L’essentiel
- Pascal N., 65 ans, est soupçonné d’avoir mis en place une pyramide de Ponzi, un système rendu célèbre par l’affaire Madoff, selon lequel les investissements des « entrants » dans le dispositif financent les intérêts des « sortants ».
- Près de 500 personnes auraient investi dans sa société, pour un montant total qui dépasse les 100 millions d’euros. De l’argent qui, aujourd’hui, a disparu.
- La juridiction interrégionale spécialisée de Paris a ouvert le 1er avril dernier une information judiciaire pour ces faits qualifiés « d’escroquerie en bande organisée et de blanchiment en bande organisée ».
Plus c’est gros, plus ça passe. Pascal N., 65 ans, a créé en 2008 Emeraude Friends. Au commencement, il proposait à ses amis d’investir leur argent dans cette société de gestion de fonds. En échange de quoi, ces derniers devaient recevoir chaque année des intérêts de l’ordre de 15 % à 20 %. En 17 ans, cet habitant de Saint-Briac, en Ille-et-Vilaine, est parvenu à convaincre au moins 490 personnes, originaires de tout le pays, de lui confier des sommes importantes.
Aucune d’entre elles n’a pensé qu’un tel rendement n’existait pas dans la vraie vie. Et en mars dernier, après l’assemblée générale, les associés du gérant de cette société n’ont, pour la première fois, pas reçu leurs intérêts. Surpris, certains ont pris peur et ont demandé à récupérer leurs fonds. Trop tard, les quelque 106 millions d’euros investis avaient disparu.
« Quand il n’y a plus d’argent, ça s’écroule »
Comme l’a révélé Ouest-France, les associés lésés ont déposé plainte auprès du parquet de Saint-Malo qui a ouvert une enquête. Il s’est depuis dessaisi au profit de la juridiction interrégionale spécialisée de Paris. Une information judiciaire a été ouverte le 1er avril 2025, pour escroquerie en bande organisée et blanchiment en bande organisée.
Me Fanny Colin, qui représente de nombreuses parties civiles de ce dossier, se demande si ses clients n’ont pas été victimes d’une pyramide de Ponzi. « Le principe, c’est que ça ne marche jamais, mais on fait croire que ça marche. Les intérêts distribués n’existent pas puisqu’on prend sur le capital versé par les nouveaux entrants dans la société pour les payer aux anciens. Et quand il n’y a plus d’argent, ça s’écroule », explique-t-elle.
L’avocate représente des investisseurs au profil « assez varié ». « Il y a surtout des particuliers et aussi quelques entreprises. Ce sont plutôt des gens d’un bon niveau social. Mais c’est le principe de l’escroquerie : Bernard Madoff avait convaincu la crème de la crème d’investir », souligne-t-elle. Il faut dire que, pour beaucoup, Pascal N. passe pour un homme charismatique, sympathique, drôle, qui s’exprime bien.
« C’est un drame »
Le système mis en place fonctionnait grâce au bouche à oreille. « Les nouveaux investisseurs étaient rassurés par le fait que les précédents touchaient véritablement chaque année des rendements, même s’ils étaient parfois moins importants que ce qui était prévu. Cela leur laissait penser qu’il s’agissait d’un investissement parfaitement régulier et conforme à leurs attentes », soulignent Mes Alexandre Barbelane et Hacem Khalida qui défendent une quinzaine de parties civiles.
Leurs clients sont issus de « toutes les catégories socioprofessionnelles ». Mais, soulignent-ils, ce ne sont « pas du tout des investisseurs professionnels ou habituels ». « Ce sont des gens qui, entendant parler d’un investissement rentable et qui semble fonctionner, ont décidé, pour une fois, d’investir leurs économies d’une vie. Elles sont parties en fumée. Pour eux, c’est un drame. Ils sont passés par plusieurs étapes, la sidération, le traumatisme. »
Le gérant lui-même victime ?
Où est passé leur argent ? Pascal N. a écrit une lettre à ses associés le 23 mars dernier pour leur expliquer qu’il a été dupé par un courtier luxembourgeois. Il lui aurait confié les fonds sans en parler à personne. « Il se présente comme une victime. Mais toutes les pièces qui justifient et démontrent les supposés investissements dans cette société luxembourgeoise auraient été dans un classeur papier qui lui aurait été dérobé à son domicile », observe Me Fanny Colin.
« L’enquête va permettre de suivre les flux financiers et de vérifier si les propos tenus par le gérant sont véridiques ou pas. Peut-être que l’argent a été détourné sur des comptes quelque part », veulent croire ses confrères, Mes Alexandre Barbelane et Hacem Khalida. Leurs clients veulent conserver l’espoir de récupérer un jour leur mise. « Sinon, c’est catastrophique pour eux. »