plus fragile.
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